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Ce texte est extrait du #30 spécial Humour
Avec le couple et le sexe, la marde, ostie, fait partie du trio gagnant avec extra-blague-de-cul qu’on nous sert quand on veut nous faire rire et qu’on manque d’imagination! Ça tombe bien, vous aimez ça et vous allez en reprendre. Ne dites pas le contraire, je viens de vous voir sourire.
L’anal est devenu tellement banal qu’on l’étale à toutes les sauces sous prétexte de déclencher l’hilarité générale. Mais pourquoi la merde fait-elle tant rire?
Avez-vous remarqué que les crises de rire ressemblent à des crises de foie? Les fous rires explosent sans retenue comme des gaz intestinaux. Les spasmes hilares reviennent à intervalles réguliers comme des flux gastriques imprévisibles. Le spectateur assis sur son trône numéroté semble souffrir du même mal stomacal que son voisin de festival. On se plie en deux, on se tient le ventre, on se tortille sur son siège, les fesses gloussent, la bouche grimace, le nez se plisse, les yeux se ferment, le souffle devient court, les entrailles se gonflent prêtes à remettre en jeu la digestion du dernier gag ou l’absorption du plus récent calembour balourd. Les sphincters peuvent enfin se relâcher.
Ainsi soulagé, on libère ce qui croupissait au plus profond de nous. Des crottes de rire dans un sens et des éclats de caca dans l’autre.
Est-on obligé d’évoquer la fiente pour que les gens se bidonnent? N’y a-t-il pas d’autres moyens de déclencher l’hilarité? Pourquoi la matière fécale se transforme-t-elle en matière à rire quand elle sort de la bouche d’un professionnel de la gaudriole ou d’un mononcle aviné lors d’un souper bien arrosé?
L’humour anal est ce qui nous rapproche le plus de notre enfance. Les blagues de marde, c’est un peu comme un lifting de l’intelligence, une liposuccion du QI. On retrouve notre âme d’enfant dans notre corps de grand. La merde a ça de bon qu’elle nous enduit d’une couche d’innocence et de réconfort qui nous replonge au doux temps où l’odeur de caca était signe de câlin maternel. C’est en tout cas l’analyse cérébrale qu’en fait votre chroniqueur du vide ordinaire. Car, force est de constater que l’humour se joue plus souvent au niveau des intestins que de l’intellect.
Les temps sont durs pour l’humour sagace. Les mots d’esprit ont fait place à des jeux de mots, des maux de tête, des têtes à claques, des claques sur la gueule, des gueules de bois et des boit-sans-soif. Des générations d’humoristes formatés ont supplanté les jongleurs de verbes et les fantaisistes spirituels qui secouaient les neurones pour déclencher les zygomatiques. L’étron cache un désert d’imagination. Quand caca, prout, pipi suffisent à déclencher le rire, il n’y a pas de raisons de se casser la tête pour essayer d’avoir l’air désopilant.
Mais finalement, si l’humour anal vaut de l’or, ce n’est pas seulement parce que l’argent n’a pas d’odeur, c’est peut-être aussi parce que c’est le plus facile à comprendre.
Et ça, ça fait chier!