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Les coulisses de la Saint-Jean de PY Lord

Répéter les textes de la Fête nationale à la Marina de Longueuil

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
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Deux marmottes sont en train de se battre sur le terrain la Marina de Longueuil dans une chaleur suffocante. La lutte, féroce, se transporte dans un bosquet, à l’ombre d’un gros motorisé.

Je talonne l’autrice (et accessoirement amie) Marie-Pierre Duval, qui se dirige vers un Winnebago brun au fond d’un stationnement en gravelle.

Le propriétaire du véhicule, nulle autre que Pierre-Yves Lord, descend de Québec avec son bateau.

C’est qu’il aime le plein air, notre PY national.

Dans l’ambiance de camping de cette halte VR bruyante située en bordure de la 132, PY et Marie-Pierre rattachent les derniers fils des textes du grand spectacle de la Fête nationale qui aura lieu ce lundi 24 juin au parc Maisonneuve. Il s’agit d’une troisième collaboration pour le duo, des camarades de longue date qui se sont notamment apprivoisés sur le plateau de l’émission Deux hommes en or, où Marie-Pierre était rédactrice en chef.

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Parce qu’au-delà des foules monstres et des légendes de la chanson qui défilent sur scène pour faire vibrer notre fleur de lys intérieure, il y a les mots pour lier tout ça.

J’ai eu le privilège de faire une petite incursion dans les coulisses de cette portion de cet événement d’envergure.

En attendant PY

Non, je n’imaginais pas que ça se passerait dans le confort climatisé d’un Winnebago brun, en pleine canicule. Une chouette garçonnière rustique pour PY Lord, qui partage son temps entre Québec et Montréal. Une petite baie coule en bas d’une falaise à quelques mètres, près du fleuve qui nous sépare de la métropole. Au loin, on aperçoit le mât du Stade, autour duquel le niveau de décibels devrait exploser lundi soir.

Claude Dubois, Daniel Lavoie, FouKi, Éléonore Lagacé, Roxane Bruneau, etc. Le show promet.

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Marie-Pierre est calme, en dépit du fait que les textes ne sont pas encore finis. Elle a apporté une bouteille de blanc, mais on est forcés d’emprunter le limonadier des voisins.

En attendant monsieur PY, Marie-Pierre me détaille son état d’esprit, à quelques jours du show. « Ça a l’air téteux, mais je suis super émue. C’est pas un contrat, pour moi. C’est un honneur! », affirme sans détour Marie-Pierre, qui a signé le best-seller Au pays du désespoir tranquille (Stanké) en 2022.

Elle dit avoir en commun avec PY une fibre patriotique très forte, un amour de la culture et de la musique. Des atomes crochus qui simplifient sa job d’écriture. « J’ai pas l’impression d’écrire pour lui, j’écrirais la même chose pour moi », souligne Marie–Pierre.

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Entre deux bouchées de Miss Vickie’s (sel et vinaigre, les meilleures) elle ne tarit pas d’éloges envers son ami-nateur (awww).

« Ce que j’adore de PY, c’est qu’il est capable d’aller partout. Il est audacieux, fin, drôle, mais aussi capable d’aller vers l’émotion. »

Pour le reste, Marie-Pierre avoue n’avoir jamais vécu un trip aussi intense en 22 ans de carrière. « Quand on répète une dernière fois nos textes, je suis sur le bord de la scène et c’est de la drogue. De la drogue dure », illustre celle qui a scénarisé plusieurs documentaires, ajoutant profiter de l’occasion pour rencontrer ses idoles. « J’ai passé du temps avec Marjo, l’an dernier, et t’as pas idée comment elle est pro! »

L’importance de transmettre

On s’installe dehors à une table de pique-nique pour griller quelques clopes. Marie-Pierre prend des nouvelles de PY, qui est quelque part sur l’autoroute 40. Des fourmis se promènent sur la table. L’une d’elles passe proche de se noyer dans mon verre de blanc.

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La conversation dévie sur le mandat des textes, qui va au-delà de la simple présentation du prochain artiste.

On met de l’avant la culture, toutes les cultures, le territoire, la langue et – bien sûr – les artistes. « J’essaye de donner une twist moderne aux textes et souvent, j’ajoute des anecdotes, sortes de polaroïds de la vie de PY, susceptibles d’évoquer notre culture », explique l’autrice, citant en exemple des moments fédérateurs, comme ses premiers émois amoureux lors de la Saint-Jean.

Un thème se dégage chaque année et sert de fil conducteur. Pour cette nouvelle édition, Marie-Pierre a dû broder autour de celui de la transmission. « La mort de Karl Tremblay, de Ferland, de la mère de PY m’ont donné envie de parler de l’importance de cette transmission », souligne l’autrice, qui se demande toutefois si elle n’est en train de spoiler quelque chose.

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En attendant de savoir si elle a commis un faux pas, elle n’a que des éloges envers l’équipe de production composée de vieux routiers (Michel Sabourin, Nathalie Gervais, Pierre Séguin et Johanne Amyot), qui lui donne carte blanche.

Si la « commande » n’a pas une charge aussi politique que sur les Plaines d’Abraham, dont la soirée inclut traditionnellement un discours à saveur patriotique, Marie-Pierre n’a pas l’impression de présenter des textes « calinours » pour autant. « J’ai envie de contribuer modestement, avec mes mots, à nous faire aimer notre culture, surtout maintenant avec une concurrence mondiale. Juste ça, c’est un geste politique en soi, je trouve. »

La capitainerie est fermée

La voiture de PY s’engage dans le petit chemin, en tirant une embarcation de pêche Crestliner.

« Il est peut-être trop tard pour la mettre à l’eau, je vais aller m’informer à la capitainerie! », lance notre hôte retardataire, m’apprenant pour se racheter l’existence du mot « capitainerie ».

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Notre homme enfourche son BMX (oui) et file valider ou non la possibilité de naviguer, pendant que Marie-Pierre nous sert un autre verre de blanc.

Monsieur PY revient bredouille, la capitainerie (je ne me tannerais jamais) est fermée pour la journée. Il propose en échange une randonnée légèrement périlleuse jusqu’à une crique au bas d’une falaise escarpée près de sa roulotte.

« La baie des cacas!» , ose Marie-Pierre, à propos du plan d’eau un brin suspect.

La vue sur le fleuve est néanmoins magnifique , avec le soleil qui commence à descendre à l’horizon.

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Le duo s’installe sur une roche lisse, un air de vacances flotte dans l’air. « Si c’était notre première édition, je serais paniqué, mais on se connaît tellement qu’elle est capable de parler en moi », philosophe PY, au sujet de sa collègue. « On se rejoint dans notre amour de la culture et des grandes messes de la Saint-Jean », ajoute-t-il, pendant que des canards pataugent en face de nous.

PY remonte dans le temps pour me parler de ses premiers souvenirs de la Saint-Jean. C’était à Québec, au début des années 90, avec son chum Guillaume Lavallée (on le salue). Paul Piché était là, bien sûr.

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« Le père de Guillaume nous avait emmenés sur les Plaines d’Abraham. C’était la première fois que je voyais une mer de gens. Je me souviens d’une envolée patriotique de Michel Rivard… ».

«Pour moi, la Saint-Jean, c’est le monde »

Si les mers de monde l’impressionnent moins aujourd’hui, PY garde les deux pieds sur terre. « Pour moi, la Saint-Jean, c’est le monde. Peu importe qui est sur le stage, le show c’est juste le monde », résume celui qui a animé deux fois la fête du Canada dans le passé, avant de finalement choisir son camp. « J’animais à Ottawa et je faisais le discours patriotique à Québec. Je me sentais un peu guédaille », admet PY, qui assure que son cœur est 100% québécois.

Marie-Pierre et lui se remémorent les deux éditions antérieures, marquantes chacune à leur façon.

La première parce qu’on sortait de la pandémie et que tout le monde avait le cœur à la fête. « On a fini ça aux petites heures avec les gars de Loco Locass. On s’est ramassés dans un karaoké et j’essayais de leur faire chanter une de leur toune. Biz m’avait dit : un dentiste ne travaille jamais en état d’ébriété », raconte PY en riant.

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L’année suivante, c’était tout le contraire. La maman de PY était mourante et l’animateur est retourné à son chevet tout de suite après le show, qu’il a d’ailleurs bien failli rater. Normand Brathwaite avait même été dépêché en renfort, au cas où. « Je ne voulais pas revenir à Montréal, mais mon père m’a dit d’y aller. J’ai dit à ma mère que je revenais tout de suite après le spectacle », confie PY, qui a finalement perdu sa maman deux jours plus tard.

Marie-Pierre n’en revient toujours pas de ce tour de force, cette résilience de son camarade. « Il m’a tellement impressionnée, il avait manqué la seule générale, mais il était tellement trooper, dans le moment présent. »

Craignant que le décès de sa mère ne plane comme un nuage au-dessus de l’événement, PY ne cache pas avoir failli décliner cette troisième édition. Mais sa mère n’aurait pas approuvé.

« Elle aurait voulu que je me nourrisse de ça, que je le fasse et que je transforme ça en lumière. »

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De toute façon, ce trippeux de musique pourrait-il être ailleurs? Que ce soit à l’animation du spectacle ou aux platines pendant le DJ set qui suivra, PY sera sur son X. « Je suis toujours un peu groupie. C’est malade, de côtoyer des légendes. L’autre jour, Claude Dubois me parlait de la rue Sanguinet », sourit PY, qui a commencé au bas de l’échelle en faisant tirer des t-shirts dans les gradins pendant les matchs des Rafales de Québec.

Assis devant son motorisé, il est aussi content d’avoir une occasion de souligner le travail de Marie-Pierre, de mettre en valeur l’importance des mots. « Les gens ne viennent pas me voir, ils viennent se voir », conclut-il.

Mal à l’aise avec les fleurs et les compliments, Marie-Pierre le ramène aussitôt à l’ordre.

« Bon, faut travailler un peu, nous autres! »