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Les concours-vitrines, qu’ossa donne?

On explore le tout avec Émile Bilodeau, Raphaël Bussières et Anne-Marie Dufour.

Par
Michelle Paquet
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Que l’on connaisse ou non les concours-vitrines comme Les Francouvertes, le Cabaret Festif! de la Relève ou le Grand Concours du Festival international de la chanson de Granby, pour ne nommer que ceux-là, on sait toutefois qui sont les artistes qui en ressortent. Au cours des 10 dernières années, des noms comme Safia Nolin, Lydia Képinski, Émile Bilodeau, Les Louanges et Philippe Brach ont fait leurs premiers pas professionnellement grâce à ces concours.

Pour les jeunes artistes qui tentent de percer au Québec, le « circuit » des concours musicaux du genre peut sembler comme une voie directe vers une carrière professionnelle en musique. On peut y gagner des milliers de dollars en prix, se faire voir par le public, mais aussi par des gens de l’industrie, et profiter de l’occasion pour se faire des contacts… mais pour chaque heureux gagnant, il y a des dizaines d’histoires moins reluisantes.

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On a discuté avec Émile Bilodeau, qui a pris très jeune le chemin des concours, Raphaël Bussières, alias Lucill, qui a choisit de tenter sa chance avec un premier album sans avoir participé à l’un de ces événements, et Anne-Marie Dufour, directrice du Cabaret Festif! de la Relève, pour savoir qu’est-ce que ça donne pour un artiste de participer à un concours-vitrine ?

Les concours, une école

Avant d’être le gars qui en a « plein son cass », Émile Bilodeau, qui a maintenant 23 ans et deux albums derrière la cravate, a parcouru la province d’un concours à l’autre. Cégep en spectacle, Les Francouvertes, le Cabaret Festif!, le concours du Festival international de la chanson de Granby… nommez un concours musical et Émile Bilodeau y a sûrement participé. C’est un bagage qui fait de lui un excellent guide pour les jeunes qui souhaiteraient s’embarquer dans une aventure similaire. Il est d’ailleurs le porte-parole des éditions 2020 des Francouvertes et du Cabaret Festif!.

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Pour lui, les concours ont été une véritable école. « Si on regarde tous les concours dans un angle de transfert de connaissances, Granby part avec une longueur d’avance parce que tu as accès à un préconcours où des professionnels de la musique viennent te parler. C’est un cadre plus scolaire », nous explique-t-il au bout du fil. Qu’il s’en soit rendu compte ou non à l’époque, ces concours ont formé une partie de l’artiste qu’il est devenu aujourd’hui.

C’est aussi là qu’il a eu à vivre ses premières prestations d’envergures. « À ma demi-finale [des Francouvertes], je ne sais pas ce qui s’est passé, mais j’ai eu un malaise comme deux heures avant mon test de son. Ç’a été causé par le stress, je pense, nous raconte-t-il. C’est un trac avec lequel il faut apprendre à devenir ami. Ça donne la chance d’être bon quand il faut l’être, d’apprendre à performer en peu de temps. C’est représentatif de la job. »

Émile prend d’ailleurs son rôle de porte-parole très au sérieux et compte bien prendre le temps d’accompagner les participants des Francouvertes et du Cabaret Festif! dans leur cheminement. « Je vais leur faire part de mon expérience. Je veux leur parler de comment gérer leurs émotions, vivre leur frustration et apprendre à sourire et à prendre les commentaires [pendant le concours.] »

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Anne-Marie, directrice du Cabaret Festif! de la Relève, le volet concours du populaire Festif de Baie-Saint-Paul, abonde dans le même sens. Pour elle, une vitrine comme la sienne, qui se déroule en région, est une chance pour les jeunes artistes de sortir des grands centres et de tester leur matériel auprès d’un autre public. « C’est une façon de récolter des commentaires, d’évaluer les réactions des 150 personnes présentes (qui ne font pas partie de leur entourage ou de l’industrie), et de valider ou retravailler plusieurs aspects du spectacle par la suite », nous a-t-elle écrit.

De nombreux artistes participent à plusieurs concours pendant l’année, et le Cabaret Festif! est devenu un incontournable du circuit puisque, comme l’a mentionné Anne-Marie, il présente les artistes à de « vrais » mélomanes. « Les commentaires qu’on reçoit des artistes, c’est que le public est présent, réactif, mais surtout, que la salle est pleine de “vrai monde”, explique-t-elle. Des amateurs de musique qui habitent en région, qui éprouvent un réel plaisir à la découverte pure, et qui réagissent avec honnêteté à ce qu’on leur propose depuis [les débuts du Cabaret], ça existe encore! »

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Un passage obligé ?

Notre rencontre avec Raphaël Bussières, anciennement membre du groupe montréalais Heat, qui fera paraître un album avec son projet solo Lucill en 2020, apporte une nuance nécessaire au discours sur les concours-vitrine. Il avait tenté sa chance aux Francouvertes en 2018, un peu à contrecœur, à la demande de sa gérance de l’époque, mais a été plutôt soulagé de ne pas avoir à participer au concours. Il choisit maintenant de suivre sa route sans prendre le chemin des concours-vitrines.

« Je trouve que [les concours] dénaturent l’instinct de performance. T’as des contraintes… T’es comme un peu dans le mode “plaire” pis je pense que ça, ça me stresserait », nous a-t-il raconté autour d’un café. Raphaël tenait à mentionner qu’il est loin d’être « contre » les concours, et que plusieurs de ses amis y ont participé avec des retombées plutôt positives, mais pour lui, ce n’est pas une option intéressante.

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« Personnellement, je pense qu’il y a d’autres chemins pour arriver à ses fins », affirme-t-il. Cette « autre track » vers une carrière musicale intéressante passe pour lui par la communauté. « [Pour réussir, il faut] aller dans les shows, faire des collabs, rencontrer du monde… peaufiner son shit, travailler fort sur son art et être intéressé à [la] scène, explique Raphaël. [Il faut s’intéresser] à ce qui se fait, sortir de chez nous [et se] faire des chums dans la scène. Ça prend un peu plus de temps, mais je pense qu’en faisant ça t’es plus armé pour durer. »

Il faut dire que Raphaël a de l’expérience dans l’industrie musicale grâce à sa participation au groupe Heat il y a quelques années. Ensemble, ils ont fait des spectacles de par le monde et ont appris « sur le tas ». « Je sais comment l’industrie fonctionne, c’est pas magique. C’est une affaire de timing. Même si tu te fais pas signer un an, ça a pas rapport avec le fait que t’es pas bon. »

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Cette nuance ne pourrait pas être aussi claire pour un.e jeune artiste qui débute et cherche une voie pour se faire connaître, mais Raphaël insiste sur l’importance d’écouter son instinct. « Faut que tu choisisses tes combats. Jouer juste pour jouer, ça donne rien. Si c’est pas avantageux, ça vaut pas la peine. Faut s’écouter pis pas faire les shows si on ne le sent pas », soutient-il. Pour lui, l’énergie, les contraintes et les coûts associés à un concours ; les coûts d’inscription, mais aussi les frais pour engager des musiciens, répéter et mettre sur pieds un spectacle ; ne valent pas le coup. « Le monde est souvent pressé, moi y compris, mais je pense que c’est bon de laisser les choses se passer de façon organique », termine Raphaël.

En conclusion, il y a beaucoup à gagner à participer à un concours-vitrine, mais il y a aussi des voies alternatives pour ceux et celles qui n’ont pas envie de s’imposer les contraintes et les coûts qu’ils impliquent. L’important, comme le soulignait Raphaël, c’est de s’écouter.

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