.jpg)
Depuis le 12e et le 13e siècle, les universités d’Oxford et de Cambridge forment les élites du Royaume-Uni. Leur prestige et leur organisation similaire font que les Anglais en parlent comme d’une seule entité, Oxbridge. Pour en connaître les dessous, Urbania a réuni autour de la table cinq étudiants, qui ont accepté de nous révéler ce qui se passe derrière les portes des services académiques de Sa Majesté.
Ce texte est extrait du Spécial ÉTUDIANTS, en kiosque dès maintenant ou disponible en version PDF sur la Boutique Urbania
On les a réunis autour d’une pinte au pub The Eagles, à Cambridge. Julien est arrivé le premier. À 24 ans, il est diplômé d’Oxford et étudie maintenant en doctorat d’économie à Cambridge. Notre espion québécois a amené avec lui Alex, de la Nouvelle-Zélande, géant de 6 pieds 5, une des stars de l’équipe d’aviron. Il était aussi accompagné d’Annette et de Sun, deux Américaines qui vivent dans le même collège que Julien, ainsi que d’Anja, tout sourire d’avoir déposé sa thèse d’économie juste avant de nous rejoindre.
Ils sont nombreux, les anciens pensionnaires d’Oxbridge à avoir fait de grandes découvertes lors de leur passage dans un des collèges. Par exemple, c’est dans le jardin du Trinity College de Cambridge que Newton s’est pris une pomme sur la tête, et ce n’est pas très loin que Darwin a développé la théorie de l’évolution. Les deux universités ont ainsi éduqué une centaine de chefs d’États et de premiers ministres, plusieurs rois, 12 saints et 85 prix Nobels. Julien nous le confirme : « On dit qu’Oxford forme les futurs premiers ministres, et Cambridge, les futurs prix Nobel. »
Mais encore faut-il y être admis.
Beaucoup d’appelés, peu d’élus
Car la sélection est rude. Il y a mille ans, il fallait vouloir devenir prêtre. Aujourd’hui, il ne suffit pas d’être premier de classe. Oui, un excellent dossier scolaire permet d’être convoqué à un entretien, mais à la suite de ces entretiens, seulement 20 % des postulants seront finalement admis.
Et une fois sur place, on peut chercher longtemps l’université. Pas de grosses bâtisses austères ici, car l’université est une fédération de collèges. « Un collège est un lieu de vie et d’étude. Il y en a de très grands, certains sont très vieux, d’autres juste pour les diplômés ou exclusivement pour les femmes », explique Julien.
Urbania : Qu’est-ce qui distingue Oxbridge du reste des universités dans le monde?
Alex : C’est le principe des tutors. On est réunis, pour chaque matière, en groupe de 3 ou 4 avec notre professeur. Chaque semaine, on a des lectures et des questions sur nos lectures. C’est différent des autres universités, où on ne se fait interroger que durant les examens.
Julien : C’est vraiment très intense!
Anja : Les tutors enseignent dans leur collège, mais on n’a pas de vraie classe, on va plus dans leur bureau.
Sun : S’il n’a pas de bureau, on peut faire ça dans son salon, ça arrive parfois!…
Julien : Mais je crois qu’il y a un règlement qui spécifie qu’il ne doit pas y avoir de lit dans la pièce…
Alex : Sûrement pour une bonne raison!
Une loi ancestrale non écrite
À Oxbridge, pas de vieux parchemins à l’encre délavée avec les règles du collège : ce sont les anciens étudiants qui inculquent les règles aux nouveaux.
Anja : C’est l’association des étudiants qui s’en assure dès la cérémonie de matriculation.
Urbania : Qu’est-ce que c’est?
Sun : C’est une série d’événements au cours desquels on introduit les étudiants à la vie universitaire. Ça dure une semaine et ça débute avec le Matriculation Diner, auquel on assiste quand on rejoint notre collège pour la première fois.
Alex : Une chose qui m’a marqué lors des Matriculations, c’est quand j’ai signé le livre du collège avec un crayon uniquement utilisé pour ça. Il était vieux!
Annette : C’est amusant de tourner les pages et de voir qui était là avant toi : « Oh, regarde, c’est Newton! » Moi, ça m’a fait totalement freaké out…
Anja : Dans mon collège, on n’a pas cette tradition. On a deux semaines d’introduction où on se saoule avec tout le monde. C’est un gros party!
Urbania : Mais pourquoi les collèges n’ont-ils pas tous les mêmes règles, et surtout, pourquoi certains conservent-ils ces traditions?
Annette : Avant la cérémonie de matriculation, les collèges font un sondage demandant si on veut abolir les traditions. Et, chaque fois, le résultat est le même : 80 % des étudiants veulent les garder. Ça a quelque chose de sympathique de perpétuer ces rites séculaires. Ça crée une continuité avec les gens qui étaient là avant nous.
Les traditions sont aussi là pour rappeler aux nouveaux étudiants qu’ils font maintenant partie de l’élite universitaire, et surtout, de la société anglaise. Entre autres traditions, nos cinq taupes nous parlent aussi du Formal Hall, un souper solennel qui n’est pas obligatoire mais qui a lieu cinq fois par semaine dans le great hall. Comme dans un souper d’Harry Potter, tel que nous le décrit Julien : « C’est très impressionnant. Le repas est servi aux chandelles. L’hiver, quand il fait noir plus tôt, on voit à peine son voisin. Les professeurs sont installés à une table surélevée qui domine la salle. C’est un souper solennel où on doit porter notre toge. »
Ce texte est extrait du Spécial ÉTUDIANTS, en kiosque dès maintenant ou disponible en version PDF sur la Boutique Urbania