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Les campagnes de sociofinancement pour les animaux: une tendance en hausse au Canada
« Quand Billie s’est déchiré le ligament croisé, l’opération pour la soigner s’élevait à 5 000$. On n’avait absolument pas les sous, mais c’était hors de tout doute qu’on allait trouver une manière de payer ça. »
– Claudie Jalbert, maîtresse de Billie.
Si avoir un animal de compagnie comporte une multitude de bienfaits sur le plan physique et psychologique, cela engendre aussi des dépenses, qu’on le veuille ou non. On peut penser à la nourriture, aux jouets, au toilettage, aux examens de santé, mais aussi aux frais liés aux soins d’urgence en cas de maladie ou de blessure. Et ça, on ne le voit pas toujours venir.
Si certaines personnes puisent dans leurs économies pour soigner, voire sauver leurs petits compagnons, d’autres se tournent vers les campagnes de sociofinancement pour amasser les fonds nécessaires.
Zoom sur une tendance en hausse.
Claudie et Billie
« J’ai eu Billie quand elle avait six semaines, je suis un peu comme sa maman », me raconte tendrement Claudie Jalbert, une trentenaire établie à Montréal, quand je l’interroge sur sa chienne adorée, un mélange de bouvier bernois et de boxer aujourd’hui âgée de dix ans. « Billie occupe une place immense dans ma vie. Je l’ai adopté avec mon ex. Quand on s’est séparé, on a décidé de faire une garde partagée. C’est vraiment comme notre enfant. »
«Quand on nous a dit que le coût de l’opération pour soigner sa patte s’élevait à 5 000$, on était complètement découragés.»
À l’âge de cinq ans, par une journée d’hiver particulièrement enneigée et glacée, Billie glisse en promenade et se déchire le ligament croisé antérieur. Elle souffre au point de ne plus pouvoir marcher, ce qui inquiète ses maîtres. « On s’est rendus dans une clinique pour faire ausculter Billie. Juste les examens pour savoir ce qu’elle avait, ça revenait à des centaines de dollars, se remémore Claudie. Quand on nous a dit que le coût de l’opération pour soigner sa patte s’élevait à 5 000$, on était complètement découragés. »
Claudie étant alors aux études, elle n’est pas en mesure de débourser une telle somme, son ex non plus. Mais Billie n’a que cinq ans, elle est en parfaite santé (sans compter sa patte blessée) et a une belle vie qui se dessine devant elle. « On ne pouvait pas concevoir qu’elle souffre et boite pour le reste de sa vie, se remémore Claudie. C’était non négociable de la soigner, quitte à mettre ça sur la carte de crédit. »
La jeune femme se souvient alors que deux mois auparavant, une de ses amies Facebook avait lancé une campagne de sociofinancement pour venir en aide à son animal de compagnie. Claudie entre en contact avec elle, afin d’en savoir plus sur son expérience.
« Je n’avais jamais vu ça avant, du crowdfunding pour un animal », explique Claudie, aussitôt encouragée à faire de même par son amie. « J’ai hésité avant de me lancer. Je me posais plein de questions: “Qu’est-ce que les gens vont penser?”, “Est-ce qu’ils vont trouver que je profite d’eux”. Mais je me suis rapidement dit que si les gens ne voulaient ou ne pouvaient pas contribuer, ils n’étaient pas obligés de le faire. »
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Claudie lance alors une campagne de sociofinancement avec un objectif de 5 000$ à l’intention des soins de Billie, qu’elle décrit comme très populaire et aimée de son entourage. Au bout de seulement trois jours, la campagne cumule déjà 4 000$. « Je capotais, je pensais récolter genre 1000$ », affirme Claudie, encore émue de la générosité de son entourage. « Quand j’ai vu le premier 20$ rentrer sur la plateforme, j’ai éclaté en sanglots. Je me suis dit “Oh, mon dieu, ça marche, les gens donnent”. »
Ainsi, Claudie a rapidement atteint son objectif, lui permettant de couvrir les frais de l’opération qui allait changer la vie de sa chienne et la sienne, par le fait même.
«Encore aujourd’hui, je ressens tellement de joie quand je vois Billie courir.»
« Encore aujourd’hui, je ressens tellement de joie quand je vois Billie courir, raconte Claudie, tout sourire. « Je sais qu’à l’époque, certaines personnes ont jugé ma démarche. Des gens ont dû se dire “Ben là, tu as décidé d’avoir un chien, assumes le fait que tu dois payer!”. Je suis d’accord et pas d’accord. Les gens aimaient (et aiment encore) Billie, ils ont eu le choix de m’aider ou non. Ceux et celles qui l’ont fait ont été contents de pouvoir être solidaires. De mon côté, je ne regrette absolument rien. »
Une tendance en hausse
Si Claudie, tout comme son amie quelques mois auparavant, ont humblement sollicité l’aide de leur entourage, elles ne sont pas les seules à s’être tournées vers le sociofinancement pour offrir des soins de santé à leurs animaux.
Les campagnes de sociofinancement pour les animaux ont été la catégorie qui a connu la plus grande croissance [en 2021].
Il suffit de taper « Animal » dans la barre de recherche d’une plateforme comme GoFundMe, Ulule ou Indiegogo pour constater que ce couple de l’Ontario amasse des fonds pour leur Goldendoodle souffrant d’une maladie auto-immune, qu’un refuge pour animaux exotiques a levé 228 000 $ auprès de plus de 2 700 donateurs pour lui permettre de rester ouvert après avoir fermé au plus fort de la pandémie ou encore que cette ferme de Winnipeg cherche à faire construire une étable pour ses alpagas.
Bien que je constate une hausse des levées de fonds à l’intention des animaux sur mes réseaux sociaux personnels, est-ce bel et bien une tendance en pleine expansion?
Chez GoFundMe, on me confirme d’emblée que, comme souligné dans leur rapport sur les dons en 2021, les campagnes de sociofinancement pour les animaux ont été la catégorie qui a connu la plus grande croissance, parallèlement à celle des jeunes mariés. Cute!
L’équipe de la plateforme remarque d’ailleurs que la population canadienne est 1,5 fois plus encline à lancer une levée de fonds dans la catégorie des animaux que les organisateur.trice.s situé.e.s aux États-Unis.
On m’indique également que les campagnes de sociofinancement destinées aux animaux représentent le pourcentage le plus important de nouvelles initiatives de collecte de fonds en dehors de la catégorie médicale et d’urgence au Canada.
Ces données parlent d’elles-mêmes et montrent que la population a le bien-être des animaux à coeur.
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Qu’en disent les vétérinaires?
« On encourage toujours les gens à avoir un budget pour les imprévus liés à leur animal », m’indique d’emblée Michel Pepin, vétérinaire et responsable des communications de l’Association des médecins vétérinaires du Québec (AMVQ). Le médecin et amoureux des petits animaux me renvoie alors aux fiches d’évaluation des coûts d’entretien pour les animaux (détaillées en fonction de leur race et de leur âge) disponible sur le site web de l’AMVQ.
«Nous sommes très conscients que les frais vétérinaires peuvent être onéreux, d’où l’importance d’y être sensibilisé quand on adopte un animal»
« On considère que quand une personne adopte un animal, elle s’engage à lui prodiguer les soins nécessaires tout au long de sa vie. Bien sûr, nous sommes très conscients que les frais vétérinaires peuvent être onéreux, d’où l’importance d’y être sensibilisé dès le départ quand on fait le choix d’adopter un animal. »
Michel Pepin, qui reconnaît de pas avoir de statistiques afin d’illustrer la tendance des campagnes de sociofinancement à l’intention des animaux, souligne cependant la créativité du public quand vient le temps de lever des fonds pour leurs petits compagnons.
« Même si le sociofinancement en ligne est une formule relativement récente, les gens ont toujours organisé des activités, comme des lave-autos ou des collectes de bouteilles, pour les aider à payer les frais vétérinaires. Ce sont simplement les moyens d’y parvenir qui changent »
Comme me l’a d’ailleurs fait remarquer mon estimé collègue Hugo Meunier, les moyens plus traditionnels sont encore utilisés, même à l’ère d’internet.
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Michel Pepin, qui a gentiment accepté de sonder ses membres de manière informelle pour le bien de ma recherche, m’indique qu’effectivement, quelques vétérinaires constatent une augmentation de l’utilisation du sociofinancement, auprès de l’entourage immédiat et du grand public, pour défrayer les honoraires vétérinaires.
« Un des vétérinaires recommande même aux gens en situation précaire d’utiliser cette formule, tout en leur disant de ne pas compter entièrement là-dessus. Même chose pour un autre confrère, qui a eu plusieurs clients qui ont utilisé cette avenue, mais avec un taux de réponse variable. Plusieurs clients ignorent cette possibilité et d’autres n’osent juste pas, pour diverses raisons. », m’écrit le responsable des communications de l’AMVQ.
Certains clients n’hésitent pas à s’endetter ni à loader leur carte de crédit pour sauver la vie de Mistigri ou de Cacahuète.
Michel Pepin rappelle aussi que certaines cliniques vétérinaires organisent des levées de fonds, afin d’amasser de l’argent qui servira à soutenir des personnes en situation financièrement précaire, en cas d’urgence. De plus, certain.e.s professionnel.le.s (une grande majorité selon Michel Pepin) prodiguent régulièrement des soins pro bono, à travers des campagnes de stérilisation gratuite, par exemple. Il indique également qu’il existe des assurances privées destinées aux animaux et que certaines institutions financières offrent des solutions de financement de type « Achetez maintenant, payez plus tard », ce qui peut très certainement constituer un moyen de soigner ou sauver la vie de son animal en cas d’urgence. Puisque oui, Michel Pepin le confirme, certains clients n’hésitent pas à s’endetter ni à loader leur carte de crédit pour sauver la vie de Mistigri, de Rex ou de Cacahuète.
Parce qu’on va se le dire: être contraint.e de voir souffrir ou même d’euthanasier son animal pour des raisons financières, ça doit être extrêmement difficile…
Comme me l’ont fait remarquer à plusieurs reprises Michel Pepin et Claudie Jalbert, quand on adopte un animal de compagnie, on s’engage en principe à en prendre soin tout au long de son existence. À une époque où le coût de la vie augmente à la vitesse de l’éclair, si les campagnes de sociofinancement, ces petites bulles de solidarité virtuelles, peuvent éviter de s’endetter tout en offrant une vie meilleure à son animal (et à soi-même), why not peanut?