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Les budgets fédéraux et provinciaux, expliqués
Cette semaine, les ministres des Finances du Canada et du Québec ont chacun dévoilé leur budget pour l’année à venir. Je le sais, vous venez de lire «finances» et «budget» dans la même phrase, et vous avez une folle envie de fermer l’onglet pour aller lire n’importe quoi qui serait plus intéressant, genre une recette d’hummus.
Mais je vous jure, c’est intéressant. C’est intéressant parce que tout part du budget. Si l’université que vous fréquentez n’a pas les moyens d’installer plus que trois prises électriques pour brancher vos portables, c’est la faute du budget. Et si vous allez à l’hôpital et que vous ne ressortez pas avec une facture qui vous fait regretter que votre herpès ne vous ait pas tué, c’est aussi grâce au budget.
En plus, c’est fascinant de comparer la situation à Ottawa et à Québec. À Ottawa, on ressort de quelques années de budget dans le rouge, mais en même temps c’était le dernier budget du PLC avant les élections. À l’inverse, le gouvernement du Québec était assis sur un énorme surplus, et c’est le premier budget du nouveau gouvernement.
Et pourtant, vous allez voir, ces budgets ont beaucoup de points en commun.
Le budget fédéral: votez pour nous, pliiiiize
Si vous avez lu mes chroniques des dernières semaines, vous savez deux choses: je suis très drôle (et pas très humble) et ça va pas bien pour Justin Trudeau.
Lui qui était pourtant la coqueluche du Canada il y a encore quelques mois est maintenant pris dans un scandale avec l’histoire SNC-Lavalin dont il ne semble pas pouvoir se sortir.
Il était donc évident qu’il allait miser sur un budget très généreux pour lui donner une chance de survivre à Andrew Scheer et son terrifiant regard de bébé adulte.
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Première chose à noter, c’est un budget déficitaire, c’est-à-dire que le gouvernement dépense plus que ses revenus, un peu comme quand on ne paie pas notre carte de crédit.
Sauf que là, le déficit est de près de 20 milliards. Disons que si tu mettais ça sur ta carte de crédit, y’aurait des chances pour que ta banque t’appelle.
Mais l’aspect véritablement étonnant de ce budget, c’est la somme importante versée à la réconciliation avec les peuples autochtones. C’est facile de dire qu’on est sur un territoire non cédé, mais si c’est pour rien changer pantoute, ça donne pas grand-chose.
Par contre, faut pas virer fous avec la dette non plus. Oui, la dette augmente, mais la taille de l’économie canadienne aussi, ce qui fait que la proportion de notre dette continue de diminuer. Pour en revenir à mon image boiteuse de carte de crédit, si au bout d’un an tu dois 2500$ au lieu de 2000$, mais que tu gagnes 50 000$ par année au lieu de 30 000$, t’es quand même dans une meilleure position financière (mais arrête d’aller au resto pis rembourse ta carte, cibole).
Et qu’est-ce qu’on retrouve dans ce budget? De nouveaux incitatifs pour l’accès à une première propriété. Par exemple, la SCHL (la Société canadienne d’hypothèques et de logement) va pouvoir prêter de l’argent pour acheter une première maison, et ça sera remboursable seulement quand la maison est vendue.
On augmente aussi les budgets versés aux municipalités (pour que Valérie Plante puisse acheter des nouvelles déneigeuses) et on a de nouveaux montants pour l’achat d’un véhicule électrique.
Mais l’aspect véritablement étonnant de ce budget, c’est la somme importante versée à la réconciliation avec les peuples autochtones. C’est facile de dire qu’on est sur un territoire non cédé, mais si c’est pour rien changer pantoute, ça donne pas grand-chose.
Le gouvernement a décidé d’investir près de 4 milliards sur 5 ans pour notamment favoriser l’accès aux services sociaux et à l’eau potable. Oui, l’eau potable. C’était d’ailleurs une promesse de campagne électorale en 2015.
C’est le genre de mesures qui ne sont pas nécessairement populaires (soyons francs, c’est ben rare que le monde vote en fonction de qui aide le plus les autochtones), et ça rend ça d’autant plus remarquable qu’on décide de consacrer des sommes importantes à la veille des élections.
Le budget québécois: Make it rain
Quand les libéraux étaient au pouvoir, le mot à la mode était austérité. En effet, ils ont coupé dans toute, et pendant la même période, l’économie du Québec était en pleine croissance, au point où on commence à avoir plus de jobs que de travailleurs.
Bref, c’est le genre de mix qui fait que le gouvernement du Québec était assis sur une grosse pile d’argent.
Ben le nouveau ministre des Finances, Éric Girard, a décidé de faire comme nous tous quand on reçoit notre retour d’impôt, et de partir sur la dérape.
En fait, je dis ça, mais j’exagère un peu. Malgré que le budget soit dépensier, on reste au déficit zéro, c’est-à-dire qu’on ne s’endette pas davantage. Je vous dis, on avait beaucoup d’argent.
Pis c’est qui les grands gagnants de ce budget? Si vous avez suivi la campagne électorale de la CAQ, vous ne serez pas surpris; ce sont les aînés, et les étudiants (surtout ceux âgés de moins de 5 ans, mais de plus de 3 ans).
On offre de nouveaux crédits d’impôt pour les personnes âgées qui veulent continuer à travailler, en plus d’investir massivement dans les soins à domiciles, les places en CHSLD, bref, les personnes âgées viennent de faire un méchant gros bingo.
L’éducation reçoit aussi de bons montants, pour rénover les écoles, embaucher de nouveaux spécialistes et, évidemment, mettre en place des maternelles 4 ans. 36 millions pour les maternelles 4 ans. Ça fait beaucoup de gouache et de cure-pipes, ça.
Par contre, si vous êtes environnementaliste, c’est pas la fête. Le gouvernement Legault a dit avoir tout de même investi beaucoup plus qu’il ne l’aurait cru il y a 6 mois, à force d’entendre les revendications écologistes.
Une chance qu’il a changé d’idée, parce que je pense que le plan initial était de lancer un rouleau de cennes noires dans le derrière de la tête d’un béluga.
Pis c’est qui les grands gagnants de ce budget? Si vous avez suivi la campagne électorale de la CAQ, vous ne serez pas surpris; ce sont les aînés, et les étudiants (surtout ceux âgés de moins de 5 ans, mais de plus de 3 ans).
Bon, je suis peut-être un peu de mauvaise foi, le gouvernement ajoute quand même 35 millions en environnement. Mais quand on connaît l’ampleur du défi, c’est insuffisant. On peut déjà mettre une croix sur le tramway à Québec ou sur la ligne rose à Montréal. En fait, le ratio d’investissements en transport collectif par rapport au transport routier diminue.
Pourquoi? Parce qu’on investit 325 millions pour construire un tunnel entre Québec et Lévis. Oui, 325 millions pour construire un troisième lien pour soulager le trafic d’une ville qui vit très peu de trafic selon les études, et dont la création risque d’empirer l’étalement urbain, la production de gaz à effet de serre et… le trafic.
Ajouter 35 millions en environnement, mais en dépenser 325 millions pour le troisième lien, c’est comme ranger sa vaisselle dans le lave-vaisselle, mais remplacer le savon par son urine. Y’en a un qui annule l’autre.