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Les avancées et les reculs du combat

Ben Mulroney, Amy Klobuchar et cie. : mais qui conseille ces gens?

Par
Martine St-Victor
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Dans les jours qui ont suivi le scandale du blackface de Justin Trudeau, j’ai vu défiler sur Twitter des photos de gens qui comparaient la blessante bourde du premier ministre à leurs jadis déguisements en Boy George, en Miss California et autres. La galerie a été épatée. Et moi aussi. Épatée devant une telle insensibilité et un si grand besoin de faire partie d’une conversation à laquelle on n’a rien de constructif à ajouter. Et surtout, épatée devant une telle admission d’ignorance. Une ignorance parente de celle qui soutient que le blackface n’a existé ni au Québec, ni au Canada. C’est faux. Il faudrait d’ailleurs relire cet article de la CBC, qui nous rappelle, entre autres, que dès les années 1860 à Montréal, il y avait des spectacles de « minstrel » et qu’un certain Calixa Lavallée y avait déjà participé, en blackface. Ô, Canada.

Neuf mois plus tard, nous voici dans l’apex du mouvement Black Lives Matter. Il faudra encore plusieurs mois, voire des années pour mesurer les effets concrets de cette prise de conscience. Mais la résistance, souvent nourrie d’ignorance, persiste.

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Les âmes offusquées du retrait de l’image de la bonne tante Jemima, sur les bouteilles de sirop et de mélanges à crêpes, connaissaient-elles au moins la genèse de cette image? Sont-elles conscientes des effets des stéréotypes perpétrés de manière si anodine à l’oeil, qui n’a jamais pris le temps de voir au-delà de l’image? Savent-elles que voilà maintenant des décennies que des groupes demandent le retrait de ce portrait? Et que l’iconique voiture General Lee de l’émission The Dukes of Hazzard, celle qui arbore le drapeau confédéré, a toujours été problématique? Que le film Gone with the Wind aussi? Que notre culture populaire déborde de mots et d’images qui n’auraient jamais dû y être? Et que leur existence est un reflet du manque de diversité chez les décideurs qui les ont autorisés? Le combat, il est là.

Qui a oublié de dire à Ben Mulroney que ce geste aux allures ratées d’altruisme frôlait la condescendance?

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Ben Mulroney, animateur-vedette à la télévision anglophone et fils de l’ancien premier ministre Brian Mulroney, a récemment renoncé à son poste de correspondant à l’émission de nouvelles culturelles etalk, diffusée à CTV, suite à une controverse impliquant sa femme Jessica. Mais dans son annonce, faite sur la matinale du même réseau, Mulroney a indiqué vouloir être remplacé par quelqu’un issu de la diversité. La controverse entourant sa femme a rendu Mulroney quasi radioactif. À qui croyait-il donc rendre service, à part à son plan de réhabilitation de carrière? Et qui voudra avoir ce poste? Une personne qui sera certes plus que qualifiée, mais qui deviendra correspondante à etalk, parce que King Ben a décidé que c’était le moment. Qui a oublié de dire à Ben Mulroney que ce geste aux allures ratées d’altruisme frôlait la condescendance?

Probablement un membre de l’équipe d’Amy Klobuchar.

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Le 18 juin dernier, la sénatrice du Minnesota, dont le nom était sur la courte liste des colistières potentielles de Joe Biden, annonçait son retrait de la course, estimant que le poste devrait revenir à une personne noire. Une course dans laquelle Klobuchar était bien loin de la ligne d’arrivée, notamment parce que son passé de procureure commençait à amenuiser ses chances. La seule personne à qui Amy Klobuchar a rendu service avec cette annonce, c’est Amy Klobuchar.

Mais qui conseille ces gens? La diversité dans les rangs décisionnels, dans nos médias et chez nos élus fait partie des revendications du mouvement. Mais pas comme ça.

Read the room, Bens. Read the room, Amys. On ne peut pas tout savoir, tout le temps. Et dans ce moment important de l’Histoire, nous ne sommes pas à l’abri d’angles morts et de maladresses, sauf si on s’entoure de gens qui savent mieux que nous. On les ignore depuis au moins 1940, l’année où Hattie McDaniel a gagné l’Oscar de la meilleure actrice de soutien. Il est grand temps de leur passer le micro.

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L’auteure, Martine St-Victor, est stratège en communication et fondatrice de Milagro Atelier de Relations Publiques.

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