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Les aphrodisiaques, une arnaque?
Depuis le tout début de la civilisation, les humains à travers l’histoire et les cultures ont démontré une propension à se faire avoir par trois promesses : celles de la richesse, de la jeunesse éternelle et de la fertilité. La dernière étant infiniment plus facile à obtenir que les deux autres, c’est probablement celle où les outils pour l’atteindre ont été le mieux catalogués. Entre autres, les aliments et boissons toniques censés faire de nous de meilleur.e.s amant.e.s nous ont toujours fasciné.e.s.
Regroupés dans une catégorie alimentaire appelée les aphrodisiaques – en honneur d’Aphrodite, déesse grecque de l’amour –, ces produits sont recommandés depuis toujours pour favoriser la fertilité, augmenter la libido et améliorer les prouesses sexuelles. De la Chine antique aux Incas, en passant par l’Afrique subsaharienne et les pays nordiques, toutes les sociétés ont considéré que certains aliments avaient des propriétés aphrodisiaques, avec des degrés variant d’efficacité.
Comment mon repas peut-il me rendre libidineux?
Si, pendant longtemps, il fallait se baser sur des observations empiriques ou des assomptions, on en sait maintenant plus que jamais sur notre santé reproductive. On n’a donc plus besoin d’essayer plein d’aliments bizarres pour voir si l’orgasme sera plus intense.
on ne peut pas passer à côté du célèbre pénis de tigre (plus souvent du pénis de bœuf), servi dans une soupe ou séché puis conservé dans du cognac ou du vin
Plus un aliment ressemble à nos organes reproductifs, plus on l’associe avec une vigueur sexuelle, parce que nos cerveaux simplifient les choses comme ça. Une banane? Forcément, ça doit aider! Idem pour l’huître, aka la WAP des mers : elle est beaucoup trop sexuellement évocatrice à nos yeux pour ne pas avoir d’effet aphrodisiaque!
Historiquement, dans le monde occidental, le degré d’efficacité aphrodisiaque d’un aliment était associé à sa rareté. Caviar, foie gras, asperges fraîches et truffes, en particulier, sont vus comme des marqueurs de prestige, ce qui leur confère une sensualité intrinsèque. C’est peut-être, en partie, ce qui explique qu’on les retrouve si souvent sur les cartes des grands restaurants à la française, dont le but ultime est que chaque jour soit la Saint-Valentin chez eux.
Sexe et religion
D’ailleurs, on pourrait penser que l’emprise religieuse conservatrice et autoritaire sur l’Europe médiévale aurait proscrit le recours aux aphrodisiaques. Mais les premiers érudits de la médecine moderne savaient déjà ce que n’importe quelle femme aurait pu confirmer : le plaisir de la femme au lit est tout aussi important que celui de l’homme lorsque vient le temps de se reproduire. Bien entendu, une grossesse peut avoir lieu sans que la femme ait nécessairement trouvé son plaisir durant le coït, mais comme le supposait le médecin et astrologue néerlandais Levinus Lemnius, « le fruit d’un tel accouplement en ressortirait paresseux et stupide ». Devant ce constat (et la croyance que des sorcières s’attaquaient aux pouvoirs reproductifs des hommes), les aphrodisiaques étaient prescrits aux couples mariés.
Ce qu’on sait qui fonctionne
Avec le temps, on a appris à comprendre pourquoi, en effet, certains aliments avaient des propriétés aphrodisiaques. Par exemple, on sait que l’acide aminé L-arginine, que l’on retrouve dans la viande, les produits laitiers ou encore les noix et graines (ha!), se transforme en oxyde nitrique dans le corps, ce qui favorise la circulation sanguine. La quercitrine, grâce à ses effets anti-inflammatoires, peut aussi être un allié au lit, donc gâtez-vous dans les pommes, les baies, le vin, le chocolat et l’ail!
les humains peuvent être hautement déviants, et peuvent devenir horny à propos de n’importe quoi
Des produits plus… exotiques aussi, sont réputés pour les prouesses qu’ils offrent. Dans la médecine traditionnelle chinoise, par exemple, on sait depuis longtemps que le ginseng et le gingembre confèrent vigueur au couple. Mais on ne peut pas passer à côté du célèbre pénis de tigre (plus souvent du pénis de bœuf), servi dans une soupe ou séché puis conservé dans du cognac ou du vin, et bu en shooter avant de passer à l’acte. Mon préféré, bien que je n’en ai jamais tenté l’expérience, doit être la « fleur des elfes », une plante endémique à l’Asie, que l’on appelle en anglais horny goat weed, soit « l’herbe de la chèvre en chaleur ». Vian aurait trippé.
Une autre industrie de l’arnaque ?
C’est malheureusement la partie de l’article où je dois nous ramener sur terre pour que l’on n’oublie pas que le sexe n’est pas une science exacte, et qu’aucun aliment conçu par la nature n’a été mis là pour assurer aux animaux que nous sommes des orgasmes d’anthologie. Ou plutôt, peut-être qu’ils ont tous été mis là pour ça. Dans le sens où tout ce que nous mangeons sert à alimenter notre corps pour qu’il soit capable de performer certaines fonctions, dont l’acte sexuel, ou même simplement d’être émoustillé à l’idée de rapprochements.
«le désir est physique, psychosocial et relationnel, ce qui implique beaucoup de variables.»
Mais l’efficacité des aliments comme suppléments sexuels ou boosters de libido est ces jours-ci contestée par plusieurs expert.e.s. Comme le résume Nan Wise, psychothérapeute et chercheuse à l’université Rutgers au New Jersey, « le désir est physique, psychosocial et relationnel, ce qui implique beaucoup de variables. Si l’on croit qu’un aliment peut accroître le désir, la psychologie de l’effet placébo affecte notre capacité à être sexuellement excité ou non ».
Si vous passez beaucoup de temps sur internet, vous savez déjà que les humains peuvent être hautement déviants, et peuvent devenir horny à propos de n’importe quoi. La bouffe n’y échappe pas; la fraise n’est pas nécessairement l’aphrodisiaque, c’est plutôt la main de la personne qui l’a trempée dans le chocolat avant de la mettre dans votre bouche qui l’est. La science confirme d’ailleurs qu’il y a un effet aphrodisiaque dans le simple fait de nourrir.
On ne peut donc pas vous promettre que votre repas romantique sera plus torride parce que vous y aurez inclus un max de soi-disant aphrodisiaques, pas plus qu’on peut vous promettre la richesse ou la jeunesse éternelle. Mais qui a besoin de ça, quand nos ventres sont pleins et nos pulsions assouvies…