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L’empathie selon Florence Longpré
Photo : Crave

L’empathie selon Florence Longpré

Une nouvelle série qui fait passer le discours culturel sur la santé mentale à un autre niveau.

Par
Benoît Lelièvre
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Les choses vont bien pour Florence Longpré. Très bien, même.

Depuis déjà quelques années, l’autrice, scénariste et comédienne enchaîne les succès. Le tout a débuté en 2018 avec la série M’entends-tu?, déjà considérée comme culte; suivi, en 2022, par Le temps des framboises, co-écrite avec Suzie Bouchard, et Audrey est revenue, celle-ci coécrite avec Guillaume Lambert et récipiendaire de deux prix au prestigieux festival Canneseries en 2022.

« C’est certain que ça me donne beaucoup de confiance, quand ça va bien comme ça. Beaucoup de liberté aussi. Les budgets viennent avec. Les diffuseurs me font confiance », raconte la principale intéressée, non sans une pointe de fierté dans le regard.

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À quelques jours de la diffusion des deux premiers épisodes d’Empathie, sa nouvelle série, le grondement de l’anticipation se fait déjà entendre. Il s’agit d’un projet d’envergure qui cherche à explorer la vie des gens gravitant autour des hôpitaux carcéraux comme, par exemple, l’Institut Philippe-Pinel.

À peu près tout le monde s’entend pour dire qu’on parle trop peu de santé mentale. Sans doute parce que c’est un sujet difficile et souvent pas très beau à aborder. Personne n’ose trop se risquer, de peur d’avoir l’air insensible ou d’encourager les préjugés qui subsistent autour de la question. Mais Florence Longpré a décidé de relever le défi avec Empathie, une série qui est tout, sauf facile. Le résultat est confrontant, dérangeant et ne recule pas devant le portrait de personnes institutionnalisées ayant commis l’irréparable.

Empathie vous plonge au cœur d’un désespoir plus grand et douloureux que celui auquel la majorité d’entre nous a déjà fait l’expérience, à travers la bienveillance de sa protagoniste Suzanne (interprétée par Longpré elle-même), qui s’intéresse à la souffrance plutôt qu’aux crimes et à la personne plutôt qu’à ses gestes.

Photo : Crave
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Une cordonnière (trop) bien chaussée

Empathie raconte l’histoire de Suzanne Bien-Aimé, une jeune femme obscènement bien éduquée qui accepte un poste de psychiatre dans une aile particulièrement volatile d’un hôpital psychiatrique carcéral à la suite d’un mystérieux congé de maladie de deux ans.

Le hic, c’est que Suzanne n’est pas du tout prête à revenir au travail et abuse de l’alcool pour gérer son désespoir. Malgré tout, elle plonge avec toute la bonne foi qu’il lui reste et parvient même à trouver des patients qu’elle peut guider vers la lumière après avoir elle-même passé à travers sa propre tempête intérieure.

Sur place, elle fait aussi la rencontre de Mortimer (l’humoriste français Thomas Ngijol), un intervenant qui deviendra son binôme et un allié qui miroite ses propres progrès en plus de l’accompagner dans sa guérison.

Empathie se montre à la hauteur de la simplicité de son titre en mettant en scène bien que plus que des interventions cliniques auprès de cas désespérés : la série pose un regard bienveillant sur des gens dont on préférerait détourner le regard.

On y voit à la fois des gestes d’une violence inouïe, mais aussi la souffrance causée par la maladie.

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La magie d’Empathie opère parfois dans les performances individuelles (accrochez-vous, Benoît Brière y est stra-to-sphé-rique, et non, ça n’est pas une phrase que j’aurais cru écrire dans ma carrière), et parfois à travers un symbolisme touchant et nuancé. Longpré et son complice de longue date, le réalisateur Guillaume Lonergan, utilisent notamment la présence de ballerines toutes de noir vêtues pour illustrer la dualité entre la force et la fragilité de Suzanne.

Photo : Crave

La musique y joue aussi un rôle essentiel. « J’écris beaucoup avec la musique en tête. C’est comme un autre personnage pour moi. On a aussi travaillé avec le compositeur Simon Leoza qui a fait un travail fantastique », explique Longpré.

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De Florence vers Suzanne

Si Empathie résonne comme un coup de canon, c’est parce que Florence Longpré a puisé à même sa propre douleur au moment de l’écriture.

L’autrice m’explique avoir elle-même vécu une longue dépression suite au décès de sa mère, il y a plusieurs années, et que de retourner à cette période de sa vie a été très précieux pour elle.

« J’ai vécu beaucoup de honte. C’était un plaisir personnel de pouvoir en parler », a-t-elle confié.

Longpré a également bénéficié de l’aide de deux psychiatres de l’Institut Philippe-Pinel pour insuffler du réalisme à son scénario, les docteurs Gilles Chamberland et Marie-Michèle Boulanger. D’ailleurs, comme Suzanne, cette dernière est elle-même nouvelle dans ses fonctions.

« Quand je leur ai envoyé le scénario, je pensais qu’ils allaient simplement me donner des notes sur les scènes cliniques, mais ils ont pris le temps de psychanalyser tout le monde en profondeur. Je devrais tellement travailler encore avec des psychiatres sur mon prochain projet. C’était super intéressant », raconte Florence Longpré.

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Portée par une longue série de succès, la créatrice multitalentueuse ne ressent toutefois pas de pression lorsque vient le moment de créer. Du moins pas encore. « C’est tellement compliqué de faire une série qu’à un moment donné, je pense plus à ça et je veux simplement qu’elle existe. J’ai jamais été paralysée par la pression, mais je sais que ça pourrait arriver », confie-t-elle.

L’art le plus transformatif est celui qui vient d’un besoin intérieur et d’une vision intime. C’est en montrant les émotions dans tout ce qu’elles ont de plus authentique que l’on parvient à rejoindre le public. C’est un partage d’expérience et d’émotions qui s’opère à un niveau intuitif, par l’entremise d’une allégorie. Empathie est on ne peut plus près de son autrice et c’est grâce à ça qu’elle arrivera à vous rejoindre.

« J’ai développé de l’empathie envers moi-même en jouant Suzanne. Je suis devenue plus douce avec moi-même en portant sa tristesse à elle », conclut Longpré.

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Étant moi-même intervenant bénévole en santé mentale à mes heures, j’ai trouvé que la détresse telle qu’on la voit dans la série est très plausible. La bienveillance de Suzanne et son pouvoir transformateur le sont aussi. Empathie vous inspirera à donner un peu plus d’amour à votre prochain parce que… ben, ça fonctionne.

Plus vous vous éduquez sur la souffrance de vos proches, plus vous arriverez à la voir pour ce qu’elle est.

Les deux premiers épisodes d’Empathie débarquent ce jeudi, sur Crave. En plus de découvrir votre nouvelle série favorite, vous trouverez sans doute un peu de douceur pour vous aussi.