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« L’émission possible », cette improbable amie
Lorsque ma conjointe et moi avons pris la décision d’annuler notre abonnement au câble quelque part en 2012, la première conséquence aura été de nous faire prendre une pause de télé québécoise d’environ sept ans. On en avait besoin.
Depuis que j’ai à nouveau accès à du contenu québécois, force est d’admettre que les choses n’ont pas vraiment changé depuis. Au Québec, on aime ça, asseoir des célébrités sur un plateau pour leur rendre hommage, d’une manière ou d’une autre : en visionnant des moments marquants de leur carrière, en invitant leurs amis à chanter leurs chansons favorites, etc. Le modèle dominant bat toujours à plein rythme en 2024. C’est quelque chose dont, apparemment, on ne se tanne pas.
Une petite émission toute simple diffusée sur les ondes Télé-Québec, m’a toutefois insufflé un peu de foi envers le potentiel innovateur de notre télé. À mi-chemin entre Les débrouillards pour adultes et un reel Instagram de votre edutainer préféré, L’émission possible ose non seulement faire les choses différemment, mais donne aussi étrangement le goût de devenir une meilleure personne?
Le plaisir d’apprendre 2.0
Le concept de L’émission possible est extrêmement simple. Chaque semaine, Meeker Guerrier, Léane Labrèche-Dor et Fred Bastien se donnent la mission de démystifier ou d’explorer un sujet et d’apprendre quelque chose de nouveau. Si, dans un épisode, la bande tente de découvrir s’il est possible de faire caca dans autre chose que de l’eau potable, ils tenteront, dans un autre, de passer une journée dans la peau d’une femme menstruée.
Ce n’est toutefois pas uniquement le choix du sujet que les trois co-animateurs décident de poursuivre chaque semaine qui rend l’émission si passionnante. En tout cas, pas totalement.
Apprendre, dans un contexte relax et dénué de prétention académique, c’est le fun. Ça donne même le goût. Peut-être que la question : « pourrait-on faire caca dans quelque chose de mieux? » ne vous semble pas pertinente, mais suivre Léane Labrèche-Dor d’une idée qui aurait pu naître après la consommation d’un muffin aux herbes magiques jusqu’à sa rencontre avec un scientifique québécois qui a inventé une machine pour réutiliser les eaux usées et minimiser le gaspillage d’eau potable, ça a un je-ne-sais-quoi d’inspirant.
Dans un monde où on tergiverse entre la désinformation et une rigidité académique pas toujours adaptée à la réalité du quotidien, c’est non seulement éclairant, de suivre trois personnes qui prennent en main leur apprentissage, ça enlève également le stigmate autour de l’acte de poser des questions qui peuvent a priori sembler farfelues.
Par ailleurs, L’émission possible ne se gêne pas pour passer de la simple observation à la pratique. Par exemple, dans un épisode, Fred Bastien apprend comment écrire une chanson country. Parce que dans la vie, tout n’est pas mesurable. Apprendre, ça implique aussi d’aller à la rencontre de l’autre pour casser nos ornières et apprendre à mieux vivre ensemble et ça, L’émission possible nous le rappelle à chaque épisode avec humilité et concision. Dommage que ce modèle ne soit pas plus présent dans les établissements scolaires.
Dans une ambiance décontractée, chaque apprentissage est présenté dans un épisode ne dépassant pas les vingt-deux minutes. Du contenu à consommer rapidement et sans retenue, comme une frite de chez McDo.
Quand la forme appuie le fond
En regardant les premiers épisodes de L’émission possible, je me demandais sans cesse : « Voyons, pourquoi j’aime autant ça? Ça devrait pas être AUSSI captivant. »
L’émission me rappelait vaguement les critiques de pizza de Dave Portnoy sur YouTube. Une série qui recense désormais plus de 1000 épisodes du même gars qui mange une pizza quelque part aux États-Unis et qui lui donne une note entre 0 et 10. En l’apparence banale, cette série est devenue culte parce qu’elle a été créée sur mesure pour les réseaux sociaux. Un format court avec une conclusion à la fois prévisible et satisfaisante et l’effet de répétition en vient à créer un sentiment de complicité avec l’animateur.
Sans nécessairement copier ce modèle, la proposition de L’émission possible se base sur cette même attitude décomplexée et une facilité d’approche propres au web et aux réseaux sociaux.
Si la série est aussi accessible et plaisante à regarder, c’est parce qu’elle donne des renseignements précis de manière claire sur des questionnements qui nous ont sûrement déjà traversé l’esprit. En langage châtié: ça feel un peu comme regarder trois reels sur Instagram plus que comme une émission de télé. Attention, il s’agit là d’un compliment. Enfin, du contenu télé qui s’adapte à notre nouvelle réalité et parvient à faire compétition aux mille et une séductions du web.
Parce qu’un autre besoin grandissant auquel répond la série est la création d’une offre de contenu dit « de deuxième écran » que l’auditoire peut regarder avec un téléphone dans la main, sans trop perdre le fil. Non seulement vous pouvez swiper sur Tinder ou mettre à jour votre château à Clash of Clans (ne me jugez pas, svp), vous pouvez aussi vous rendre sur Google pour faire des recherches complémentaires au reportage et bonifier votre compréhension du sujet.
Jamais je ne me serais attendu à voir une série québécoise en 2024 qui propose une vision si dynamique et décomplexée de l’apprentissage, mais nous y voilà. Maintenant, est-ce que la télé est le bon support pour ce type de contenu? S’il est beaucoup trop tôt pour juger de son sort, je vous invite tout de même à regarder L’émission possible cet hiver pour vous faire votre propre idée et même, juste pour célébrer le fait qu’une émission comme ça existe.
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