Même si on a un peu tendance à l’oublier quand on regarde le ciel cette semaine, c’est l’été à Montréal, ce moment de l’année où un festival en chasse un autre de manière ininterrompue. Comme le veut la tradition (depuis 38 ans, faut le faire), c’est maintenant le gigantesque Festival International de Jazz de Montréal qui prend dès ce soir d’assaut le Quartier des Spectacles.
Outre une offre locale plus que trippante, comprenant notamment le Lomax de Betty Bonifassi, trois soirs au Métropolis pour Charlotte Cardin, Groenland, l’hypnotisant Jesse Mac Cormack qui reprend Muddy Waters, The Barr Brothers avec Bassekou Kouyaté et Amy Sacko, la folie pure de Coyote Bill et bien d’autres, l’édition de cette année propose quelques incontournables de niveau expert. Du genre «ce moment dans ma vie», rien de moins.
Voici quelques-uns de ces monuments vivants à ne manquer sous aucun prétexte.
Tristement programmé en même temps que l’excellente Feist (choix déchirant en vue), cette rare apparition du grand gourou soul de Daptone Records, qui avait dû annuler sa dernière tournée à cause de problèmes de santé, devrait mettre le feu aux âmes autant qu’au Métropolis. Une voix exceptionnelle, des textes déchirants et incarnés, un band extraordinaire; le vieux Charles c’est tout ça et même plus. En prime c’est le plus grand band funk du Québec, The Brooks, qui ouvrira les hostilités.
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Je ne commencerai quand même pas à vous présenter King Crimson; c’est une véritable institution, un pilier important de tout le mouvement prog mondial et un groupe qui tourne depuis… 1969 (!). Pour cette prestation spéciale, par contre, il me semble important de mentionner que la vénérable bande de Robert Fripp présentera un show construit autour de quatre (4) batteurs. Ça devrait réveiller même les fans un peu âgés de la première heure.
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Sans contredit la pièce de résistance de l’édition de cette année; l’indomptable et inclassable Bob Dylan, 76 ans, prix Nobel de Littérature, 125 millions d’albums vendus and still going, légende vivante et encore capable de rocker à ses heures. Il présentera les morceaux de son 38e (!) album et quelques surprises, mais bien franchement il pourrait juste s’asseoir sur le stage quelques minutes qu’on respire le même air que lui et ce serait en masse.
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Même si la renommée du songwriter ontarien est plus grande chez nos voisins du ROC qu’ici, il peut se targuer d’avoir été repris par Feist et Rod Stewart et d’être souvent cité en tant qu’influence par les Elvis Costello, Elton John, Tom Yorke ou Paul McCartney (juste ça). Pour l’avoir brièvement côtoyé, je peux affirmer que le monsieur reste quelqu’un de très humble et particulièrement sympathique. Et que son show est généralement un beau moment d’intimité sans fioriture.
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Parlant de légendes vivantes, le grand Fela Kuti a déjà déclaré que «sans Tony Allen, il n’y aurait pas d’afrobeat». Brian Eno disait de lui qu’il était «peut-être le plus grand batteur qui ait jamais vécu». Pionnier et défricheur du genre, le génial batteur et auteur-compositeur nigérian présentera un concert hommage à l’une de ses idoles à lui; Art Blakey, le créateur des Jazz Messengers, et l’un des batteurs les plus emblématiques du hard bop.
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Bon: c’est beau tout ça, mais faudrait surtout pas négliger qu’année après année, le FIJM c’est beaucoup, beaucoup plus. La programmation gratuite et extérieure de cette année est sans fin, et le nombre d’artistes à découvrir dans de petites salles cachées, tard le soir, l’est tout autant. Et bien qu’on ne boude pas le plaisir de voir de près des légendes, on ne saurait trop vous conseiller la joie de découvrir quelque chose d’insoupçonné au détour.
Après tout, la vraie essence du jazz, c’est encore dans les coins sombres qu’elle se déploie le mieux.
Pour lire un autre texte de JP Tremblay: «Les Hôtesses d’Hilaire : l’art à l’époque des réseaux sociaux».