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Leçons d’esthétique par ma grand-mère

Par
Gwenaëlle Scorta
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Pendant une bonne période de ma vie, j’ai eu l’air d’un petit garçon manqué : j’aurais préféré avaler de la terre et boire un litre de lait caillé plutôt que de porter des robes et de jouer aux barbies. Un classique. Jusqu’au jour où, à l’aube de mes 16 ans, j’ai eu une révélation en mangeant mes toasts au Nutella.

Ce billet est présenté par Target

« Messemble que j’haïrais pas ça être un tantinet plus féminine. »

Moi, la grande slaque avec autant de formes qu’un ficello, armée d’une coiffure de type mohawk aux pics pointus qui auraient pu crever l’œil de quelqu’un, équipée de gigantesques sourcils qui m’auraient taillé une place dans un cirque ambulant aux côtés d’un nain cracheur de feu et d’un cyclope jongleur, j’ai senti l’appel d’une prise en charge au niveau facial et capillaire. Ma mère et ma sœur étant des beautés naturelles qui ne se maquillaient jamais et moi qui ne trouvais aucun intérêt à lire des magazines de mode, je me suis tournée vers ma coquette grand-mère Roseline pour m’inspirer dans la découverte de ma inner Beyoncé.

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Chaque fois que j’allais lui rendre visite, elle était d’un chic inégalable. Sa chevelure remontée en un chignon d’un diamètre parfait a toujours été pour moi la définition de l’élégance suprême. Ses bobby pins minutieusement placées maintenaient chaque mèche là où elle devait être. Roseline dessinait sa ligne de sourcils avec une courbe parfaite, digne d’une peintre diplômée d’une prestigieuse école de beaux-arts. Son rouge à lèvres demeurait intact en tout temps, même si elle s’essuyait la bouche avec une napkin en tissu après avoir mangé un spaghetti à la sauce bien orangée. Son coffre à bijoux recelait de boucles d’oreilles qui s’agençaient toujours avec l’un ou l’autre de ses habits fleuris aux épaulettes prononcées. Elle portait souvent des foulards en soie qu’elle nouait autour de son cou délicat et ses ongles étaient en permanence limés et recouverts d’un vernis rouge. Elle avait la classe de la princesse Diana, voilà tout. Prenant soin de son apparence jusqu’au bout, elle gardait tous ses produits de beauté, ses vernis à ongles et ses soins du visage dans le frigo, juste à côté de sa douzaine d’œufs.

« C’est pour les garder frais le plus longtemps possible. », qu’elle me disait.

Ma grand-mère m’amenait toujours avec elle lorsqu’elle faisait les courses. Son petit plaisir coupable était de flâner dans les pharmacies à tester divers parfums et crèmes. Pas besoin de préciser que les cosméticiennes ne pouvaient en aucun cas lui offrir des conseils beauté, elle se débrouillait très bien seule. D’ailleurs, c’est elle qui m’a légué le gène de l’amour des pharmacies. Je ne sais pas ce qu’il y a de si magiques avec ces établissements : est-ce le calme qui y règne ? Les sections interminables de chocolats ? Le malin plaisir à sentir subtilement les mousses pour le bain? Assurément, toutes ces réponses. Pour ma part, j’ai un faible pour Target. Je ressens une profonde joie à me promener dans les allées à la recherche d’un baume à lèvres aux Skittles ou d’une poudre bronzante qui fera don de quelques rayons de soleil à mon teint hivernal qui s’apparente à celui de Yoda.

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Roseline me disait souvent : « Les excès, ma p’tite chérie, c’est bon pour personne. ». J’ai lu entre les lignes et j’ai compris qu’il y avait un moyen d’être coquette sans ressembler à Christina Aguilera des années 2000.

C’est ainsi que Roseline m’a inspirée pour faire disparaître mon côté tomboy qui me plaisais autant que d’échapper une bouteille de vin à la SAQ dans une file d’attente de 15 personnes la vieille de Noël. Je me suis procurée l’instrument qui allait révolutionner ma vie : une pince à sourcils. J’ai assumé mon corps, mes grandes pattes et je me suis découvert une vraie passion pour les rouges à lèvres. Merci, grand-mère, de m’avoir montrée que l’élégance est toujours plus forte que la vulgarité. J’ai encore un peu de misère à porter des robes, mais c’est grâce à toi si j’ai pu atteindre l’âge adulte en évitant d’être la star d’un cirque ambulant.

P.S. C’est aussi grâce à toi si je suis équipée en bobby pins pour les 40 prochaines années et que mes rouges à lèvres restent dans le frigo pour conserver une éternelle fraîcheur.

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