.jpg)
L’économie sociale : la solution réaliste pour une société équitable?
URBANIA et PME MTL s’unissent pour vous faire découvrir les avantages humains et financiers d’une coopérative.
L’économie sociale, ça vous dit quelque chose? Non? Peut-être? Oui-bien-sûr? Peu importe dans quelle catégorie vous vous trouvez, en novembre vous allez en entendre parler parce que c’est le mois de l’économie sociale et solidaire.
Pour faire simple, c’est un mouvement qui place l’individu avant le profit, qui vend ou échange des biens et services dans le but de répondre aux besoins de ses membres et de la collectivité AVANT TOUT. Très viable à long terme, cette branche de l’économie privilégie l’autogestion et les relations horizontales (donc équitables), tout en repensant notre relation au pouvoir et à l’argent. What’s not to love?!
Elle peut prendre la forme d’organismes à but non lucratif ou de coopératives. C’est d’ailleurs sur ces fameuses coops que l’on se penchera aujourd’hui, en portant un regard sur des travailleurs trippants qui ont décidé de se tourner vers l’économie sociale… pour leur plus grand bonheur.
L’argent, le profit et les salaires sans tabou
C’est l’idée de travailler dans un monde plus équitable et humain qui a poussé Samantha Slade à démarrer Percolab en 2007, une coop qui offre aux entreprises, aux organisations et aux gouvernements des formations et un accompagnement visant à optimiser leur vision du travail d’équipe et du leadership. Pour Samantha et ses collègues, on se doit d’avoir de ces concepts une vision saine, horizontale et créative.
« On expérimente, on tente de recréer au quotidien la société dont on rêve », explique la Montréalaise d’origine. « Chaque jour, on apprend à trouver des façons plus équitables de fonctionner avec les éléments les plus pertinents de notre société, comme le pouvoir, l’argent et l’économie, ainsi que les relations et les conflits. »
Samantha et les autres membres de la coopérative se font un point d’honneur de faire preuve d’une transparence complète sur les frais facturés à leurs clients : « Les projets sont réalisés en financement conscient, c’est-à-dire que tous les éléments qui déterminent le prix d’une formation sont révélés. Devant cette transparence complète de la façon dont l’argent circule et est utilisé à l’interne, l’individu ou l’entreprise pourra par la suite autodéterminer combien il voudra payer. Ça challenge les modèles établis, mais ça transforme notre vision du profit. »
«Le salaire n’est pas fixe à l’année, et il n’est pas non plus déterminé en fonction d’horaires ou de nombre d’heures. Lors de l’organisation de la réalisation d’un projet, on privilégie la conversation avec nos collègues, et le salaire est déterminé en fonction de la valeur du travail et des tâches.»
La même transparence est de mise en ce qui concerne le salaire des membres de la coop. « Le salaire n’est pas fixe à l’année, et il n’est pas non plus déterminé en fonction d’horaires ou de nombre d’heures. Lors de l’organisation de la réalisation d’un projet, on privilégie la conversation avec nos collègues, et le salaire est déterminé en fonction de la valeur du travail et des tâches », révèle Stéphanie Bossé, aussi membre associée chez Percolab. « Les rôles sont toujours en rotation, ce qui a l’avantage de nous amener plus loin en tant qu’organisation et individus », ajoute-t-elle.
Et si vous vous posiez la question, sachez que oui, les membres de Percolab gagnent bien leur vie. Je n’ai pas demandé à Samantha ni à Stéphanie quel était leur salaire (quoique rendue là, j’aurais pu), mais je voyais dans leur regard qu’elles étaient plus que satisfaites de leur train de vie. « Il faut un équilibre. On s’assure d’atteindre notre niveau de bien-être de base individuel sans toutefois avoir un impact négatif sur les autres ou sur la planète. Il faut déconstruire certains paradigmes économiques et reconnaître la marge acceptable entre le bien-être personnel et le bien-être collectif », enchaîne Samantha, qui s’est beaucoup inspirée du modèle économique de Kate Raworth. Cette économiste, dans son livre La Théorie du donut, décrit les activités économiques comme des cercles qui devraient toujours avoir comme « plancher » les besoins humains de base et comme « plafond » la préservation de l’environnement.
Être ou devenir une coop, là est la question
Même si depuis ses débuts Percolab fonctionne en autogouvernance et poursuit la même mission, elle n’est devenue une coopérative qu’en 2015, question de circonstances. Il est donc possible de passer d’entreprise évoluant dans un modèle classique à coop, même après plusieurs années d’activité.
C’est d’ailleurs ce qui s’est passé pour Le Cagibi, ce café-coop montréalais que vous connaissez peut-être, qui a longtemps eu pignon sur rue à l’angle de la rue Saint-Viateur et du boulevard Saint-Laurent. Lui non plus n’a pas toujours fonctionné sous le signe de l’économie sociale.
À la suite d’une importante hausse de loyer en 2018, l’équipe de ce café, tenu depuis toujours par des personnes queers, a dû quitter le local qu’elle occupait depuis 13 ans pour se refaire une clientèle quelques rues au nord, angle Saint-Zotique. « Les anciens propriétaires du café l’ont quitté et ont transféré l’entreprise aux travailleurs. C’est là que l’idée de la coop est née », me raconte Mycelium, membre de la coop et gestionnaire des réseaux sociaux et des communications au Cagibi.
Au Cagibi, l’administration du café et le service à la clientèle sont effectués par les mêmes personnes. « Chaque membre a des parts. Ici, c’est 500 $, enlevés des premières paies des membres, mais quand tu quittes la coopérative, tu reprends tes parts. Si toutefois la coop fait faillite, c’est la coop qui fait faillite, et non des individus. »
«Ici, c’est 500 $, enlevés des premières paies des membres, mais quand tu quittes la coopérative, tu reprends tes parts. Si toutefois la coop fait faillite, c’est la coop qui fait faillite.»
Les membres de la coop ne sont donc pas des investisseurs qui arrivent avec un bagage financier comme « des entrepreneurs classiques qui sont allés à HEC », pour paraphraser Mycelium. Ce sont de jeunes individus queer ou trans, qui ont souvent une formation liée au monde des arts et qui souhaitent gagner leur vie adéquatement sans avoir à subir de l’aliénation au travail ni avoir l’impression de nourrir une grosse machine. « Moi, je ne serais pas entrepreneur.e si ce n’était pas du Cagibi. La possibilité de naviguer dans le capitalisme sans être complètement dedans me plaît, je n’ai pas de patron, et mon labeur ne contribue pas au maintien d’une institution hiérarchique. »
L’organisation propose un endroit sécuritaire pour les travailleurs et les clients, eux aussi en majorité issus de la communauté LGBTQ+, qui pouvaient (avant la pandémie) s’asseoir à une table sans se sentir marginalisés. D’ailleurs, la COVID-19 a durement touché ce commerce de la Petite Italie. « On offre le take out et la livraison de nourriture et de boissons, mais avant, on avait au moins un événement culturel par semaine pour arrondir nos fins de mois », se désole Mycelium. « On verra comment la COVID changera le visage de Montréal et des petits commerces », laisse-t-iel finalement tomber.
Un modèle polyvalent
La coop d’architecture Pivot, de son côté, en plus d’être constituée en coopérative depuis ses débuts en 2010 est aussi la première en son genre au Québec. Comme quoi l’économie sociale peut faire ses preuves dans tous les domaines!
Comme Percolab et Le Cagibi, Pivot fonctionne avec une structure horizontale, basée sur la discussion, peu importe l’ancienneté. « Les architectes chez Pivot ont un sentiment d’appartenance à leur boulot. Toutes les décisions se prennent en concertation, et tout le monde est écouté. Cela dit, prendre une décision peut être plus long que dans une firme privée où seulement quelques personnes ont le pouvoir! », raconte l’architecte Egest Gjinali, membre de Pivot depuis sa fondation.
«Les architectes chez Pivot ont un sentiment d’appartenance à leur boulot. Toutes les décisions se prennent en concertation, et tout le monde est écouté.»
Faire affaire avec une coop d’architecture ne change pas l’expérience client. « On aime dire qu’on est une coop parce que ça nous caractérise, mais ce n’est que le partage des tâches à l’interne qui nous distingue d’un cabinet privé. On travaille autant avec des coopératives, qui nous confient leurs projets parce que nos valeurs se rejoignent, qu’avec des particuliers et des entreprises privées. Les municipalités sont aussi de plus en plus ouvertes à ce modèle, qui favorise la solidarité, l’équité et la redistribution de la richesse. »
Des mots qui sonnent bien à nos oreilles dans la grisaille de novembre!
*****