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Le vrai problème de notre société

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En ce lendemain de démission de ministre, je devrais probablement vous parler de Line Beauchamp.

Bien que Denis Lessard ou Chantal Hébert aient déjà tout dit, la dictature du clic voudrait que je vous parle d’elle, même si je n’ai rien à dire qui n’a pas déjà été dit par quelqu’un qui la connaît mieux que moi à son sujet. Le ton Urbania voudrait que je lui fasse des propositions de vacances, des suggestions d’emploi dans le nord autant que possible, des plans de retour aux études. Mais il y a des problèmes beaucoup plus graves dans notre société en ce moment, dont un dont je brûle de vous parler depuis sept jours.

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Il s’agit d’un problème qui a été mis en lumière par un petit scoop relativement anodin du journaliste Yves Poirier. Dans ce climat de crise sociale, la nouvelle est carrément passée inaperçu. En effet, le journaliste de TVA Nouvelles a découvert que cinq cols bleus de Saint-Michel avaient décidé (de leur propre gré) de vendre de vieux disques de freins (voués de toute façon aux ordures) à des ferrailleurs. Les cols bleus ont utilisé l’argent ainsi amassé pour acheter un téléviseur, un frigo et un poêle pour meubler leur salle de pause. Une salle de pause qui devrait normalement être meublée par l’employeur. C’est donc dire que les cinq cols bleus ont trouvé une manière créative (et écologique) de nous faire sauver de l’argent. Pourtant, lorsque la Direction du matériel roulant de la Ville de Montréal a été informée de cette pratique, elle y a non seulement mis fin, mais en plus puni les cols bleus «fautifs», leur collant jusqu’à deux semaines de suspension. Le téléviseur, le frigo et le poêle ont été revendus et les profits ont été versés à une œuvre de bienfaisance.

(Insérer un gros mot ici pour témoigner de ma colère de payeuse de taxes)

Le problème de notre société, je vais vous le dire, ce n’est pas que des cols bleus vendent de vieux disques de freins à un ferrailleur et utilisent les profits pour nous faire sauver de l’argent. C’EST QU’ILS SOIENT PUNIS DE L’AVOIR FAIT!

À part d’écrire pour Urbania, il m’arrive de travailler pour des publications d’affaires. Or, dans la dernière année, ces publications m’ont commandé au moins dix papiers sur l’importance d’avoir des employés créatifs, des employés qui n’ont pas peur de prendre des initiatives et qui osent challenger la vision de leur patron. On donne même des trucs aux patrons pour générer cette créativité en entreprise. Toute l’économie du XXIe siècle est basée là-dessus, et des employés comme les cols bleus évoqués précédemment, c’est de l’or en barre pour l’entreprise moderne. Bref, la Direction du matériel roulant de la Ville de Montréal a géré la situation en vrai dinosaure.

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Évidemment, on ne s’attend pas à tellement mieux de la part de fonctionnaires. Le véritable «scandale» mis en lumière par Yves Poirier, c’est que la fonction publique continue en 2012 d’être un lieu où l’initiative n’est pas la bienvenue.

Ce qui me ramène à vous parler du système d’éducation.

Si des cols bleus se font chicaner pour leur excès de créativité, se peut-il qu’une secrétaire de vice-recteur hésite à remettre en question la décision de son patron de faire des photocopies recto seulement? Se peut-il que des sous-ministres et autres fonctionnaires aient été incapables de trouver des solutions inventives pour éviter d’avoir à hausser les frais de scolarité? Se peut-il que nos étudiants, avec toute la créativité dont ils font preuve, seraient en bien meilleure position pour administrer les universités?

Je ne pensais jamais avoir à utiliser cette formule quasi tautologique, mais poser la question, c’est y répondre. L’espoir, dans tout ça, c’est que la génération qui gérera dans vingt ans, celle qui marche dans la rue en ce moment, sera plus créative que celle qui nous gère en ce moment. Ça, c’est en espérant qu’il lui reste encore un peu d’idéaux rendu là.

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