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Deux semaines après avoir posé roues sur Namur, je peux enfin défaire mes valises et passer au prochain défi : trouver un moyen de transport efficace de me déplacer dans ce royaume fait de vieilles pierres et de pavés raboteux.
Pour la personne en fauteuil roulant que je suis, un algorithme assez simple explique la difficulté avec laquelle je me déplace : la tâche s’avère d’abord facile (si à l’horizontale) et s’améliore ou se détériore en fonction du degré d’inclinaison du sol.
Par exemple : entre mon nouvel appartement et ma job, il existait une forte déclinaison géographique. Une fois sur deux, à l’aller, le trajet se résumait donc en une amusante ride de boîte à savon, puisqu’en pente descendante.
Mais en vertu de la loi du mouvement de Newton, qui veut que chaque action entraîne une réaction égale et opposée (j’pense), le retour s’avérait forcément un véritable calvaire.
En non-champion paralympique que je suis, j’opte plutôt pour l’autobus. Je goûte alors pour la première fois aux plaisirs du transport en commun, moi qui était habitué de me déplacer avec ma voiture, au Québec.
J’avais quand même utilisé quelques fois les bus et le métro, à Sherbrooke et Montréal, où j’ai constaté leurs «petits défauts».
Petits défauts comme dans : je me suis déjà faite crisser dehors d’un bus, à Sherbrooke, à ma première année d’université. J’étais ni ivre, ni bruyant – je me rendais simplement à un concert, en début de soirée. C’était la quatrième ou cinquième fois que je prenais l’autobus et, chaque fois, ça se passait bien – même que souvent, le chauffeur me proposait son aide, pour descendre. Mais cette fois-là, il était pas mal moins smatte. Il m’a annoncé, avec quelques trémolos dans la voix, que son autobus n’était pas «disposé» à accueillir quelqu’un en fauteuil roulant.
-Vous allez me mettre DEHORS?!! En 2011?!
-Oui.
-Voyons colice! C’est sûr tu me niaises! J’ai-tu l’air d’avoir des poignées dans le dos?
-…
-C’PAS DRÔLE!
Fait que je sors, la mine basse, pendant que mon amie PIQUE LA PLUS JOLIE CRISE qu’il m’a été donné de voir à ce jour.
Retour à Namur : la situation est un peu mieux. D’abord, plus de la moitié des bus sont équipés d’une rampe d’accès, sauf qu’elle fonctionne environ une fois sur deux. Une fois sur deux dans son sens le plus mathématique du terme, dans le sens que ça se peut qu’elle sorte mais qu’elle rentre pas, la p’tite maudite.
Imaginez la scène : un bon lundi matin qui drache à boire debout, j’entre dans un bus déjà bondé de passagers qui, comme moi, se rendent à leur travail.
Une fois à l’intérieur, je remarque que le chauffeur a bien du mal à faire rentrer la rampe. Le système électronique a l’air de faire défaut, peut-être à cause de la pluie. Il passe donc à la technique de secours, qui consiste à varger dessus à grands coups de pieds – parce que la technologie est rendue là – mais en vain.
Puisque le code de la route belge permet sûrement pas de conduire avec un aileron de métal pointu qui dépasse d’un pied et demi, le chauffeur ordonne aux quelques 50 honnêtes travailleurs de sortir, et d’attendre le prochain autobus. Pas besoin de vous dire que je me sentais pas mal cheap, à ce moment précis, au débarcadère, entouré de tous ces gens qui allaient être en retard à job un peu par ma faute.
Fait que, est-ce que l’Europe fait mieux que le Québec, en matière de transport en commun? Bof.
Londres fait mieux. La grande majorité de son réseau souterrain est accessible. Il y a des ascenseurs dans plusieurs stations, et la plupart d’entre elles ont un accès à niveau entre la rame et le plancher. Un beau thumbs-up à Montpellier qui offre aussi un réseau complètement accessible, grâce à son tramway. À Paris, hormis la un-peu-inutile-ligne-14, le métro est complètement inaccessible. Chose que moi et mon ami avons constatée un peu sur le tard. Il a donc fallu attendre patiemment qu’un passant accepte de jouer les bons samaritains, et nous aide à me transporter dans les centaines de marches, tel un prince.