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Le vice parfait

Les aventures de l'homme moyen #21

Par
David Malo
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Je ne fume pas, je ne bois presque pas, je fais de l’exercice et la drogue c’est le démon. Je suis économe, je travaille et j’ai des projets pour le futur. Je suis relativement stable émotionnellement et je souhaite un jour avoir des enfants. J’ai une vie en apparence très équilibrée, mais je dois combattre un vice et je tremble à l’idée de m’en séparer!

(Aviez-vous lu le 20e épisode?: Demande à quelqu’un qui sait)

Lorsque vient le temps de se choisir un vice, certains critères sont à prendre en considération.

1. Est-ce qu’il est facile de le faire en cachette?
2. Est-il simple de mentir sur la fréquence à laquelle on assouvit la dépendance?
3. Est-ce que j’ai les moyens de l’entretenir?
4. Est-ce qu’il est nuisible à mon entourage?
5. Est-ce qu’il nuit à ma santé?
6. Comment la société me jugera-t-elle si je me fais prendre?

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Je crois avoir trouvé le vice parfait. Un vice qui sait répondre de la bonne manière à toutes ces questions et qui m’accompagne maintenant depuis plusieurs années. Je l’aime, il me détend, il me permet de m’évader et d’oublier tous les tracas du quotidien. Quand je me sens seul, il est toujours là, disponible.

Les gens qui ont étudié et ceux qui sont dotés de la capacité de réfléchir le disent : la prise de conscience est la première étape vers le traitement d’une dépendance. Les problèmes que l’on ne voit pas n’existent pas. De mon côté, je vois un peu trop le mien.

Je sais maintenant que la lune de miel que j’entretiens avec mon vice doit un jour prendre fin, car ultimement je sais qu’il n’est pas bon pour moi. Il ne me procure qu’un plaisir vide et éphémère et il m’a déjà volé une bonne partie de ma vie. Je le déteste, je veux qu’il parte, mais lorsque vient le temps de m’en séparer, à chaque moment de faiblesse, il me ramène toujours vers lui. Le sevrage s’annonce difficile.

Cette semaine, en écrivant ce texte, j’ai une idée qui me trotte en tête et que je ne cesse de remettre à plus tard : me débarrasser du câble.

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Le câble est un rude adversaire, car il coûte moins cher que toutes les activités. Il ne dérange personne et ne nuit pas à la santé comme l’alcool et les drogues. Il existe sous plusieurs formes, est en constante évolution et a une durée de vie illimitée. Son côté le plus réconfortant est sans doute son acceptation sociale : tout le monde en consomme à petite ou grande dose. Un utilisateur maladif peut facilement camoufler son utilisation dans des réponses simples, évasives et socialement acceptables.

« Qu’as-tu fait de bon aujourd’hui?
– Bah pas grand-chose, j’ai fait l’épicerie (45 minutes), je suis allé au gym (90 minutes) et j’ai relaxé un peu (360 minutes). Et toi?
– Cool, moi c’est pareil.
»

Peut-être que c’est réellement pareil. Qui sait ce que les gens font lorsqu’ils sont à l’abri des regards et du jugement.

Est-ce que le fait de ne plus avoir le câble me fera lire plus, étudier plus, travailler plus, écrire plus ou vivre pleinement? Ou bien remplacerai-je le temps alloué au câble par d’autres activités d’écrans?

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Le câble est même devenu désuet et ne fait probablement plus partie du problème, car les écrans nous suivent partout maintenant. Pour certains, c’est l’internet ; pour d’autres c’est Netflix, le cellulaire, les jeux vidéos, les textos, Youtube ou le cinéma.

Les écrans ne nous laissent jamais seuls.

Dans les bars, ils ont remplacé la cigarette. Ils sont sur les tables et servent de passe-temps quand l’ami va au petit coin. Même si nous avons été sur Facebook toute la soirée par l’entremise du téléphone, la première chose que l’on fait en rentrant à la maison c’est d’aller devant l’ordinateur.

Il est dur de tracer la ligne entre l’internet récréatif et maladif. Ce n’est pas aussi clairement défini que les buveurs sociaux ou les fumeurs qui fument juste quand ils boivent.

Un cyberdépendant qui garde des écrans à la maison, c’est comme un alcoolique qui garde de l’alcool au frigo en se disant qu’il n’en prendra qu’aux occasions spéciales ou lorsqu’il aura des invités. Lors du premier moment d’ennui, à l’abri des regards:

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« Juste une petite gorgée » se dira-t-il avant de finir la bouteille.

Je peux garder une bière dans mon frigo pendant des années sans même avoir l’idée de la boire. Mais quand vient le temps de procrastiner ou de faire quelque chose qui me demande un effort:

« Juste un petit trente minutes », que je me dis, avant de tout remettre à demain.

Le 22e épisode est ICI.