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Le tour du monde en 45 tours : Walla P

Entrevue sur la vie de DJ sur la route.

Par
Antoine-Samuel Mauffette Alavo
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Heures de travail irrégulières, équipement lourd et gigs perpétuelles : la vie de DJ n’est pas toujours facile. Mais qu’en est-il des DJ sur la route ? Je ne parle pas de la tournée mondiale de DJ Tiesto mais plutôt de DJ locaux qui s’aventurent dans d’autres régions du monde. Une mini tournée européenne dans des bars locaux, se trouver des gigs quand on déménage à chaque 6 mois, essayer de faire vibrer la foule étrangère sur les sons d’ici : voici le genre de défi auxquels font face les DJs sur la route. Ce sont les sujets que nous aborderons dans cette minisérie avec 3 DJs voyageurs qui font le tour du monde en 45 tours.

Aujourd’hui, on en jase avec le vétéran et ambassadeur du funk à Montréal, Walla P.

Globe-trotters

Le funk lord derrière les soirées mensuelles Voyage Funktastique et Fly Ladies a un calendrier très chargé dans son Montréal natal. En plus de l’émission de radio VF, il s’occupe également de son label homonyme et est un véritable ambassadeur du funk mondial. C’est cette expertise et sa renommée qui l’amènent en tournée européenne. Malgré ses destinations de choix, ses périples outre-mer ne se passent pas toujours dans le luxe, surtout que le DJ doit voyager accompagné de sa précieuse collection de vinyles. On lui a parlé au milieu de sa tournée, avant qu’il ne se blesse et doive poursuivre ses déplacements avec une canne à la main.

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Quel est ton setup de DJ pour être mobile sur la route ?

J’apporte avec moi environ 150 vinyles 45 tours, parce qu’ils sont plus petits et portables, et une dizaine de 12 pouces de chansons plus longues, pour que je puisse prendre une petite pause lors de mes sets. J’apporte aussi 2 clés USB au cas ou il y aurait un problème technique avec les tables tournantes. Sinon, j’amène 4 aiguilles, des tapis à disque, trois adaptateurs à 45 tours, du liquide nettoyant pour vinyle et une serviette. Disons qu’après il reste très peu de place pour des vêtements.

Comment prépares-tu tes sets pour rester près de ton style tout en t’adaptant aux goûts locaux ?

Avant de partir, je m’assure de connaitre le style de musique qui est normalement joué dans chacun des partys qui me booke. Par exemple, si une soirée est plus jazz-funk, alors j’en mets un peu plus dans mon sac à disque. Cela dit, je crois qu’il est essentiel de garder sa propre identité musicale, car c’est pour ça qu’on te booke. Aussi, c’est important pour moi d’amener des disques montréalais, québécois et canadiens (Dr. MaD, KNLO, Nick Wisdom, Amalia) afin de représenter notre vibe et faire découvrir des tracks au public. Finalement, si j’ai un gig dans un pays comme l’Italie, je vais faire jouer des disques italiens pour lever mon chapeau à la foule locale.

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Quelle est la série de gigs la plus intense que tu as faite ?

J’ai souvent des gigs du jeudi au dimanche dans 4 différents pays et c’est pour ce genre de passes qu’il faut être prêt mentalement et physiquement. En ce moment je fais Nantes, Paris, Genève et Lausanne en 4 jours, donc c’est important de se reposer entre les gigs, d’organiser ses déplacements et d’être discipliné. J’essaie toujours de m’assurer dans mon itinéraire que je n’ai pas de gigs successives trop éloignées géographiquement. Un voyage de train de 14 h c’est épuisant, alors tu ne veux pas arriver en ville et te rendre directement au club.

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Quelle est la première chose que tu fais quand tu débarque dans une nouvelle ville ?

Dès que j’arrive, je vais directement déposer mes choses où je reste, et ensuite s’il n’est pas trop tard, j’essaie de visiter le plus de magasins de disques possible. Quand j’arrive en soirée, c’est sieste, douche et préparation de disques pour le spectacle. Souvent je réorganise mes disques dans le train afin de sauver du temps. J’essaie aussi de voir des amis pour suivre leurs recommandations pour les meilleurs spots en ville et si je peux j’essaie de capter un match de soccer.

Est-ce que certains de ces endroits sont devenus comme un deuxième chez-soi ?

Oui absolument : Francfort, Paris, Berlin, Montpellier, Bruxelles, Lausanne, ce sont des endroits où j’ai établi mes petites routines. Je mange aux mêmes endroits et les employés des magasins de disques se souviennent de moi et de mes goûts. C’est bien, comme ça je peux me concentrer sur ce qui est important : la musique.

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Comment arrives-tu à trouver un équilibre de santé physique et mentale sur la route ?

C’est difficile de manger santé quand tu finis un gig à 5 h, qu’il y a juste un McDonald d’ouvert et que tu dois quitter dans 2 heures. Rester hydraté est difficile aussi parce que tu es dans le club toute la nuit et qu’on t’offre plein de billets de consommation. Il faut rester professionnel : en tournée, je priorise le travail et le repos au chillage.

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Quelle est la différence dans la réception que tu as en tant qu’artiste ici et ailleurs ?

C’est clair que la réception est différente parce que c’est souvent la première fois que la foule te voit jouer et ils se sont parfois déplacés juste pour toi. Souvent les gens viennent parce qu’ils sont fans de l’émission de radio et je veux être à la hauteur de leurs attentes. Le public européen est plus demandant : ils s’attendent à des disques plus rares et ils ont une meilleure connaissance du style que je joue. Je veux les impressionner pour m’assurer de renouveler le gig. A Montréal j’ai l’avantage d’être en territoire conquis, et les gens sont plus en mode « party » que « analyse musicale ». Il faut rester constant et s’assurer de les faire revenir à la soirée, car avoir une gig régulière est un privilège.

Jouer à l’étranger c’est un sprint de 100 mètres, à Montréal c’est un marathon.

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