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Le sacre du printemps

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Hier, c’était la fête des Mères. Les fleuristes se sont fait dévaliser leurs stocks de tulipes, les pharmacie ont écoulé leurs restes de chocolat de Pâques – que les clients les plus cheap ont pris soin de simplement réemballer dans un sac sans petit lapin cute dessus – et les restaurants ont été envahis par des clients faussement habillés chic.

Bon an, mal an, la fête des Mères est la journée la plus occupée dans les restaurants. Devant la Saint-Valentin, imaginez-vous donc. Pour la remercier d’avoir cuisiné pour eux toute l’année, enfants et époux traînent la mamma au resto, histoire de lui donner « congé de popote ». Quelle belle attention. Mais est-ce vraiment cela que les mères souhaitent recevoir en cadeau ? En fait, la vraie question serait plutôt : les mères en ont-elles vraiment quelque chose à foutre de la fête des Mères ? Ne souhaiteraient-elles pas plutôt se sentir appréciées au quotidien, se faire dire « je t’aime » deux-trois fois par semaine sans devoir le quémander et avoir l’impression qu’elles ne sont pas seulement des mères, justement, mais bien des individus à part entière qui ne se définissent pas uniquement par le fait qu’elles ont un jour enfanté ?

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Je ne suis pas encore mère, donc peut-être que je dis n’importe quoi. Peut-être que ce que les mères aiment le plus au monde, c’est recevoir une carte de pharmacie le premier dimanche du mois de mai, accompagnée d’un bouquet semi fané acheté en toute vitesse au Provigo. Peut-être qu’avec le fait d’être mère vient celui d’apprécier manger chez Casa Corfu ou East Side Mario’s entourée d’une ribambelle d’enfants qui crient et qui se pitchent du gâteau au chocolat trop sucré. Permettez-moi d’en douter, malgré mon statut de pas-encore-génitrice.

La fête des Mères, pour moi, c’est un peu comme les annonces du gouvernement du Québec qui disent aux parents comment faire leur job : une grosse pub qui me fait sentir ingrate de ne pas avoir appelé ma mère hier (en fait, je l’ai appelée, mais elle n’était pas à la maison, c’est toujours ben pas de ma faute). Les intentions derrière les messages publicitaires du gouvernement sont probablement plus louables que celles motivant les célébrations entourant la fête des Mères, mais toujours est-il que dans les deux cas, quelqu’un ne se mêle pas de ses affaires. Le gouvernement ne devrait pas avoir à rappeler aux parents qu’il est important pour eux d’être attentifs aux besoins de leurs jeunes, de la même manière que les commerçants avides de profits ne devraient pas décider quand je suis supposée avoir envie de dire à ma mère que je l’aime.

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Je m’en prends ici à la fête des Mères parce que ça adonne que c’est celle-là qui est d’actualité, mais c’est la même chose pour toutes les autres. Halloween, Noël, Saint-Valentin, Pâques, name it : le problème avec toutes ces fêtes, c’est qu’elles ont complètement perdu leur sens. Ce sont des festivités « prêtes-à-fêter », des événements créés de toute pièce qui n’ont plus rien de senti, de personnel, de naturel. L’aspect commercial a pris le dessus sur les sentiments, la foi, la tradition. Voilà où je voulais en venir, je crois : je suis en mal de traditions. Cela m’attriste que laïcité (concept avec lequel je suis entièrement d’accord, cela dit) doive rimer avec élimination du sacré. Car il n’y a pas que les bondieuseries qui puissent être sacrées. Sacré signifie aussi « à quoi l’on tient par-dessus tout, auquel on doit un respect absolu ». Je pose donc la question : à quoi tient-on par-dessus tout, de nos jours ? Si c’est à nos mères, vraiment, il faudrait trouver une autre manière de leur prouver que d’écrire sur Facebook « Bonne fete a toutes les mamans, vous etes belles on vous aime ! » – pas d’accent, parce qu’on est sur son iPhone, en direct du dépanneur, en train de choisir une bouteille de mauvais mousseux, qu’on offrira généreusement à celle qui nous a offert la vie.

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