Logo

Le retour du golf, c’est un peu envoyer le virus dans la fosse de sable

À un cart du bonheur.

Par
Hugo Meunier
Publicité

Au moment où vous lirez ces lignes, des milliers de Québécois renoueront avec leur swing sur les verts de la province. Nous sommes allés visiter quelques terrains de golf mardi, à la veille de la grande réouverture, afin de témoigner des derniers préparatifs. Et si vous n’avez pas encore réservé votre départ, oubliez ça pour cette semaine!

« Le téléphone sonne depuis l’annonce (des autorités la semaine dernière ) et il ne dérougit pas depuis », constate d’emblée Michael, professionnel au Centre de golf Le Versant à Terrebonne.

La frénésie est d’ailleurs palpable sur le vaste site moins de 24h avant le premier départ, prévu à 7h30 mercredi matin. Les employés s’activent dans tous les sens, frottent des voiturettes avec un produit nettoyant, passent la balayeuse dans la boutique du pro et réparent l’asphalte abimé sur le chemin principal menant au stationnement. À l’entrée du Club house, le téléphone résonne en effet sans arrêt. La réceptionniste, entre deux appels, souligne que la gérante est très occupée et ne pourra probablement pas me parler.

Nous sommes aussi occupés madame, À INFORMER LA POPULATION.

Publicité

Cet émouvant cri du coeur en faveur du quatrième pouvoir tombe à plat. Pas grave, puisque Michael, un des professionnels du populaire club semi-privé comptant trois parcours, a gentiment pris quelques minutes pour m’expliquer comment les mordus de golf devront s’adapter à la pandémie. « Les gens reçoivent des consignes par courriel lorsqu’ils réservent et ne peuvent pas se présenter plus d’une demi-heure avant leur départ, pour éviter le flânage. On a des stations pour le lavage des mains et la nourriture servie au comptoir sera seulement pour emporter. Les employés ne touchent pas aux sacs des golfeurs non plus », énumère Michael, qui dit suivre le rigoureux protocole soumis au gouvernement par la Table de concertation de l’industrie du golf.

Des cordons jaunes guideront les gens vers la boutique, où les visiteurs pourront entrer en nombre restreint. Les joueurs devront arpenter les verts seuls à bord des voiturettes, sauf s’ils habitent sous le même toit.

Les adeptes devront aussi quitter immédiatement après leur ronde, en se privant de la gaillarde et traditionnelle poignée de main d’après match, suspendue jusqu’à nouvel ordre.

Même chose avec toutes effusions relatives à une performance notable, incluant les high five et viriles accolades après le premier et sans doute unique trou d’un coup de votre carrière.

«Je suis content que ça recommence. Le terrain de golf est l’endroit le plus safe présentement, ce n’est pas difficile de maintenir deux mètres de distance sur un trou de 500 verges.»

Publicité

Si les golfeurs ont hâte de rentrer au bercail, on peut en dire autant des employés qui semblent heureux de reprendre du service après avoir eu peur que la saison ne tombe à l’eau. « C’est sûr qu’il y a eu des craintes puisqu’on fait partie de la grande région de Montréal, mais on espérait tout le temps », admet Michael, avant de retourner se mettre à l’ouvrage.

Dans le stationnement, le golfeur Charles Dagenais est de passage pour voir s’il peut réduire le prix de son membership, puisque la saison est écourtée de quelques semaines. « Ça n’a pas marché », tranche l’enseignant du primaire, qui aurait déjà une dizaine de rondes derrière la cravate à ce moment-ci de l’année dans un monde sans pandémie. « Je suis content que ça recommence. Le terrain de golf est l’endroit le plus safe présentement, ce n’est pas difficile de maintenir deux mètres de distance sur un trou de 500 verges », illustre le golfeur fébrile, heureux de renouer avec sa passion.

Publicité

Parlant de passion, Giuseppe a tellement hâte de jouer au golf, qu’il est venu en douce pratiquer ses coups d’approche, en garant sa voiture près du vert du premier trou. « J’avais rien à faire et j’ai décidé d’aller me promener et voir l’état des terrains. C’est complet ici et à plusieurs endroits demain », raconte ce maniaque de 76 ans, qui dit jouer environ 25 rondes par saison. « J’avais hâte. Pour moi c’est le plaisir de l’été. Je ne suis pas bon, mais j’ai du fun », raconte humblement le golfeur, pendant que des bernaches chillent un peu plus loin autour de l’étang.

Publicité

Une vraie bénédiction

Ça grouille dans tous les sens aussi au Club de golf Métropolitain d’Anjou, où se déroulent des travaux d’envergure sur une portion du parcours (un seul 9 trous et le champ de pratique sont donc ouverts). Là encore, c’était un défi d’accrocher un responsable quelques minutes. « Mes carts sont tous désinfectés, j’ai installé un lavabo ici, un plexiglass là et du tape au sol pour la distanciation », énumère à toute vitesse le coordonnateur logistique et responsable des patrouilleurs et préposés aux départs Richard Dessureault, qui court sans arrêt depuis quelques jours.

Ce dernier n’a pas cru deux secondes que la saison de golf serait à l’eau. « J’ai même pas compris pourquoi des gens en doutaient », admet-il, pendant que des poids lourds font lever des nuages de poussière sur les allées en chantier.

Publicité

Sur le terrain de pratique, un enclos sur deux est condamné pour s’assurer que les golfeurs maintiennent une bonne distance entre eux. Les employés croisés portent tous des visières et devront aussi s’adapter. Louise, par exemple, troque son boulot habituel dans les salles de réception (fermées) contre une job d’entretien. « Je vais nettoyer les toilettes, veiller au lavage des mains et entretenir l’extérieur », décrit la dame à l’emploi du golf depuis 13 ans, qui avoue avoir « eu peur comme tout le monde » du virus. « Mais là, on est habitués à suivre les règles et à faire la file, on le fait au supermarché, on devrait pouvoir le faire ici », résume Louise, qui se réjouit à l’idée que les aînés de la province pourront enfin être les bienvenus quelque part. « C’est une petite clique les golfeurs, et la plupart ont plus de 60 ans. Ça leur fera un sport pour prendre l’air. Pour eux, c’est une vraie bénédiction », estime Louise.

Une bénédiction attendue en tout cas, puisque les cinq premiers jours sont déjà complets, note-t-elle.

Publicité

«J’ai jamais vu ça!»

Le point de presse de Legault passe à la radio. Tout va de mieux en mieux et la vie reprendra graduellement, nous dit en substance le PM, non sans nous recommander à nouveau fortement le port du masque. Ce retour à la normale se fait sentir sur le boulevard des Mille-Îles, en direction du Club de golf Saint-François, à Laval. Des chevaux trainent dans des pâturages, une famille pêche au bord d’une rivière, une voiture est encastrée dans un arbre ( pour vrai), des gens travaillent sur leur terrain et des pissenlits poussent abondamment un peu partout. Tout va pour le mieux.

À l’entrée du golf Saint-François, la réceptionniste en a aussi plein les bras. « J’ai de la place vendredi, mais pas avant 16h….pour trois amis, ça prend trois carts….à pied c’est 25$ après 15h….»

Dès qu’elle raccroche le combiné, le téléphone résonne à nouveau. « Ah ça arrête pas! J’ai jamais vu ça! », confie-t-elle en soupirant avant de répondre à nouveau. « Golf Saint-François bonjour…»

«J’ai un peu de la misère à ramener mon monde. J’ai beaucoup de retraités et des gens au salaire minimum qui font plus d’argent en restant chez eux », souligne M. Surprenant.

Publicité

À l’étage, le propriétaire André Surprenant explique à deux nouveaux membres le fonctionnement du club. Son téléphone à lui aussi sonne sans arrêt. En route vers un meeting avec les employés en vue de l’ouverture, il m’explique faire le nécessaire pour se conformer aux règles de la santé publique. « J’ai un peu de la misère à ramener mon monde. J’ai beaucoup de retraités et des gens au salaire minimum qui font plus d’argent en restant chez eux », souligne M. Surprenant, en poste depuis 40 ans.

Publicité

Les verts sont beaux et M. Surprenant s’estime bien heureux de revoir les golfeurs, qui le lui rendent bien. « Mes deux terrains sont bookés jusqu’à dimanche!», lance-t-il.

L’avenir nous dira si le golf connaîtra un engouement ces prochaines semaines, puisqu’il s’agit d’une des rares activités permises par les autorités, avec le tennis, l’escalade et les sports individuels.

Alors qu’importe si vous avez une slice gênante ou si vous prenez un Mulligan par trou, le simple fait de pouvoir déambuler quelques heures dans un havre de paix peuplé d’arbres et de bernaches constitue sans doute le meilleur répit contre la COVID-19.