Le restaurant dont Laurent Dagenais a toujours rêvé

Après avoir passé plusieurs années à se bâtir un public grâce à des vidéos de cuisine sans prétention et à cette énergie digne d’un chef un peu stoner, Laurent Dagenais bénéficie enfin d’un établissement où l’on peut goûter à ses plats au lieu de se contenter de les regarder.

« J’ai toujours voulu être l’auteur d’un livre de recettes et le propriétaire d’un restaurant et maintenant, j’ai les deux », dit-il.

Mais ce restaurant, ce n’est pas vraiment le show de Laurent. S’il est vrai que son nom figure tout au haut de l’affiche, c’est avant tout un effort collectif au sens le plus fort du terme. Les associés Renaud Lambert et Victor Collette, accompagnés de Peter Mant et Phil Allard, ont créé quelque chose qui va bien au-delà de la vision d’un seul homme. En cuisine, Vincent Monast (Mano Cornuto, BarBara) travaille aux côtés de Michel Normand (Hiatus) et de Pierre Morneau (Cadet, JJacques, Miracolo) pour exécuter des plats qui allient le style accessible de Laurent à une technique plus pointue.

« Il ne s’agit pas simplement de dire : “Let’s go!”, c’est un gros travail d’équipe », explique Laurent. « Je voulais qu’ils soient fiers de ce qu’ils proposent et qu’ils sentent que ce n’est pas juste moi qui dicte tout. »

La décision de s’établir sur la Rive-Sud peut faire sourciller – pourquoi pas à Montréal même? Mais Laurent et Renaud, tous deux originaires de la Rive-Sud, ont vu une occasion que d’autres ont manquée. Saint-Lambert a beau se trouver de l’autre côté du pont, l’endroit semble appartenir à un autre monde. Jeunes professionnels, médecins, avocats, courtiers immobiliers – des gens avec de l’argent qui veulent passer une belle soirée loin de l’action du centre-ville.

« Il y a déjà tellement de restaurants au centre-ville, l’espace est saturé », soulève Laurent. « Ici, les gens ont de l’argent. Ils veulent le dépenser et passer un bon moment entre amis. Et honnêtement, quand on ouvre un bon restaurant, les gens viennent. »

La stratégie a porté fruit. Les clients n’hésitent pas à faire le déplacement pour trouver ce qui n’est disponible nulle part ailleurs sur la Rive-Sud : ce parfait équilibre entre sophistication et convivialité que Montréal maîtrise mieux que quiconque.

« On comble vraiment un vide dans le marché », ajoute Renaud. « On voit beaucoup de gens de plus de 30 ans qui veulent fonder une famille, mais sont habitués aux restaurants de Montréal et souhaitent retrouver la même énergie sans devoir se rendre au centre-ville. »

En entrant chez Limousine, les détails rappelant les Rolls-Royce des années 1950 se révèlent, mais par touches subtiles seulement. IVY Studio a imaginé un espace qui suggère le luxe au lieu de l’afficher, avec ses vitres teintées, ses boiseries chaleureuses et un spectaculaire bar asymétrique de 20 places. Les banquettes de cuir beige et l’éclairage dramatique créent ce que Renaud qualifie de « vieille vibe moderne », à la fois nostalgique et résolument contemporaine.

Le nom lui-même fonctionne à plusieurs niveaux : le luxe et la célébration associés aux limousines, la proximité du parc Limousin et le bœuf limousin d’élevage français, un produit haut de gamme qui constitue le point d’ancrage du menu.

Les détails ne manquent pas : bonbons personnalisés, verres à shooter servis dans des Rolls-Royce miniatures, verrerie et couverts soigneusement choisis. « On veut s’assurer que tout le monde passe un bon moment. Là-dessus, on ne fera jamais de compromis », insiste Laurent.

« Il n’y a pas de code vestimentaire, et de toute façon, je ne sais même plus ce que signifient les étoiles Michelin. Ça n’est même pas un but pour nous – ça serait une belle surprise, mais on préfère se concentrer sur ce qui se passe dans le restaurant. »

Une attention appréciée par les clients : « Un des commentaires qu’on entend le plus souvent, c’est que l’équipe est vraiment chill », plaisante Laurent.

« Ç’a l’air d’un restaurant fancy, mais sans le côté prétentieux. »

« Tout ce qui se trouve sur le menu sont des choses que j’aime moi-même manger », dit Laurent au sujet d’un menu rassemblant du caviar, des crevettes, et des steaks servis avec du beurre de Paris. « On pourrait se lâcher et s’adonner à la cuisine moléculaire, mais, en fin de compte, les gens veulent juste déguster de bonnes crevettes. On offre des plats authentiques et goûteux préparés avec les meilleurs ingrédients qu’on peut trouver. »

C’est l’approche qui aide Limousine à se distinguer : des techniques empruntées à la cuisine française appliquées à des plats réconfortants, assemblés avec une touche moderne, sans jamais tomber dans l’excès. « C’est peut-être une voie plus prudente, mais pour nous, c’est ce en quoi on croit : du bon vin français, des classiques et une touche québécoise », détaille Laurent.

Derrière le bar, Jonathan Homier a élaboré un menu de cocktails qui ne cherche pas à en faire trop. « On propose des cocktails variés qui ont quelque chose pour tous les goûts », explique-t-il. « La simplicité et le goût, voilà la clé. On ne ressent pas le besoin de prouver qu’on peut créer des boissons extravagantes ou utiliser des techniques ultra-pointues juste pour impressionner. »

Prenez par exemple leur martini aux pommes – non, pas le cauchemar vert néon auquel vous pensez, mais plutôt une version qui capture ce qui rendait le cocktail original si attrayant. Homier utilise un cidre local et de l’argousier pour la couleur et l’acidité, puis prend la pulpe restante, la réduit en poudre et la mélange avec de l’or comestible pour apposer le logo de l’établissement sur le dessus.

Sinon, le Limousine Espresso Martini est sans doute le cocktail illustrant le mieux leur approche. « Il se situe sur cette ligne très fine : assez proche de l’original pour que les puristes l’apprécient, mais suffisamment unique pour qu’on ne le trouve qu’ici », explique Homier. « Chic et délicieux sans aucun artifice ni fioriture. »

« On voulait des cocktails simples et directs, aux saveurs délicieuses et accessibles qui frappent dès la première gorgée », souligne Homier.

La carte des vins souscrit à la même philosophie – d’inspiration française, mais accessible, reflétant encore une fois l’engagement du restaurant pour la sophistication sans prétention.

Déjà, des plans sont en branle afin d’ouvrir un café de l’autre côté de la rue, avec une terrasse où déguster des spritz et du jambon, et Laurent envisage de poursuivre son expansion à l’extérieur de Montréal.

« Mon but, c’est d’ouvrir un Limousine à SoHo d’ici deux ans », déclare-t-il. « Je veux donner à ce projet une plus grande envergure parce que je pense que notre offre est vraiment intéressante et que le monde entier a besoin de plus d’endroits pour découvrir notre cuisine et notre service. »

Mais pour l’instant, son attention demeure portée sur Saint-Lambert, question de s’assurer que chaque table soit choyée et que chaque détail soit parfait.

« Le but ultime d’un restaurant, c’est que quand on y entre, qu’on s’y sente comme chez nous. Tant de petits détails peuvent gâcher l’expérience et tant de petits détails peuvent aussi la rendre formidable », ajoute Laurent.

Chez Limousine, c’est clairement sur cette dernière option qu’on se concentre.