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Vous vous rappelez Moonraker? Un bon vieux James Bond avec Roger Moore. Des meufs en nuisette, des coiffures 70’s à mini vagues, Requin et ses dents d’acier, et un grand méchant, Drax, qui a décidé de génocider l’Humanité.
La routine, quoi.
Evidemment, James Bond stoppe Drax in extremis après une bataille épique (livrée dans le genre de station spatiale que, près de 40 après, nous n’avons toujours pas été capables de construire). Youpi. Chanson de Shirley Bassey, culbute de la James Bond girl, générique.
Pour faire simple (en même temps, c’est pas du Deleuze), dans Moonraker, le plan de Drax est de recréer une société avec des jeunes gens sélectionnés pour leur perfection (de toutes couleurs, hein, c’est un savant fou, pas un nazi).
Son constat est en effet très simple: l’Humanité, c’est raté, si on ne se fait pas péter, on détruira tout rien qu’en étant des milliards, alors repartons sur de bonne bases.
Bon, les spécimens choisis ne sont pas forcément des Prix Nobel ni même de futurs finalistes de Qui veut gagner des millions? : c’est bien simple, aucun d’entre eux ne ressemble à Patrick Modiano, même si, curieusement, l’animateur télé Georges Beller – oui, Georges Beller – joue un homme de Drax.
Non : physiquement, c’est du lourd, des playmates de Playboy et de mecs à faire bander à la fois Dolce et Gabbana, en train de se rouler des pelles en apesanteur tandis qu’une navette spatiale les mène à la station en orbite.
Et vous croyez que ce gros con de James Bond réfléchit deux secondes et demande « euuuh y’aurait pas une ‘tite place dans la soute ? ». Non. Impérialiste british de merde. Il préfère sauver la couronne. Et l’Union Européenne (mais ça, c ’est probablement involontaire).
Eh bien, croyez-moi ou non, je me rappelle très bien m’être dit, encore minot : « c’est plutôt sympa comme projet, c’est vrai que l’Humanité court à sa perte, pourquoi James Bond veut-il absolument stopper Drax ? En tout cas, ça mérite réflexion ».
Ah oui, parce que j’ai oublié un point très important : le gaz neurotoxique qui tuera tous les Humains – sauf ceux que Drax aura stockés – laissera indemne toute la faune et la flore de la planète !
Entendons-nous bien : la 1e fois que j’ai vu ce film, j’avais 10 ans, j’étais petit, gros, myope et asthmatique. Autant dire que je m’imaginais mal dans la navette en train de rouler des galoches à Miss July ’79 (et l’avenir m’a donné raison. Soupir. Enfin, si je la retrouve maintenant, j’ai peut-être mes chances). Mais je devais bien réaliser que les choses se présentaient mal pour l’avenir de la planète.
En 2014, on le sait, L’Humanité court effectivement à sa perte. Enfin, vu qu’elle est partagée entre, au Nord, des obèses, et, au Sud, des éclopés à la machette, disons qu’elle roule ou qu’elle claudique à sa perte, mais on ne va pas chipoter. Et ce n’est pas, en soi, une mauvaise chose. Seulement, nous ne partons pas tous seuls.
Chaque année, nous provoquons l’extinction « involontaire » de milliers d’espèces et nous tuons des dizaines de milliards d’animaux pour notre consommation personnelle, après les avoir longuement torturés. L’équivalent d’un stade de foot de forêt disparaît toutes les dix secondes. Et Kim Kardashian est une star planétaire.
Bon, alors ok, je suis en train de lire Faut-il manger les animaux? de Jonathan Safran Foer, et j’ai pris une grosse cuite hier soir, mais vous comprenez ce que je veux dire. Pour vous donner une idée, on commence même à bouffer les insectes en masse : l’ONU a mis au point avec l’Agrobusiness des barres protéïnées « chocolat-grillon » pour nourrir les réfugiés des camps qu’elle gère ( ça tombe bien, avec la destruction du climat, il y en aura de plus en plus).
Même en cas de guerre atomique, on ne pourra plus compter sur les cafards mutants pour rebâtir une civilisation. Et c’est con, parce qu’avec six bras, imaginez les chapelles Sixtine.
En France, où la médiocrité de nos politiciens n’a d’égal que leur logique à courte vue, la ministre de l’écologie vient d’enterrer – et même pas pour en faire du compost – l’écotaxe, le seul semblant de début d’impôt visant exclusivement la pollution des camions routiers. Argument ? Les camions qui polluent, c’est bon pour l’emploi. C’est comme de vendre des bateaux de guerre à nos futurs ennemis : c’est bon pour l’emploi.
D’ailleurs en règle générale, dès que c’est dangereux, toxique ou suicidaire, c’est bon pour l’emploi.
Curieusement, c’est ce renoncement – un de plus, pour un gouvernement un temps allié aux écologistes – qui m’a fait repenser à Moonraker. Et pas seulement parce que François Hollande a une face de lune.
Du coup, j’aimerais bien qu’une fois, juste une fois, le méchant de James Bond gagne, parce que, oui, c’est lui le réaliste.
Surtout si ce coup-ci, j’ai une place dans la navette.