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On a longtemps ri de la passion qu’entretient ma blonde pour Céline Dion. On rit moins quand on comprend où cette admiration l’a menée. À l’époque où la chanteuse a entrepris sa tournée Taking Chances, en 2008, Marie-Andrée était en pleine remise en question professionnelle, après avoir quitté un poste de directrice des communications au sein d’un organisme culturel. « Je ne savais pas ce que je voulais faire, mais je savais que ce n’était plus pour moi », explique-t-elle.
Pour se donner du courage devant ce grand saut dans le vide, elle a programmé dans son téléphone une alerte qui sonnait chaque fois que Céline Dion montait sur scène. Comme la tournée se déroulait sur cinq continents, l’alarme pouvait se déclencher à n’importe quel moment. « Ce qui m’a toujours inspirée, chez Céline, c’est sa discipline. Savoir qu’elle s’apprêtait à donner un spectacle alors que j’étais au milieu de ma nuit, ça me fouettait. »
C’est durant cette période que Marie-Andrée s’est mise sérieusement à l’écriture, et elle s’est fait remarquer par les bonnes personnes. Aujourd’hui, elle réalise chaque jour son rêve d’écrire pour la télévision et sait que c’est en partie grâce à la petite fille de Charlemagne.
BRISER SES CHAÎNES GRÂCE À SON IDOLE
Elle n’est pas la seule à avoir trouvé sa planche de salut auprès de Céline. Quand Shifra Lowen a commencé à remettre en question son appartenance à la communauté Tosh, un regroupement strict de juifs hassidiques, une amie lui a fait découvrir Céline Dion. « Elle sentait que je m’éloignais et elle voulait me convaincre de rester dans la communauté hassidique en me faisant valoir qu’il était possible pour les hassidim d’écouter de la musique populaire », se rappelle-t-elle.
« Je ne connaissais pas du tout Céline Dion et j’ai tout de suite été happée par sa voix. » — Shifra Lowen
À l’époque, la chanteuse venait de lancer l’album Miracle, sur ce « miracle » qu’était René-Charles, et pour les femmes de la communauté hassidique, ça la rendait acceptable. « Ça envoyait le message que le fait d’être mère était plus important que la gloire et l’argent », explique Shifra. Mais pour cette jeune maman, ç’a eu l’effet contraire. « Ça me donnait une vision claire de ce que je voulais pour mes enfants », dit-elle.
Dès le moment où Shifra et son mari ont décidé de s’affranchir de cette communauté, leur parcours a été parsemé d’embûches. Mais chaque fois qu’elle écoutait la chanson Miracle, sa motivation principale lui revenait à l’esprit : donner à ses enfants l’enfance qu’ils méritent. Lors de la dernière tournée de Céline, en 2016, Shifra a eu la chance de rencontrer son idole grâce à l’intervention de la journaliste Émilie Dubreuil, qui a documenté l’émancipation des Lowen dans son documentaire Je veux savoir. Touchée par l’histoire de Shifra, Céline a accepté de la rencontrer. « Je savais que j’allais tout oublier en la voyant, alors je lui ai écrit une carte dans laquelle je lui expliquais comment son album m’avait donné du courage », se souvient Shifra. La rencontre n’a duré que quelques minutes, mais elle a permis à Shifra de faire la paix avec son parcours.
BRISER SES CHAÎNES (BIS)
Dans les années 1990, le groupe Les Colocs a aussi joué un rôle déclencheur dans la vie de Valérie, une fan inconditionnelle de la formation de « Dédé » Fortin. « J’étais dans une relation toxique et mon chum était jaloux de tout ce que je faisais, mais rien n’aurait pu m’empêcher d’aller voir un spectacle des Colocs », explique-t-elle. Chaque fois, ça créait un conflit au sein de son couple. Mais l’envie de communier avec ses idoles était plus forte que tout.
« Je pense que ça m’a fait réaliser que j’étais dans quelque chose de malsain. » — Catherine
Évidemment, le coup a été dur à encaisser pour Valérie lorsque André Fortin s’est enlevé la vie en l’an 2000. « Je peux te dire que c’est arrivé le 8 mai. C’est gravé dans ma mémoire, et il n’y a pas une année où je n’y pense pas. Ça demeure toujours fragile », dit-elle.
LE REVERS DE NOS IDOLES
À peu près à la même époque, Catherine s’est aussi sentie fragilisée par sa passion pour la chanteuse américaine Jewel. « Avant de connaître Jewel, j’ai voulu quitter ce monde à plusieurs occasions. J’étais différente, j’étais lesbienne et je me sentais seule », raconte-t-elle. Elle poursuit : « Quand Jewel est entrée dans ma vie, à 12 ans, je me suis enfin sentie comprise. Je n’avais qu’à écouter sa musique, lire ses paroles ou regarder des photos d’elle et j’étais sauvée.»
Mais rapidement, cette admiration s’est transformée en une obsession qui l’empêchait de fonctionner.
« Je m’inventais des scénarios dans lesquels elle apparaissait, je ne pouvais m’empêcher de penser à elle. » – Catherine
Catherine a dû mettre les CD de la chanteuse au rancart quelques années avant de pouvoir les réécouter. « Quand j’entends Jewel aujourd’hui, ça m’apaise encore, mais ça me rappelle aussi à quel point j’étais perdue », explique-t-elle.
Si on peut comparer les fans aux adeptes d’une religion, le fanatisme porte peut-être bien son nom lorsqu’il pousse ainsi l’humain dans ses derniers retranchements.