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EUn ami est revenu traumatisé d’une fête la semaine dernière. Ce qu’on lui a versé n’était pas de l’alcool, mais un produit chimique qu’il a recraché rapidement, lui brûlant la bouche.
n panique, il me montre le contenu de sa vieille bouteille de boisson énergisante convertie en gobelet. « Sent ça », me dit-il. Rien à dire, la chose est définitivement toxique.
En faisant une petite enquête, j’ai réalisé que la zone où nous nous trouvons est réputée pour ses empoisonnements. Certaines régions haïtiennes sont réputées pour leurs usages de la machette et d’autres de la bouteille cassée. Chez moi, c’est le poison.
Comme le système de justice haïtien est extrêmement déficient, c’est souvent la population qui prend elle-même les choses en main. Il y a quelques années, un voleur que j’ai croisé sur la route de Delmas, en banlieue de la capitale, a été rué de coups. Son corps ensanglanté gisait à terre, presque mort. Il avait tenté de voler une marchande, m’a-t-on dit, mais des gens l’avaient surpris et la clameur ambiante a mené à ce lynchage public en bonne et due forme.
Il y a 10 jours, c’était un jeune brigand, associé à certains gangs criminels de Cité Soleil, qui a été assassiné par une foule en colère devant la montée des assassinats et de l’insécurité qu’il engendrait.
Évidemment, ces morts ou blessés ne sont pas toujours le fait de gens épris de justice. Peut-être pas plus nombreux qu’à Montréal, les gens mal intentionnés profitent tout de même des lacunes de la justice. Même si le taux de meurtre par habitant est l’un des plus bas des Caraïbes, les meurtres non résolus sont très nombreux en Haïti.
Ainsi, l’empoisonnement est un meurtre plus subtil et caché. En déterminer ses auteurs demeure toujours difficile. Malgré cela, une femme de ma région aurait été arrêtée il y a quelques semaines par la police suite à un empoisonnement raté. La victime aurait porté plainte.
Un empoisonnement se fait généralement par la concoction d’une poudre à la recette complexe. Elle peut être simplement déposée dans un endroit que la victime fréquente ou encore mélangée à un liquide qui sera bu.
C’est par empoisonnement, par exemple, que l’on transforme quelqu’un en zombie. L’ethnobotaniste de Vancouver Wade Davis a écrit en 1985 le fruit de ses recherches sur la question dans un livre polémique devenu best-seller, The Serpent and the Rainbow. Il y affirme que la potion qui permet de rendre une personne amorphe et docile est produite à base de poudre de crapeau-marin, de grenouille osteopilus dominicensis, endémique à l’Île (photo du haut), et de fugu, le fameux poisson-globe vénéneux aussi cuisiné au Japon par certains chefs.
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Le liquide dans la bouteille de mon ami s’est révélé être de l’eau de Javel. La simplicité du produit a posé les premiers doutes sur les intentions malhonnêtes derrière le geste de lui en avoir servi un verre.
Après avoir posé quelques questions aux organisateurs de la fête, un gallon de Javel avait été entreposé, à l’insu de ceux-ci, dans le dépôt où se trouvait l’alcool. Et comme les différents liquides sont souvent achetés en gros, les gallons de plastique sont tous similaires.
Ce cas-ci n’était peut-être qu’une simple erreur, mais la frousse a été bien réelle. Je sais maintenant à quoi m’en tenir.