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Le petit miracle des cils
Et quand je migraine, parce que je suis une personne unique et si différente, je deviens dangereusement sensible à tout. Sensible de catégorie «Tites dents». Certains diront que c’est impossible, puisque le jarret me plie déjà à la simple vue d’un chien chaussé de bottillons, glandes lacrymales aux toasts. J’ai certes la faiblesse facile.
Disons simplement que quand la migraine me prend, je fragilise du feeling, avec un petit quelque chose de «perdu» dans le regard. L’œil se croise et je me concentre sur des affaires qui, d’habitude, ne m’appâtent pas plus qu’il faut.
Et c’est, je crois, la raison pour laquelle je me suis, pour une rare fois, laissée aspirer par un commercial s’adressant aux fèèèèèmmes.
J’en suis pourtant une (J’AI VÉRIFIÉ).
J’incarne d’ailleurs le sujet idéal pour toute opération marketing traitant de bonbons, de poupées, de princesses, de poneys et de confettis. Mais allez savoir pourquoi, les pubs de maquillage et de rince-crème m’ont toujours indifférée.
Mon cerveau se met à off. Je n’écoute plus. Comme lorsqu’on m’annonce qu’on a ajouté une 26e lame au rasoir de ce pilote automobile qui songe à abandonner sa carrière pour se trimer de près 24/7.
C’est même pas volontaire. Quand la pub part et qu’une Amazone se fait aller les sourcils en ma direction, ma concentration passe de «furieusement alerte» à celle d’un crassula.
J’aime le blush, je ne m’en cache pas. Je le célèbre souvent, même. Mais quand tu m’en parles, une musique d’ascenseur se met doucement à résonner dans mon cortex cérébral, comme lorsque je demande à mon caniche de grain de donner la patte: six années de résistance et de regard torve (and counting).
Toujours est-t-il qu’hier, j’ai vécu une véritable épiphanie en attendant que mes advils fassent effet: en 2014, il est ma foi possible d’arborer DE TRÈS LONGS CILS.
Des tabarli de longs cils. C’en est épeurant.
En quelques minutes de zapping, j’ai, globes oculaires sortis de leur orbite et pour la toute première fois, porté attention au message communiqué dans trois pubs de mascara. C’est assez saisissant, merci.
En gros, la petite brosse noire designée en demi-lune qui te fait un clin d’œil – parce qu’ils ont ENFIN trouvé, chaque fois, la forme de brosse qui va tellement te révolutionner l’existence que tu vas en changer ton nom su’l baptistaire. La tuberculose du petit Jimmy attendra; on a une nouvelle brosse à mascara à crafter – transformera tes cils en papillons, en bernache, en buissons ardents (y’avait même une pub avec des faisceaux de lumière de magie noire mettant en vedette une Emma Stone un peu écartée. Un bijou), ainsi qu’en poils télescopiques de huit mètres si fiers, si érectiles qu’ils annonceront ton arrivée dans la chambre à coucher une bonne demi-heure avant ton décolleté.
« Voluminousse allonge vos cils jusqu’à 80% ».
« Des cils 12 fois plus épais ». Ce qui ne laisse pas grand-place pour le reste du visage, mais c’est pas important.
Et mon favori: « 24 heures de volume intense ».
VINGT-QUATRE HEURES DE VOLUME.
Voilà qui est rassurant; que j’assiste à un meeting au sommet, que je dompe ou que je sacre le camp sur une plaque de glace avant de sombrer dans un profond coma dont seule Isabel Richer pourra me sortir, je suis assurée de le faire en toute dignité grâce au galbe de ces cils conçus pour survivre à la peste noire. They just won’t quit.
Soyons formels: ces cils survivront à mon squelette dans le cercueil.
Des cils tellement longs, TELLEMENT RÉVOLUTIONNAIRES que t’as beau t’endormir sur le côté, chaque matin, tu te réveilles empalée dans la mousse mémoire. Mais si volumisée. Si offerte à la vie. SI FEMME.
Je constate peut-être ce que vous avez tous remarqué depuis belle lurette, mais je trouve ça beau, la façon dont on s’adresse au bon peuple. Cette bonne pâte.
Ces animations de lasers. Tous ces regards divinement ahuris, satisfaits et gainés. Des femmes muettes, mais qui savent se faire aller la paupière, tasse-toi de d’là. C’est plein de promesses pis de nuance.
Je suis désormais impatiente de voir ce que le prochain mascara me réservera. Un mètre supplémentaire? Une barouette pour me traîner l’envergure? DES CILS «AVEC AILES» QUI ME FERONT LE TOUR DE LA TÊTE (et qui repasseront mes linges à vaisselle).
J’ignore encore comment est-ce que je vais faire pour gérer tous ces cils-là, mais je sais que le commercial n’en sera que plus instructif.
La bise.