.jpg)
Le Parti marxiste-léniniste du Québec, la reine et le combat électoral
« Merci »?
Ai-je la berlue ou est-ce réellement un pochoir de la reine Élisabeth II avec un remerciement sous son visage. Je m’arrête, observe les sourcils froncés, entraînant au passage d’autres regards vers le graffiti tout frais. Si je comprends bien, un vandale aurait pris la peine de grimper un commerce abandonné pour offrir à l’angle Saint-Laurent et Sainte-Catherine cet hommage mortuaire.
.jpg)
Je poursuis ma route, désemparé. Comme plusieurs, je n’ai jamais compris l’attrait de la famille royale. Tout le contraire en fait. Qui sait, peut-être qu’au quartier général du Parti marxiste-léniniste du Québec, je trouverai soulagement à ma confusion.
« C’est un symbole archaïque, médiéval, honteux! », s’écrit leur chef.
Bon. Après réflexion, ce n’était peut-être pas l’endroit de prédilection pour trouver des avocats à la souveraine britannique.
«Il faut promouvoir une non-succession de la monarchie au pays. Le Canada est encore appelé un royaume. Ce n’est pas une gloire.»
Dans cet ancien petit resto situé au cœur de Centre-Sud, Pierre Chénier ne mâche pas ses mots envers Sa Majesté. « Il faut promouvoir une non-succession de la monarchie au pays. Le Canada est encore appelé un royaume. Ce n’est pas une gloire. »
En effet.
.jpg)
« Vite, vite, il faut que Charles III soit couronné, poursuit-il avec ironie. Avons-nous besoin d’un autre symbole qui ne représente pas le monde d’aujourd’hui? L’état d’esprit n’est plus là. Le système est fini. Chaque époque a son progrès. Avançons vers un système politique qui va donner le pouvoir décisionnel aux gens. La monarchie n’a jamais fait ça. »
.jpg)
Évidemment, je ne suis pas venu pour parler de l’impératrice et du férié canadien de lundi prochain, mais plutôt pour prendre le pouls de ce petit parti d’extrême gauche qui a traversé de nombreuses campagnes électorales depuis sa naissance à Montréal en 1973. La formation militante propose cet automne une douzaine de candidat.e.s.
Chef des marxistes-léninistes depuis 2007, Pierre Chénier m’offre une tasse de café après une visite des lieux. Natif d’une famille d’imprimeurs de l’est du Plateau, il a poursuivi la profession familiale pendant près de 25 ans avant de se tourner vers le journalisme.
Pour les non-initié.e.s à cette branche de l’idéologie communiste, le discours du candidat de Marie-Victorin et du parti qu’il préside est habité par la conviction que le citoyen-travailleur doit prendre en main sa destinée politique. Le grand thème de leur programme est d’investir le peuple du pouvoir de décider.
Une prise de position qui se fait des plus urgentes d’après mon interlocuteur. « Si tu regardes le monde à l’heure actuelle, les pouvoirs de production sont hors de contrôle et en résulte une impression d’impuissance et l’absence totale de pouvoir décisionnel sur notre avenir. »
.jpg)
« Ne pas se reconnaître dans les institutions, c’est politique! s’exclame-t-il. Nos dirigeants se permettent de dire que l’heure est apathique. Mais les espaces de négociation aux travailleurs ont été liquidés. La volonté politique du peuple n’existe plus! La pénurie de main-d’œuvre est le symptôme d’un système malade. »
Des phrases chocs qu’il saupoudre ici et là sur son argumentaire érudit : « Où est-ce qu’on s’en va? », « On a un problème! », « Tout va s’aggraver », faisant de lui un orateur captivant.
«La pénurie de main-d’œuvre est le symptôme d’un système malade.»
Le militant sérieux au sourire facile n’est pas tendre envers les principaux partis et croit peu aux débouchées sociales de cette élection. « Élisez-moi et je vais changer ça, ça et ça! », fredonnent selon lui, les cinq partis sans toutefois proposer de solutions concrètes à la réalité ouvrière d’aujourd’hui.
.jpg)
Notre conversation va des changements climatiques aux pouvoirs institutionnels, aux droits des travailleurs et travailleuses, à l’échec du système de santé, de Rouyn à la crise du logement. Des sujets loin des thèses maoïstes et du cliché de la haine des riches.
«Notre mission est de développer la voix indépendante des travailleurs et travailleuses. Je ne vois pas d’autres moyens de faire de la politique»
Être « M-L », c’est voir le travailleur comme un être pensant. « Notre mission est de développer la voix indépendante des travailleurs et travailleuses. Je ne vois pas d’autres moyens de faire de la politique », mentionne celui qui se considère comme un activiste-ouvrier. « Je viens d’une famille modeste qui travaillait extrêmement fort. J’espère que j’ai hérité de ces valeurs-là. »
Ce féru de musique classique précise qu’il nous faut une lumière, un espace de possibilité. « Nous luttons pour une édification nouvelle contrôlée par le peuple lui-même. Un réel renouveau démocratique et cette bataille, on va la gagner. J’ai cette prétention-là. »
.jpg)
La diffusion des idées du parti passe essentiellement à travers un site web et des cyber-conférences où membres et travailleur.euse.s s’échangent la prise de parole. « Nous sommes un petit parti, mais un parti d’unité d’action très actif, et ce, même si pour les médias, nous n’existons pas. On veut avoir plus de votes, mais qu’est-ce que tu veux faire quand tu es boycotté par l’establishement? », admet le chef du parti ayant cumulé 1 700 votes au dernier scrutin de 2018.
.jpg)
Pierre Chénier ne se fait pas d’illusion : la lutte continuera après le 3 octobre pour les marxistes-léninistes. Ce qu’il voit l’inquiète beaucoup, mais de son propre aveu, il y a aussi de l’espoir en ce qui grandit, comme les nouveaux liens avec les travailleurs et travailleuses, les jeunes et les Premières Nations du Québec.
«On veut avoir plus de votes, mais qu’est-ce que tu veux faire quand tu es boycotté par l’establishement?»
Pour le chef que je quitte d’une chaleureuse poignée de main et des tracts plein les poches, l’esprit rouge incarne ce qui fait bouger l’édifice et surtout, qu’une alternative est possible en dehors du sempiternel « God Save the Queen ».
Voilà, une vraie pensée souveraine.
Merci.