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Le monde selon J : Oui, je double-dippe

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Bien que l’on soit en pleine tempête électorale, j’ai envie de prendre quelques minutes de votre précieux temps pour vous parler d’un enjeu important qui, à mon humble avis, n’est jamais assez soulevé. La peur du double-dipping.

Depuis ma tendre enfance, je double-dippe toutes mes affaires. Dans ma vie, je n’avais jamais ressenti que je faisais quelque chose d’antihygiénique en double-dippant, jusqu’à ce qu’à ce qu’une amie dont je tairai le nom me juge sévèrement du regard après avoir retrempé mon céleri dans sa sauce ranch à crudités Renée’s.

Sur le moment, je me suis senti honteux, sale et autant gêné que si j’avais fait un pet-sauce dans des pantalons blancs sur le tapis rouge des Jutra. Le torrent émotionnel passé, je me suis parlé et je me suis demandé pourquoi je double-dippais, si c’était correct et surtout pourquoi j’aimais tant le faire.

La responsabilité de l’hôte.
Suis-je le seul à croire que si on offre à quelqu’un des crudités avec une trempette, pas de cuillère et pas d’assiette, on devrait assumer que la personne va double-dipper? Je suis aussi de ceux qui croient que si tu offres à partager un bol de tortillas avec fondue au fromage chaude, tu dois assumer pleinement que tu mangeras aussi un peu de jus de bave de tes chums de gars.

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J’estime par le fait-même que la gestion du double-dipping repose, en fait, sur celui qui offre le plat.

Il est donc de son devoir de constater :

1- Si la personne a des ongles de fumeurs jaunis qui ont l’air de sentir ET goûter le fond de cendrier d’une vieille Tempo 1993.

2- Si le tour de babines de l’individu démontre une trace de feu sauvage de l’amour et/ou de coins blancs.

3- Si la personne se ronge les ongles frénétiquement, ce qui inclut donc une possibilité éminente de salive à l’ail séchée.

C’est aussi sa job de faire une joke avant de servir le plat afin que les invités rient à pleines dents. Pourquoi? Afin d’analyser d’un regard rapide et efficace le niveau de tartre de ses convives et voir si on accepte ou pas le double-dipping au sein du groupe.

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J’aime croire que le double-dippeux est assez conscient de la qualité de sa propre hygiène pour ne pas retremper, dans le cas où celle-ci ne passerait pas le test. Mais comme ma mère germo-freak m’a déjà dit:

Rappelle-toi quand tu visitais des logis à quel point le monde était cochon pis qu’on aurait pas dit ça en jasant avec.

On ne prend donc pas de chance et on applique rigoureusement les étapes de vérification hygiéniques précédemment mentionnées.

Le choix de la trempette, un choix décisif.

Je pense aussi qu’un type de trempette spécifique appelle au double-dipping.
Je m’explique.

Si tu offres une trempette de consistance assez liquide à tes invités, tu dois t’attendre au double-dip car la personne ne mettra pas une cuillère de la trempette en question dans son assiette de party en plastique pour que celle-ci, deux secondes plus tard, coule et s’étende dans l’assiette, mouillant et imbibant par le fait même la sandwich aux œufs et les chips au vinaigre.

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La personne va simplement prendre sa chips de maïs, la tremper et se déguédiner à la manger pour pas que ça coule. Tout cela, en s’étirant le cou et la bouche vers le bol, façon « jeune veau qui tète un pis ».

Si ta trempette est de consistance moyenne ou demi-ferme, il est fort probable que la personne décide d’en mettre un peu dans son assiette pour se donner un break d’aller-retour vers le bol à trempette. Les double-dippeux professionnels comme moi raffolent de ce type de texture car on peut tremper ses crudités/chips/bout de sandwich dans ladite trempette à même notre assiette, en toute quiétude et sans avoir l’air du pauvre dans un buffet de salle paroissiale qui passe son temps à se lever pour aller se bourrer avant que ça se vide.

Envoyez un message clair.
Je suis aussi d’avis que c’est dans la cour de l’hôte de lancer un message clair à ses invités du type :

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Je m’excuse, j’ai juste une grosse cuillère à soupe pour prendre la trempette. Je sais que ca fait gourmand pis pas de classe, mais vous allez pouvoir en mettre plus dans votre assiette au lieu de passer votre temps à vous lever pour dipper.

Il me semble qu’avec un message si peu subtil, un individu à l’intelligence moyenne devrait comprendre le sous-texte. Je vous entends déjà me dire :

Oui mais Jordan … quand c’est un buffet, on fait quoi ?

Dans le cas d’un buffet, le dippeux doit s’abstenir de tout double-dipping. C’est une règle sociale élémentaire. Un buffet implique une multitude d’inconnus à l’hygiène buccodentaire incertaine et, collectivement, on ne peut pas accepter que tous les fluides de ce beau monde-là se mélangent dans le même aspic aux crevettes.


Mais pourquoi est-ce que je double-dip alors, puisque c’est si compliqué?

Je pense que le double-dipping a quelque chose d’inclusif, de rassurant de « one of the boys ». Quand je double-dippe et que je vois les autres double-dippers heureux d’avoir de la trempette plein la yeule , insouciants des haleines des autres, je me sens comme lorsqu’on se passait un joint au secondaire, cools, beaux et unis. D’ailleurs, on n’a jamais rushé plus jeunes quand on se partageait une poutine du Mcdo avec la même fourchette à 3 heures du matin ou bien quand on tétait le même restant de butch, pognés en tapon dans l’abribus, les bras recroquevillés et les mains rentrées dans nos manches de manteaux d’hiver car on se la gelait trop…

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Qui ne se souvient pas aussi d’avoir tant aimé double-dipper avec ses ti-namis de la ruelle, nos bâtons de bonbon dans la poudre surette des sachets à 50 cennes du dépanneur du coin. Preuve irréfutable comme quoi où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir.

Vous voyez bien que la phobie du double-dipping, c’est une peur d’adulte, une peur de bourg’, une peur qui me rend triste et nostalgique, car moi je crois encore qu’ensemble, même dans nos restants de bave, on peut s’unir et être heureux.

J.

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