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Ouin. J’ai choké. J’étais supposé, rempli de bonnes intentions comme un témoin de Jéhovah en bleu marin qui sonne chez vous à 8h15 un samedi matin, aller à mon premier cours d’initiation au yoga.
Tsé le genre de cours de débutants rempli de grosses, de non-flexibles, de 450 nouvellement platoyens ou de faux hipsters comme moi, pour qui l’idée de se promener avec un tapis de yoga roulé sur l’épaule fait de soi un citoyen du monde, un esprit sain dans un corps sain, quelqu’un qui connecte avec son mantra. Namasté.
Pourquoi j’ai choké, en 5 points-clés :
1- Mon cul déborde généreusement de chaque bord du tapis. Je rush ma vie. Le yoga, c’est une affaire de maigres.
2- Après avoir viré une brosse la veille, dans un loft party des entrepôts Beaumont, mangé une poutine au smoked meat du Main pis m’avoir passé un wellé à 5h15 AM semi-mou parce que trop torché, j’ai décidé de me recoucher.
3- Je me sens coupable de ne pas en faire, avant même d’avoir commencé à essayer d’en faire. Ça part mal. Cela me confirme donc que le yoga, c’est comme les filles du bureau qui mangent paléo ou qui font une diète sans gluten. Elles ont ce don naturel pour te rappeler de façon si joviale et insidieuse que ton lunch, avec ton Pepsi régulier, ton petit suisse emballé pis ton mets congelé Michelina’s, bin c’est un lunch de marde.
4- Je déteste me la cuire, surtout de la raie. C’est une bonne raison, je trouve.
(Je rêve pourtant paradoxalement de pouvoir me la jouer sur St-Laurent en sortant du Moksha Yoga, le front humide d’avoir sué ma vie dans un local chauffé à 38 degrés par LG2 qui roule 24 sur 24. Ce n’était qu’un rêve, disait Céline.)
Je voudrais tellement pouvoir mettre mon cadran deux heures plus tôt pour aller faire du twister chez Lyne St-Roch, ou sinon, après mon 9 à 5 de bureau, mais la vie semble en décider autrement, préférant téter un chai latté au Starbucks en perdant mon temps sur Grindr ou en lisant un essai de Nancy Huston, ô combien stimulant intellectuellement, pour mon club de lecture mensuel. La vie est faite de choix difficiles, me direz-vous.
Nul besoin aussi de vous mentionner que je me considère une mauvaise personne d’avoir failli à ma prise de conscience que de fusionner avec mon corps sur un tapis de caoutchouc naturel antibactérien (c’est écrit ça sur l’emballage). C’est cela la vraie vie.
C’est fascinant à quel point l’humain nord-américain moyen adore se culpabiliser comme je le fais pour tout et rien, et semble être un adepte de l’auto-flagellation:
« Je devrais pas boire du lait de vache, je devrais donc aller au gym, trois cafés par jour c’est beaucoup trop, prends la salade au lieu des frites, mange pas de P, coupe le gluten, achète des œufs bio à 42,99$ la douzaine car c’est beaucoup mieux et blablabla et blablabla ». Honnêtement si on y pense bien, on ressemble vraiment au dung beetle qui roule son caca en grosse boule, la traîne partout avec lui comme un fardeau et ne peut s’en séparer sinon il meurt. (Merci National Geographic pour l’analogie boiteuse.)
5 janvier 2014 et le dit tapis acheté au Winners de la Place Montréal Trust trône encore dans le coin de ma porte d’entrée. Il me reluque, me juge et veut me punir de le laisser périr seul. Incapable de me résigner à le sacrer aux vidanges ou à simplement le cacher dans le garde-robe, je le laisse me torturer. C’est assurément une relation amour-haine et j’en déduis que finalement, je dois être comme la cochonne de Fifty Shades of Grey et son sado-masochisme à deux balles. J’aime ça me sentir comme de la marde et rouler mon caca à longueur de journée.