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Je t’aime ma chum

Par
Jordan Dupuis
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Cet après-midi, je suis allé au salon funéraire. J’appréhendais beaucoup cette journée, n’y étant allé qu’une seule fois. Je suis chanceux, je touche du bois.

Étant le roi du malaise et ne sachant jamais quoi dire dans une situation de décès, j’ai mis mon angoisse de côté pour aller dire un vrai adieu à la mère de ma chum, mais aussi pour la soutenir, lui démontrer mon amour et honorer tout le courage qu’elle a eu en accompagnant sa maman l’autre bord du pont, dans le 450 de l’au-delà. Il se peut qu’aujourd’hui vous ne riez point en lisant ce texte et c’est bin correct. Je veux vous parler d’amour, de vie, de tristesse et de joie mais aussi de courage.

On le savait depuis un bout, D avait le cancer des poumons. Grimée comme pas une pour aller en chimio, c’est avec l’attitude de Céline sur les Plaines qu’elle allait religieusement à l’hôpital pour ses traitements, pour attendre le pire.

Attendre le pire à l’hôpital, ça doit être justement la pire angoisse en ville, après peut-être celle d’attendre à l’urgence avec un morceau de saucisse hot-dog perdu dans le fond de l’entrejambe après avoir fait sa cochonne un soir de beuverie, mais bon, je m’égare comme d’habitude. Courageuse et combattante, D savait pourtant qu’elle était condamnée. Malgré les hauts et les bas de la maladie, elle est demeurée positive, sereine, fière et droite. D, tu es assurément la Tomb Raider des cancéreuses.

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Ma chum M fut présente jusque dans les derniers moments de sa maman, la trimbalant en limousine pour aller souper, rigolant avec la perruque de Normand Lester prêtée par la Fondation canadienne du cancer, magasinant du nouveau linge avec elle comme si elle avait un « catwalk » le lendemain, mais surtout en apprenant à l’aimer telle qu’elle était, imparfaite et complexe, mais ô combien plus près d’elle qu’elle ne le soupçonnait, découvrant un peu plus chaque jour qu’elle est identique à sa mère sur pleins d’aspects, qu’elle le veuille ou non. Dieu sait que l’on ne veut pour rien au monde ressembler à ses parents lorsqu’on est ado, lorsqu’on croit qu’on fera mieux qu’eux, lorsqu’on pense que l’on a tout compris et qu’eux non, mais force est de constater que la pomme ne tombe jamais bien loin de l’arbre et qu’on n’est pas atterri ici dans un chou tel que veut nous faire croire la légende ridicule.

Je t’ai observé jongler entre ton boulot en intervention sociale, ta maman malade, ton amoureux et tes amis et j’ai appris beaucoup. J’ai appris que tu es une battante, tout comme elle et qu’avec toi, je serai en sécurité peu importe où on ira sur la planète lors de nos prochains voyages. Passant du fou rire aux larmes suite à sa mort, c’est avec le plus grand sens de l’humour que tu m’as raconté que la nutritionniste de l’hôpital est entrée dans la chambre, vous, tous assis autour du corps et pleurant à chaudes larmes et elle, vous demandant le plus sérieusement du monde si votre mère avait besoin d’aide pour manger… J’ai récemment fait un texte sur les pires malaises et celui-ci est, à mon avis, de loin le plus grand. Tu as su bien évidemment en rire, tout comme l’arnaque de l’urne à 600 piasses, car tu es comme ca, tu ris pour dédramatiser, tu ris pour mieux te battre, tu ris car tu aimes à la vie, tu ris toujours et c’est ce que j’aime de toi.

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Évidemment, c’est dans des moments comme celui-ci que l’on repense à notre vie, à ceux qu’on aime, ceux qu’on devrait aimer plus, ceux qu’on a trop passé de temps à pas aimer, ceux avec qui on veut faire la paix, ceux qui souffrent plus que nous, ceux qui souffrent moins, la liste est longue de questionnements, de remords et de tourments. Je pense à ma grand-mère que j’aime tant, qui se bat elle aussi comme un Ninja Turtle contre la fatalité, hospitalisée pour un cancer du cerveau. Je pense aussi à ma mère, la femme de ma vie, celle à qui je dois tout : à la simple idée de la perdre, je rush déjà ma vie.

D et M, vous me donnez envie de vivre pour vrai, de croquer dans la vie comme l’expression quétaine le dit si bien, de prendre le taureau par les cornes et de me « garocher » dans le bonheur comme jamais. Faites que ce goût de vainqueur que j’ai en ce moment dans la bouche perdure demain matin, que je cesse de me plaindre officiellement et que je réalise enfin mes rêves comme le petit Jérémy a su le faire.

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Merci pour ce moment au salon funéraire, qui était si beau, lumineux, oui plein de tristesse, mais aussi plein d’amour et de promesses. Je termine en te demandant pardon d’avoir eu pendant la cérémonie, des pensées grivoises pour le gars inconnu en face de moi qui se trouvait en fait à être le fils de ton frère, donc ton neveu de 22 ans. T’aurais dû me briefer en bonne et due forme sur ça, tu sais comment je suis, le roi des malaises.

Je t’aime ma chum.