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Lorsqu’on parle de fraternités, notre premier réflexe, c’est de penser à des Américains, riches, dans un gros manoir, qui jouent au bière pong avec des gobelets rouges et qui portent des cardigans noirs.
Ce texte est extrait du Spécial ÉTUDIANTS, en kiosque dès maintenant ou disponible en version PDF sur la Boutique Urbania
Pourtant, le phénomène est loin d’être réservé à nos voisins du Sud, puisque Montréal compte près d’une vingtaine de frat houses sur son territoire. Urbania a poussé les portes de la plus grande fraternité francophone au monde pour faire la lumière sur leur énigmatique univers.
Quand j’ai affiché « Jeune fille cherche fraternité » sur mon profil Facebook, tous mes amis étaient catégoriques : « Ça existe pas, ça, ici. » Pendant des semaines, j’ai donc cherché désespérément une aiguille dans une botte de foin, dans l’espoir d’être la première journaliste au Québec à les infiltrer.
Les avais-je hallucinées, ces fraternités montréalaises? Puis un jour, comme ça, j’ai reçu des nouvelles d’un certain Grégory, «Gentleman of Sigma Thêta Pi» qui m’invitait à venir visiter leur fameuse frat house de sa fraternité, la plus importante destinée aux francophones au monde. Après s’être assuré que mes intentions étaient pures et que je ne m’amuserais pas à écrire un autre article de fraternity bashing, il m’a donné rendez-vous jeudi, 13 h, pour une visite privée.
Dès lors, je me voyais entrer de la baraque de Westmount des Sigma Thêta Pi, avec un grillage à l’entrée, de grosses moulures, des sofas Chesterfield et un valet qui s’appelle Alfred. Je m’imaginais y rencontrer l’éventuel PDG d’Hydro-Québec, le prochain président américain ou, encore mieux, mon prochain médecin de famille.
7330, rue Saint-Denis
Ironiquement, la fraternité de Sigma Thêta Pi n’était pas située pas sur The Boulevard. Elle se trouvait plutôt dans Villeray. Rue Saint-Denis. Juste à côté de chez moi. Au moment de sonner, j’avoue, même si j’étais en territoire connu, j’ai eu un peu la chienne. Et si, derrière la porte, se cachait un troupeau de gars en chaleur portant des pantalons mous et attendant juste qu’une fille pénètre dans leur antre pour la pén…?
De toute évidence, j’avais écouté trop de porno.
C’est Grégory qui m’a ouvert la porte, élégant dans son chic veston noir. Ses confrères Jérôme, Yan et Jonathan (trois beaux gars dans la jeune vingtaine avec un style plus relaxe, en jeans et en t-shirt) le suivaient de près. Après m’avoir accueillie en me donnant deux becs sur les joues, ils m’ont invitée à les suivre pour un petit tour guidé.
Premier constat : leur frat house ressemblait à n’importe quel appart normal d’étudiants en colocation. On pouvait y admirer des murs verts, des murs jaunes et un bel éventail de meubles dépareillés. Il y avait aussi un bon espace de rangement pour le stock de bières et une douche pas rapport dans la chambre de Yan. En tout, l’appartement comptait six chambres, pouvant accueillir six gars (ou plus, si affinités).
– Je pensais que tous les membres de la fraternité habitaient ensemble… vous êtes pas juste six, hein?
– Non, en tout, on est 42, mais il y a seulement quelques membres qui vivent ici, dit Jonathan.
– La frat house, c’est un peu comme la maison des parents dans une famille. C’est ici qu’on se regroupe et qu’on tient nos réunions exécutives, dit Jérôme. Mais tous les membres peuvent passer quand ils veulent.
La pièce maîtresse de l’appartement se trouvait au sous-sol. On y trouvait un immense bar capitonné, quelques sofas et un fumoir. Ici, chaque pied carré transpirait le party.
– On a pas mal cherché avant de trouver un appartement qui nous représentait bien, dit Jonathan. Faut dire qu’on cherchait un endroit assez grand pour organiser nos mixers avec les filles des sororités.
– Ça sonne comme du chinois. C’est quoi une sororité? C’est quoi un mixer?
– Une sororité, c’est une fraternité de filles, et un mixer, c’est le nom des soirées qu’on organise avec elles pour apprendre à les connaître. Ce sont surtout des vins et fromages.
– Ce sont des soirées de dating, donc?
– Il y a pas mal de couples qui se forment, ouais…
– … mais c’est pas ça l’objectif, dit Jérôme. Le but, c’est de rencontrer des gens sans arrière-pensée. Pendant les mixers, il faut parler et apprendre à connaître TOUTES les filles. S’il y en a une qui nous plaît, c’est cool, mais on va prendre un verre avec elle APRÈS.
– Chaque fois qu’on assiste à ce genre de soirée, on doit dire bonjour et parler à tout le monde. C’est la norme. Et c’est la même chose pendant les get together, les soirées de réseautage qu’on organise avec les gars des autres fraternités à Montréal. On fait ça quatre-cinq fois par session, dit Grégory en remontant au premier étage.
Ce texte est extrait du Spécial ÉTUDIANTS, en kiosque dès maintenant ou disponible en version PDF sur la Boutique Urbania