.png)
J’aime un peu trop Instagram. En particulier parce que tu peux être sûr. e d’y trouver des gens qui partagent les mêmes passions weirds que toi, aussi débiles et nichées soient-elles. Si voir et entendre des jeunes gens croquer dans des morceaux de glace te donne des sensations, tu y trouves ton compte. Si ton trip c’est de regarder des petits doigts boudinés jouer avec de la glue remplie de billes de styrofoam, t’as l’embarras du choix.
Mon dada, c’est de suivre les gens qui, comme moi, courent les flaques d’eau pour y pêcher des échantillons puis observer la petite vie qui y grouille au microscope. L’autre jour, sur un de ces comptes, j’ai pu voir un des plus extraordinaires miracles que la vie a produits sur Terre en quelques milliards d’années d’évolution : le miracle de la graine de chia mouillée.
Non, mais pensez-y, deux secondes : essayez d’imaginer le nombre de graines de chia qui sont humidifiées tous les jours dans l’ensemble des poudings, smoothies et autres élixirs de granos qui s’alimentent sainement de par le vaste monde. Pour les néophytes en matière de graines, le chia est une semence qui se mange, souvent au déjeuner. Elle se gonfle d’eau dès qu’elle est immergée dans un liquide, arborant alors une couche gélatineuse que les péteux de broue avec du vocabulaire appellent « mucilage ».
Le chia était un aliment de base des sociétés précolombiennes d’Amérique centrale, avant de sombrer dans l’oubli à la suite la chute de l’Empire aztèque, les conquistadors espagnols n’ayant que faire de leur apport quotidien en Oméga-3… Il aura fallu attendre les années 90 et les Chia Pets, ces figurines ridicules dotées de toisons végétales à faire pousser, pour que cette minuscule graine fasse un retour fracassant dans l’histoire.
Puis, le chia a définitivement repris racine avec l’engouement pour les aliments bourrés d’acides gras, de fibres et d’antioxydants, bref, l’infatuation généralisée pour les « superaliments ». Oui, le chia renferme des Oméga-3 et peut s’avérer un partenaire de choix pour quiconque souhaite se rendre à la selle avec une régularité qui fera l’envie de tous. Cela dit, selon moi, ce ne sont pas ses qualités nutritives qui en font la reine des graines.
Il aura fallu attendre les années 90 et les Chia Pets, ces figurines ridicules dotées de toisons végétales à faire pousser, pour que cette minuscule graine fasse un retour fracassant dans l’histoire.
Le chia, c’est un party de texture. Quand la graine développe son mucilage, sa douce gelée est une caresse pour la langue, et croquer dans sa coque toujours croustillante est une expérience sensorielle susceptible de vous faire oublier votre condition de mortel. J’exagère à peine : le chia, c’est le caviar des végétariens. C’est comme manger des œufs de grenouille en toute compassion pour les amphibiens. Et pour poursuivre avec la jouissance des sens et arriver enfin au clou du spectacle : le chia est un ravissement pour les yeux. Je ne parle pas des innombrables photos de pouding de chia qui tapissent Pinterest, mais bien des images que j’ai captées avec mon microscope :
Le mucilage est fait de polysaccharides, des spirales de sucres complexes enroulées à la surface de la graine. Ce sont de minuscules chaînes de molécules qui aiment l’eau : elles s’y déploient à peine quelques secondes après le contact avec le liquide et prennent de l’expansion, ce qui leur donne une allure de nid de couleuvres.
Des gels comme celui du chia, il y en a partout dans le monde végétal. Ils peuvent favoriser la germination des graines en offrant un cocon d’humidité, faciliter la dispersion des semences, qui peuvent coller aux poils d’animaux, ou, au contraire, rester bien en place, engluées dans le sol. Certaines plantes carnivores attrapent leurs proies grâce à un mucilage très collant. Les racines se font parfois gélatineuses pour améliorer les échanges entre la plante et le sol.
Et accessoirement, le mucus végétal est très utile pour aller chercher des likes sur Instagram.