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Le marteau et le compas qui rêvent de l’hôtel de ville

Deux visions pour Montréal : rencontre avec Gilbert Thibodeau et Jean-François Kacou

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Le 20 octobre dernier, la cafétéria d’URBANIA recevait Luc Rabouin, Soraya Martinez Ferrada et Craig Sauvé, les habitués du ring municipal. Mais pour compléter le portrait de cette drôle de campagne, il restait deux absents à rencontrer : Gilbert Thibodeau et Jean-François Kacou. Deux figures aux antipodes, deux façons d’aimer Montréal.

L’un déborde, l’autre calcule. L’un parle comme on cogne à la table, l’autre pense comme on dresse un plan. Et ensemble, malgré eux, ils dessinent ce Montréal pluriel et fiévreux qu’on s’apprête à départager dans l’isoloir.

Gilbert Thibodeau, le téméraire

J’entre dans le café du Plateau où Gilbert Thibodeau, chef d’Action Montréal, fait des blagues de croissant à une table de quatre jeunes femmes. Elles sourient poliment, l’air de se demander ce que leur veut ce drôle de monsieur. Le barista, lui, éclate de rire avant de recevoir un high five. Thibodeau dégage cette familiarité typique des hommes qui parlent fort et rient fort, ce charisme de mononcle, mi-sympathique mi-déroutant, des figures qu’on ne sait jamais trop si on doit les prendre au sérieux ou les admirer pour leur franc-parler.

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Je m’assois en face de celui qui, quelques jours plus tôt, a marqué les esprits lors du dernier débat organisé par Radio-Canada. Un passage tantôt salué pour sa cohérence, tantôt décrié pour son improvisation. Comment expliquer que son parti flirte aujourd’hui avec les 8 % d’appuis, lui qui plafonnait jadis à peine au-dessus du néant ?

« On s’entend, dit-il, on est les seuls à avoir un programme depuis deux ans, et tout le monde pige dedans. C’est pas des farces. »

Le candidat-entrepreneur

L’idée au cœur de sa plateforme : couper dans le personnel. « Y’a trop de monde! s’exclame-t-il. 31 000 employés à la Ville, faut dégraisser en partant d’en haut! » Un discours de ras-le-bol, à la fois populiste et gestionnaire, qui trouve écho chez ceux qui perçoivent Montréal comme éternellement embourbé dans la paperasse. « Le municipal, c’est l’institution la plus proche du citoyen, mais elle est devenue trop lourde, trop lente. »

Ancien restaurateur, ex-propriétaire de station de ski et fondateur d’une entreprise d’informatique, il se décrit comme un homme d’affaires allergique aux fonctionnaires de carrière. Il veut ramener la bureaucratie tentaculaire à échelle humaine. Consulter les cols bleus. « Ils ont une expertise, mais on les traite comme du petit peuple. »

« Je suis convaincu que Montréal est gérable », lâche-t-il, comme on affirme avoir trouvé la solution à un casse-tête que personne n’arrive à résoudre.

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Son téléphone se met à jouer un air de musique classique. Il sourit. « Tous les journalistes veulent me parler. »

Son obsession, c’est la richesse. Ou plutôt, son absence. « Ici, on est pauvre. On a mis une élite en place pis on est en train de perdre la classe moyenne. On surtaxe tout le monde. Pis après, on se demande pourquoi y’a de l’itinérance. »

Il tape du plat de la main sur la table. « Y’a-tu quelqu’un qui va finir par dire : ça vous tente pas de faire de l’argent? Ici, si tu fais de l’argent, t’es un crosseur. C’est une mentalité de né pour un petit pain qu’on traîne de la religion », lance-t-il, en pointant la croix du mont Royal à travers la vitre.

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Il respire un peu avant de reprendre : « Quand on parle d’itinérance, c’est toujours avec compassion, pis c’est correct. Mais on en a fait une campagne qu’on parle juste de ça. Ils sont 5 000. Qu’est-ce qu’on fait pour les millions d’autres qui veulent bâtir, créer, faire du cash? »

« Where is the money? », demande-t-il en frottant ses doigts comme pour compter des billets invisibles. « Moi, j’veux du monde qui en fait. »

À ses yeux, Montréal s’enlise dans un déclin qu’on maquille en vertu. Tout, dit-il, est relié : la pauvreté, le logement, l’insécurité, même les vidanges. « Je pense que je suis le seul qui veut encore parler d’argent. »

Il rêve d’une ville ambitieuse, attirante pour les PME comme les grandes corporations. Bref, une métropole qui retrouverait sa fibre entrepreneuriale. « Il faut que Montréal ait plus de plombiers et de briqueteurs », lance celui qui a passé une bonne partie de la nuit précédente à poser des affiches.

Un personnage insaisissable

Impossible de le ranger dans une case. « J’étais plus centre-gauche avant, maintenant on me dit d’extrême droite. Je suis centre. Centre-droit, peut-être. Crisse, Je veux juste une administration efficace, pas plus chère qu’ailleurs. »

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La conversation repart de plus belle. Cryptomonnaie, caméras corporelles pour les policiers, ressusciter le ski sur la montagne, la fuite des commerçants vers le Dix30. « Demande à n’importe quel commerçant s’il renouvelle son bail : il s’en va. Montréal s’appauvrit. »

Thibodeau cite pêle-mêle des villes américaines qu’il juge perdues aux mains des démocrates, et glisse vers celui qu’il nomme « un grand blond aux chaussures noires ».

« Trump, c’est un winner, lance-t-il. Le seul politicien sur la planète qui a baissé sa qualité de vie pour servir les citoyens. Personne n’y croyait quand il s’est présenté et il a déjoué tous les pronostics. C’est quelqu’un qui aime son pays. C’est une icône. »

Mais son véritable modèle? « Elon Musk. Parce qu’ici, y’a personne qui m’impressionne. »

Quand je lui parle du soutien de Musk à des partis d’extrême droite en Europe, comme l’AfD allemand, il réplique, surpris : « Ah ben calique! On devrait peut-être faire pareil ici. C’est la panique en Europe. »

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Puis, comme une confidence, il ajoute : « J’aime bien la Hongrie de Viktor… lui, Orbán, il m’impressionne aussi. Il tient tête à toute l’Union européenne. »

N’empêche, Thibodeau refuse qu’on le qualifie d’anti-establishment.

« L’islam, crisse, c’est pas musulman »

Sur les questions identitaires et internationales, Gilbert Thibodeau avance sur une glace mince, conscient des craquements sous ses pas, mais sans ralentir pour autant.

Sur l’immigration, il se dit préoccupé par les coûts et la capacité d’accueil. « Ça commence à coûter cher, d’aider tout le monde », lâche-t-il, avant de bifurquer vers les prières de rue et le conflit au Moyen-Orient, qu’il fustige et appelle « l’importation de débats étrangers » dans la campagne montréalaise.

« Moi, je gère une ville. Tu penses que j’vais commencer à faire des prières pour dire que j’aime la Palestine? Câlisse, il pleut pis j’ai des inondations partout, mais toi tu veux que je te parle de ce qui se passe là-bas? »

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Il marque une pause, s’adoucit un peu : « Mon opinion personnelle, ça n’a pas rapport là-dedans. Que tu sois pro-Israélien ou propalestinien, ça ne devrait pas entrer dans la gestion d’une ville. »

Pour lui, la politique municipale doit rester terre-à-terre : les égouts, les routes, la propreté, la sécurité. « Le reste? C’est pas de notre ressort. »

Entre deux bouchées de chocolatine, il conclut d’un ton plus léger : « Peu importe ta couleur, pour moi, t’es Montréalais. J’veux que tu sois heureux, que tu m’aides à développer la ville pis que tu fasses de l’argent. »

Le vélo, symbole de fracture

Sa méthode, s’il est élu? Rassembler les marges pour les forcer à se parler. « Je vais m’asseoir, par exemple, avec l’extrême vélo et l’extrême char. On va finir par trouver un terrain d’entente. »

Il rit, puis lâche une phrase que je ne comprends pas sur le coup : « Tu peux pas être beau, grand, brun pis rester sur la grande rue, ostie. Faut que tu perdes à des places. » Autrement dit, pour lui, les compromis sont inévitables.

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« Que t’aimes ou que t’haïsses les vélos, moi, je veux que tous les Montréalais tirent un bénéfice, win-win. »

« On m’a traité d’anti-vélo, mais j’ai deux vélos chez nous! Viens t’essayer, tu me suivras pas », lance-t-il, sourire en coin. L’ancien champion canadien senior de saut en hauteur m’assure qu’il n’a rien perdu de sa magnifique, même à 68 ans.

On s’obstine un moment sur le REV Saint-Denis. « Ce que je dis, c’est que certains réseaux nuisent au business. »

Pour lui, la solution passe ailleurs.

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« Complotiste, moi? Voyons donc! »

Derrière le cash-money-money du ton sans gouaille du chef d’Action Montréal se dessine pourtant une constellation plus trouble.

En 2018, il accepte une invitation d’André Pitre, alias Stu Pitt, figure controversée du web québécois, proche du groupe identitaire La Meute et relayeur d’idées QAnon.

« Il m’a invité pour faire un show, qui est devenu Le Candidat. Il a un crisse de beau studio! J’ai eu ben du fun. Des fois j’étais dans l’champ, des fois en plein dans le mille. C’était un succès pareil! », raconte-t-il, avec cette désinvolture propre à ceux qui refusent de s’excuser pour leurs fréquentations.

Quand la pandémie frappe, Pitre fonde Lux Média, devenu haut-parleur du mouvement antivax. Thibodeau, lui, continue de minimiser. En 2021, la journaliste Isabelle Ducas le décrit dans La Presse comme flirtant avec la mouvance complotiste. « Je l’ai traitée de niaiseuse. Qu’est-ce que tu veux que je te dise? », lâche-t-il, sans l’ombre d’un regret.

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Sous les vidéos de la chaîne YouTube, on lit pourtant l’avertissement en majuscule : Certains propos tenus lors de cette émission pourraient contredire le consensus scientifique entourant la COVID-19.

Je lui fais remarquer que, pour bien des citoyens, ce genre de fréquentations et de prises de position pourrait miner la crédibilité d’un candidat à la mairie, à une époque où la confiance du public s’effrite déjà. Il balaie la remarque du revers de la main.

Il ricane quand j’évoque Emmanuel Costa, son candidat comme conseiller dans Villeray qui tient le café Mysterium, ce repaire notoire du quartier pour ses accointances « liberté ». Un type au passé chargé : complot, importation de cocaïne, un détour par la prison. « Y’est-tu complotiste, lui? C’était-tu un péché, le convoi à Ottawa? » rétorque-t-il, en plissant le regard.

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Chez Thibodeau, la provocation douce tient presque lieu de gouvernance. Acculé, il esquive. Tous les partis, rappelle-t-il, ont eu leurs boulets, leurs candidats mal cités, leurs squelettes numériques : Ensemble, Transition, Action aussi.

« Mais ça, c’est de ma faute? Je vais pas perdre ma campagne à cause d’un ti-gars? »

Un ton qui, au fond, résume bien la philosophie du chef d’Action Montréal : avancer, même dans la tempête, quitte à faire semblant de ne pas voir d’où viennent les éclairs.

Regarder les livres, brasser la cage

Quand je lui demande quel serait son premier geste comme maire, il ne laisse pas un souffle d’hésitation. « Le premier move? On commence avec l’argent. On va regarder les livres. »

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Et s’il ne gagne pas? Il hausse les épaules. « On va être géré par des enfants. Quelle crisse de gang de comiques pour gérer sept milliards ! Demande-toi pas pourquoi Montréal va mal. »

Puis, comme un refrain appris par cœur : « Tu sers le citoyen. Tu te sers pas du citoyen. »

Il termine son café devenu froid, me serre la main. « Ça a été l’fun. Je sais pas ce que tu vas écrire. On verra bien. Je dis oui à tout le monde, mais j’fais plus confiance aux journalistes. »

La phrase reste suspendue dans l’air, mélange d’amertume et de bravade. Thibodeau parle fort, rit fort, et dérape parfois, mais c’est justement ce mélange brut, sans vernis ni calcul, qui séduit un électorat en quête d’authenticité et du même coup, en rebute d’autres.

Avant de quitter direction Hochelaga pour du porte-à-porte, il me laisse sur une dernière ligne, qu’un admirateur lui aurait soufflée : « Gilbert, c’est pas toi qui as besoin de Montréal. C’est Montréal qui a besoin de toi. »

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Jean-François Kacou, le pari du renouveau

Devant le hall du chic Collège Jean-de-Brébeuf, une poignée de jeunes scandent « Futur Montréal ! ». Jean-François Kacou les salue un à un, légèrement pris de court par l’enthousiasme dont il fait l’objet. Trente-huit ans, manteau sur chemise propre, le sourire sincère, mais pressé, d’un gars dans le jus.

Chef du tout nouveau parti Futur Montréal, Kacou parle avec la fougue d’un fondateur de start-up. « Se présenter à la mairie, ça demande de l’endurance physique et mentale, et surtout, de savoir de quoi on parle, » dit-il, entre deux textos. « On veut gérer une ville qui détient 56 % du PIB du Québec. Ce n’est pas un concours de popularité. C’est du sérieux. »

Le ton est donné : pragmatique, clair, crédible. Sa campagne se veut « organique » : peu d’affiches, beaucoup de terrain. Il est d’ailleurs le candidat le moins visible sur les poteaux de la ville. « Les pancartes, c’est polluant, et ça ne dit rien sur ce que t’as dans le ventre », lâche-t-il.

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À la place, il mise sur les écrans. Capsules tournées à la volée, échanges en direct, stories où il répond aux citoyens. Son attachée de presse filme notre entretien à la sauvette. « Aujourd’hui, le vrai débat est en ligne, dit-il sans détour. C’est là que les Montréalais nous attendent. »

Une volonté née du désenchantement

Avant de rêver d’hôtel de ville, Jean-François Kacou a surtout appris à faire tourner la machine municipale sans la casser. De 2019 à 2023, il dirige la Ville de Percé, découvrant de l’intérieur les rouages de la gestion publique, loin des promesses électorales et des slogans de campagne. Puis, cap sur Montréal, où il devient directeur général d’Ensemble Montréal. L’aventure prendra fin abruptement après seulement neuf mois. On n’en sait pas plus.

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Aujourd’hui, il sourit en évoquant l’une de ses nombreuses casquettes, la plus sucrée de toutes : celle de président du Salon du chocolat de Montréal, clin d’œil à ses racines ivoiriennes qu’il revendique fièrement. Gestionnaire, conférencier, administrateur de sociétés et auteur, il multiplie les rôles. On le retrouve aussi sur la scène internationale comme intervenant auprès de la Commission canadienne pour l’UNESCO.

Bien qu’ancien, le feu politique qui l’anime aujourd’hui est né d’un mélange de dépit et de conviction, en plus d’avoir été nourri par un certain désenchantement. « Je n’étais pas emballé. Ni comme Montréalais ni comme gestionnaire », confie-t-il.

De ce constat est née la possibilité pour lui de prendre la tête de Futur Montréal, un parti qu’il décrit comme le fruit d’un « effort colossal » et d’un idéal simple, presque candide : ramener le gros bon sens au cœur des décisions publiques. Pas de dogme, pas d’étiquettes.

« Si un élu de gauche a une proposition qui fonctionne, ou un élu de droite, mon devoir c’est de la soutenir. On n’est pas là pour jouer à la guerre des bannières », insiste-t-il.

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Chez Kacou, la boussole s’appelle compétitivité. Il déplore une métropole qui, selon lui, ronronne doucement sous sa réputation passée. « Montréal s’endort sur ses lauriers. Il faut retrouver une mentalité let’s go, une envie de se dépasser. »

Le bus avant tout

Dans la grande bataille du transport montréalais, Futur Montréal a choisi le camp de l’autobus. Pas le plus sexy, mais sans doute le plus efficace, plaide son chef. « Une ville nord-américaine qui veut se développer à haut niveau doit avoir le meilleur réseau de bus. On en aurait la capacité avec l’achat d’autobus électriques fabriqués localement », affirme-t-il.

Là où l’administration sortante a fait du vélo sa vitrine politique, Kacou prêche pour une révolution différente : des corridors réservés aux autobus, des passages aux 15 minutes, et des lignes qui relient enfin les quartiers périphériques au reste de la métropole. « C’est rendu un drame de manquer son bus, dit-il. Ce qui devrait être la norme, c’est d’en voir passer un autre juste après. »

Sans diaboliser le vélo, le chef de Futur Montréal souhaite toutefois en relativiser la popularité, pourtant croissante. « Le vélo fait partie du portrait, oui, mais l’hiver limite trop son usage à une grande partie de la population. »

Sur le (jadis) controversé REV Saint-Denis, il ne cache pas son bémol : il aurait préféré un corridor parallèle, question de laisser la rue aux autobus.

Le Montréal des possibles

Arrivé à Montréal il y a treize ans, « avec quelques sous en poche », Jean-François Kacou se voit aujourd’hui comme le pur produit de la ville qu’il aspire à diriger. « Montréal, c’est une machine à transformer des nobody en acteurs de leur communauté », lance-t-il avec pep.

Autour de lui, 51 candidats aux accents multiples ; francophones, anglophones, visages de la diversité, tous se réclament de Futur Montréal. L’engouement repose sur ce ton d’innovation, celui d’une ville ambitieuse et connectée qui cherche à s’émanciper du vieux théâtre partisan.

Kacou évoque la diversification des revenus municipaux, l’imputabilité des élus, l’importance de la formation continue, et, bien sûr, l’intelligence artificielle. « Beaucoup d’élus ne savent pas distinguer ChatGPT de Gemini!, déplore-t-il. Pourtant, c’est le genre d’outil qu’il faut comprendre pour gouverner la ville de demain. Et il faut parler d’éthique aussi! »

Les enjeux brûlants

Pour le candidat, le dossier de l’itinérance n’est pas un enjeu parmi d’autres : c’est une urgence morale. « Ce sont des Montréalais, d’abord et avant tout », rappelle-t-il d’une voix ferme.

Son parti propose de renforcer l’escouade ÉMIS (Équipe mixte d’intervention sociale) et d’intensifier sa collaboration avec les organismes communautaires déjà actifs sur le terrain. L’objectif est de briser les silos et de créer une véritable chaîne d’action entre la rue, les intervenants et la Ville. « Il faut leur redonner confiance dans le système, dit-il. Offrir un accompagnement psychosocial réel, pas juste des promesses en conférence de presse. »

Son approche repose d’abord sur la création de zones pilotes installées dans d’anciens parcs industriels. Des espaces hybrides où se côtoient soins de santé, cliniques d’injection supervisée et accompagnement social.

À cela s’ajoutent des pôles de réinsertion comprenant des logements sociaux permanents, pensés comme des lieux de transition durable plutôt que des refuges temporaires.

L’idée est d’offrir aux personnes en situation d’itinérance des endroits où se reconstruire, à distance de la rue, sans être isolées du reste du monde et surtout, en sécurité.

Kacou refuse le mot « démantèlement », lui préférant celui de « déplacement » – vers une cohabitation apaisée. « Le déplacement hors des zones résidentielles, c’est pas pour cacher la misère, dit-il. C’est pour donner un cadre où tout le monde respire. Ceux qui y vivent, et ceux qui veulent s’en sortir. »

Reste à voir comment des friches industrielles peuvent devenir des lieux sûrs et vivants sans ressembler à des zones sous surveillance. Au moins, Kacou en parle avec cette foi de ceux qui croient encore qu’on peut réparer ce qui s’est abîmé.

Futur Montréal promet même de redonner vie au mythique cinéma égyptien de Notre-Dame-de-Grâce, l’Empress Theatre, en le transformant en refuge et centre d’autonomisation pour femmes.

Sur le conflit israélo-palestinien, Jean-François Kacou ne cherche pas les détours. « Quand on se présente à la mairie de Montréal, c’est pour les Montréalaises et les Montréalais. Notre responsabilité, c’est d’assurer la paix ici. »

Pas de slogans, pas de posture : Kacou prône la modération. « Il n’y a pas de place pour la violence, l’intolérance ou les actions haineuses, d’un côté comme de l’autre. »

Et pour le reste? « C’est dans la cour de monsieur Carney », tranche-t-il.

À peine l’entrevue est-elle terminée que Jean-François Kacou aborde un groupe d’étudiants en leur tendant quelques dépliants, les écoute, les relance.

Le chef de Futur Montréal parle avec clarté. Peut-être celle de ceux qui n’ont encore rien à perdre. 3 % dans les sondages, ça donne la liberté de dire les choses qui font froncer les sourcils des partis qui cognent à la porte du pouvoir. Mais chez lui, cette liberté n’a rien du coup de gueule. Elle prend les traits d’une candeur lucide, celle des débuts, où l’on se persuade encore qu’une ville peut changer de cap sans se renier.

À Montréal, où les promesses s’usent plus vite que l’asphalte, garder cette foi, c’est déjà un bon programme.

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