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Le mariage de l’année

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Le mouvement étudiant #YoSoy132 a mobilisé depuis un mois et demi des centaines de milliers de personnes au Mexique. La victoire le 1er juillet du PRI, l’une de ses principales cibles, ne semble pas avoir réduit les ardeurs des militants pour l’instant.

À l’image d’une possible victoire de Jean Charest aux prochaines élections, aujourd’hui débute une semaine déterminante quant à l’avenir de cette autre révolution Twitter, selon des militants rencontrés sur place hier.

Samedi, six jours après les élections, quelques dizaines de milliers de personnes ont pris la rue dans la capitale pour critiquer l’organisme chargé de les superviser et dénoncer les résultats. Le PRI, au pouvoir pendant les dernières 70 années du vingtième siècle grâce à la collusion et au clientélisme (voir l’excellent La Ley de Erodes), a repris le contrôle de la présidence après 13 années dans l’opposition.

«Tout le pays est en lutte contre ce trou de cul de Peña», «Non à la fraude, non à l’imposition»
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La fraude électorale est chose courante dans les partis de gauche comme de droite au Mexique. L’ampleur des fraudes associées au PRI, et particulièrement sa connivence avec la grande chaine de télévision nationale, ont amené les étudiants des universités publiques et privées à se regrouper, chose rare au Mexique. Sauf qu’une fois les élections terminées et la victoire du PRI consacrée, comment maintenir la mobilisation qui va maintenant au-delà des seuls étudiants? Organisés en comités selon des principes de démocratie directe, un peu comme la CLASSE au Québec, ses porte-paroles participent depuis quelques jours à rencontres et assemblées pour planifier la suite des choses. Il semble que les militants veulent maintenant élargir leurs actions.

Ce mouvement social a débuté suite à une conférence du candidat du PRI devant 131 étudiants en mai dernier. Leurs questions, parfois très critiques, a poussé le porte-parole du PRI à accuser un autre parti d’avoir paqueté la salle. Insultés, les 131 étudiants se sont tous présentés devant les médias pour réfuter cette accusation. D’autres étudiants ont ensuite créé le hashtag #YoSoy132 (#JeSuisLe132e), transformé en un mouvement social autour d’immenses manifestations, parfois comparées au printemps arabe.

«Non à l’imposition, Peña tu ne seras jamais mon président»; «Peña Nieto président, bitch please»
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Les différentes organisations ad hoc des «132» se prononceront et des votes seront tenus dans les prochains jours. Des militants occupent jour et nuit une partie de l’immense monument dédié à la révolution mexicaine dans la capitale. Réunis sous une grande tente, ils y tiennent des kiosques, discutent et vont à la rencontre des curieux qui viennent zieuter pour leur expliquer, un à la fois, leurs critiques: fraudes électorales, inégalités, médias biaisés, etc.

Chaque organisation #YoSoy132 est elle-même divisée en différents comités (mobilisation, communication, politique, etc.) où leurs membres se questionneront toute la semaine sur l’avenir de ce mouvement indépendant des partis politiques et des asso étudiantes: comment maintenir la pression pour faire avancer leurs revendications dans un pays où près de la moitié de la population vit dans la pauvreté?

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Une des militantes rencontrées espère qu’on verra une plus grande mobilisation à l’extérieur des cercles étudiants. Elle souhaite aussi que l’organisation devienne à la fois plus micro, avec des comités de quartier, par exemple, et plus macro, tissant des liens nationaux et internationaux entre les différents mouvements similaires comme au Québec ou au Chili.

«PRI tu es mort et tu pues.»

Sauf que samedi, jour de manif, le Mexique avait plutôt les yeux rivés sur la télévision.

C’était le mariage du plus célèbre humoriste mexicain, l’une des plus grandes vedettes du pays, avec sa deuxième femme, une chanteuse has been encore très populaire. Retransmise à la télé en direct en heure de grande écoute, la cérémonie et le banquet étaient entrecoupés de commentateurs qui ont rappelé, parfois la larme à l’œil, qu’on assistait au mariage de l’année. Le tout était saupoudré de petits sketchs humoristiques et de vidéos de voyages préalablement filmés pour l’occasion par le célèbre couple. La cérémonie religieuse, aussi catholique que peut être ce pays, rappelait la force des traditions au Mexique. Par exemple, pendant le mariage, Eugenio Derbez a fait vœu de s’occuper financièrement de sa femme qui, en échange, lui promet de s’occuper du foyer.

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Le PRI fait pratiquement partie lui aussi de ces traditions et ses années dans l’opposition semblent n’y avoir rien changé. Plusieurs personnes militent pour le PRI de père en fils. En élections, le PRI a organisé des réunions politiques, parfois presque forcées, dans des zones populaires où des cadeaux sont offerts à toutes les familles.

Sauf que déjà samedi, une mouche semble avoir agacé la haute pendant le mariage de l’année. Devant l’église, des centaines de manifestants s’étaient réunis pour dénoncer l’accointance des grands médias avec le parti au pouvoir. Aucune mention dans le programme télévisé, mais la rumeur de la rue et ses slogans étaient bien audibles durant toute la faste cérémonie.

Si les médias ont été biaisés durant la campagne présidentielle mexicaine, il semble que même en voulant diminuer la portée de la mobilisation, ceux-ci n’auront probablement plus le choix que de composer avec ce mouvement naissant. À l’image du mouvement social québécois, possiblement confronté au même type d’échec électoral en septembre prochain, l’avenir de #YoSoy132 passe tout d’abord par une redéfinition de ses priorités à court terme et de ses tactiques de mobilisation.

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Suivre Étienne Côté-Paluck sur Twitter : @etiennecp

Le monument de la Révolution mexicaine sous laquelle se trouve la tente des #YoSoy132