« Les premiers effets sont apparus après quelques heures. Soudainement, j’avais une érection pleine sang, comme à l’adolescence dans l’autobus scolaire. »
Mamajuana dominicaine, Kayan Mata nigérian, vin de serpent vietnamien ou maca péruvien; l’ampleur du catalogue des stimulants libidineux n’a d’égal que l’obscurité de sa réelle efficacité.
Pourquoi broie-t-on encore des cornes de rhinocéros ou des ailerons de requin? Parce qu’ils viennent avec une promesse. Peu importe l’alchimie incongrue d’un produit ou les soupçons de poudre de perlimpinpin, s’il sert une ambition érectile, on trouvera toujours un homme la main levée, prêt à y goûter.
Or, le marché folklorique des stimulants masculins est bouleversé depuis quelques années par l’arrivée d’un nouveau venu : le miel aphrodisiaque. Son vif succès a tôt-fait de ranger aux oubliettes les vieilles crèmes de racine et autres huiles funky.
Étiquetée 100 % naturelle et distribuée sous forme de sachet individuel, cette substance sucrée offrirait aux aventuriers rien de moins que les effets les plus convoités : vitalité érectile, retard de l’éjaculation, accroissement de l’intensité de l’orgasme, du taux de testostérone et de la force des spermatozoïdes.
Un miel miracle, mais inconnu du grand public.
Que contient-il vraiment? D’où provient-il? Quels sont ses effets, sinon ses dangers? Les zones d’ombres sont nombreuses.
Tentons d’en éclaircir quelques-unes.
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Une popularité sans frontières
On retrouve ses sachets lancés à la foule dans un club de Détroit, entre les doigts d’un bodybuilder russe, sur la table d’un podcast brésilien, au téléjournal paraguayen, dans un quotidien catalan coiffé d’un avis d’interdiction.
Ses emballages sont libellés en arabe, en turque, en anglais. Ils mentionnent être manufacturés en Malaisie, au Maroc, celui-là, certifié halal, serait originaire de Tripoli, la grande ville au nord du Liban. Ils sont saisis pour contrefaçon par les douanes européennes et nord-américaines. Les autorités françaises et danoises ont décrété des mises en garde officielles contre leur utilisation.
Ses dénominations changent constamment : miel royal, miel vital, miel élégant, miel de rêve, miel secret, miel d’énergie, miel de l’amour, miel VIP.
Bien épineux d’ailleurs de prouver la véracité de ses origines. Deux boîtes identiques affichent parfois deux adresses différentes. En utilisant l’outil Google Maps pour visiter ses coordonnées de production, on se retrouve devant des domiciles anonymes et des strip mall en banlieue de Kuala Lumpur.
Son caractère évasif l’auréole autant de mystère que d’une dose légitime de scepticisme.
Un contenu nébuleux
Au fil des recherches, j’ai répertorié plus d’une vingtaine de marques différentes dont la liste des ingrédients est à en perdre son latin : Tribulus terrestris, Lepidium chichicara, Leledlum peruvianum, Yorikoma ongavolaa (composante entièrement inventée), Radix panax ginseng, poudre de Arfanhan.
De ce cocktail incertain, un seul ingrédient affiche toujours présent : l’Eurycoma longifolia, ou Tongkat ali, une plante médicinale particulièrement répandue en Malaisie et utilisée de façon traditionnelle dans l’ensemble de l’Asie du Sud-Est.
On peut lire à l’endos d’une boîte : « La force légendaire de King Kong présente dans le Tongkat ali vous donnera toute la bravoure nécessaire. Votre partenaire va certainement en demander plus. »
Après tout, quoi de plus persuasif que l’exotisme lointain d’une plante tropicale de la jungle malaisienne?
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Objectif : en trouver
Plus j’avance dans cette quête de savoir, plus l’étau se resserre sur la nécessité de tester la substance. Ce n’est pas le bonbon d’une érection facile qui m’excite, mais simplement ma curiosité qui prend le dessus.
Davantage répandu aux États-Unis qu’au Québec, ce miel pour adultes y est vendu en catimini dans les boutiques pour fumeurs, les magasins érotiques et certaines stations-service, dans la majorité des cas, concentrées à l’intérieur des quartiers sensibles. Ils se détaillent environ 4,99 dollars l’unité.
Pour me renseigner, j’appelle plusieurs boutiques érotiques montréalaises, mais aucun.e employé.e n’a déjà eu vent dudit produit. La gérante de la boutique Séduction précise que « toute notre marchandise comestible doit impérativement être approuvée par Santé Canada avant de trouver une place sur nos étagères. »
Je tente ma chance auprès d’un vendeur alternatif du New Jersey déniché sur Amazon. Sans succès : « Nous n’expédions que sur le territoire américain, car les douanes internationales saisissent les commandes de miel royal. »
Je me tourne vers les craques du web local : Marketplace, Kijiji, Etsy, Instagram. Seulement dans la région métropolitaine, je tombe sur des centaines d’annonces publiées par Alex, Sam, Daniel, Carlos ou Anzo, des vendeurs partageant les mêmes photos mal cadrées et pixélisées. Un procédé qui laisse deviner un amalgame de faux utilisateurs au profit d’un seul et même compte.
Bref coup d’œil pour vérifier le marché des autres grandes villes canadiennes : Toronto, Calgary, Vancouver. Le survol permet de réaliser qu’il est possible de trouver du miel d’un océan à l’autre pour environ 10 dollars le sachet.
En parallèle, le pharmacien Olivier Bernard, mieux connu sous le pseudonyme du « Pharmachien », me « déconseille extrêmement fortement cette expérience » vu les potentiels effets secondaires parfois graves et les contre-indications majeures et multiples associées aux stimulants sexuels de contrefaçon. « Je trouve cette idée vraiment dangereuse », désapprouve-t-il par voie de courriel.
N’empêche, j’envoie un message à Daniel, l’un des dealers montréalais choisi au hasard.
Sa réponse ne tarde pas.
L’achat
J’avance au cœur d’un quartier du nord-est de l’île. Je regarde ma montre; il est presque midi. Je suis à l’heure pour mon rendez-vous prévu derrière une station-service.
Si se retrouver dans une pareille situation donne l’impression d’acheter une arme à feu, Daniel arrive tout sourire et sans retard. Je grimpe à bord de sa Civic. À mes côtés, un jeune homme, fin vingtaine, capuchon sur la tête.
Il place sur ses cuisses un sac d’épicerie où s’entremêlent des boîtes au fini lustré. Je lui demande s’il est possible de goûter à l’ensemble du buffet, ce qu’il accepte volontiers en vantant les mérites de chaque sachet multicolore qu’il dépose dans ma main. Il me partage au passage ses propres expériences et me guide dans les utilisations.
Fruits de la cueillette : huit sachets différents pour un coût total de 60 dollars. Daniel mentionne « me faire un prix » sur le lot avant de m’offrir en cadeau un sachet de sa marque préférée. « De la vraie bombe », lance-t-il avec charisme.
« Rentre mon numéro dans ton cell », ajoute-t-il, confiant que je le contacterai de nouveau. Je range mes achats. On se serre la main. Un deal en bonne et due forme.
Me voilà avec beaucoup de miel. Désolé, monsieur Pharmachien.
Son vrai contenu
En défrichant des sites traduits de plus en plus obscurs, je découvre que la Malaisie a récemment interdit de nombreux produits jugés frauduleux par ses autorités en raison de la présence de sildénafil à la place de l’Eurycoma longifolia.
Sildénafil?
Dans un communiqué publié en août 2022 par la Food and Drug Administration (FDA), organisme mandataire de la commercialisation des médicaments sur le territoire américain, celui-ci déclare qu’une série d’examens ont révélé la présence de sildénafil et de tadalafil dans des échantillons de miel aphrodisiaque. Ces deux ingrédients, qui ne figurent pas sur l’étiquetage, sont respectivement actifs dans le Viagra et le Cialis.
Des résultats identiques sont rapportés dans une publication des autorités frontalières allemandes datant de juin 2022. Selon une analyse en laboratoire d’un sachet confisqué de la marque populaire Black Horse, celui-ci contenait 44 mg de tadalafil.
Prescrits pour traiter le dysfonctionnement érectile depuis le début des années 2000 et disponibles uniquement sur ordonnance, le sildénafil et le tadalafil agissent comme des vasodilatateurs provoquant la relaxation et l’élargissement des vaisseaux sanguins, améliorant ainsi la circulation sanguine du pénis afin de procurer et maintenir une érection plus facilement. La durée d’action s’étend habituellement de 36 à 48 heures.
La posologie varie selon chaque patient. Le dosage quotidien de tadalafil oscille entre 5 mg et 10 mg, mais il est possible d’augmenter la dose jusqu’à 20 mg en cas de troubles plus sévères.
Un seul sachet de miel aphrodisiaque contiendrait donc plus du double d’une dose maximale recommandée.
Le miel
On comprend désormais que le contenu du miel aphrodisiaque n’est pas une concoction chamanique des tréfonds de l’inexploré, mais plutôt du miel spiké au tadalafil fabriqué de manière industrielle.
Pas full bio, finalement.
Mais pourquoi du miel comme agent masquant? Je pose la question à un apiculteur de profession qui désire conserver l’anonymat. « J’ai bien peur de pas avoir la réponse, confesse-t-il en riant. Mais peut-être que celle-ci se trouve dans son aspect naturel, ses bienfaits pour la santé et son goût rond qui permet de camoufler les indésirables. Le miel est également l’un des rares aliments à ne jamais périmer en raison de ses propriétés antiseptiques. Il vieillit bien et résiste sans peine aux changements de température. »
De plus, on convient que l’aspect connu et rassurant du produit atténue (ou floue) la prise médicamenteuse. Le miel aphrodisiaque ne prend pas la forme d’un comprimé curatif, voire embarrassant comme le Viagra, mais se consomme au même titre qu’un gel énergétique pour la course.
Ce n’est pas un hasard si l’imagerie des marques entretient tout un bestiaire en puissance : Black Horse, Black Bull, Rhino Kingdom, King Kong, Jaguar Power. L’intention est claire : devenez une bête de sexe.
Mais pour cela, il n’y a qu’une façon de le savoir.
Le test
Délicate étape que celle de vulgariser l’expérience de l’utilisation. J’ai d’abord consommé un sachet à titre d’éclaireur. Cinq jours plus tard, n’ayant rencontré aucun effet secondaire ou déplaisant, j’ai réitéré l’expérience avec une autre marque pour obtenir des résultats identiques. C’est par après que j’ai offert l’essai à des hommes de mon entourage pour ensuite partager et comparer nos observations.
Quatre ont accepté, tous préalablement informés des incidences comme des risques. Aucun n’a déjà connu des épisodes de précarité érectile. Dans un souci de courtoisie, les témoignages sont livrés de manière anonyme.
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Témoin A, 28 ans, Royal Honey VIP.
« J’y croyais pas du tout, pour être honnête, mais j’ai senti les effets s’étendre, sans blague, sur plus de 72 heures avec un seul sachet. Une montée beaucoup plus réactive qu’en temps normal. Et surtout, une constance surprenante. Mon érection habituelle n’est pas des plus fiables, sa rigidité fluctue au rythme de l’interaction. Sous l’effet du miel, le sismographe de mes érections volontaires ou involontaires présentait une franche horizontalité. Ce qui est parfois déstabilisant parce qu’en fonction des circonstances, le désir ne suit pas toujours sa vigueur. »
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Témoin B, 32 ans, Black Horse Vital Honey.
« Je croyais naïvement que j’allais avoir une érection en bois non-stop pendant des heures. En fait, une stimulation est nécessaire pour atteindre le priape, la prise du médicament n’en crée pas une de toute pièce. Mais il suffit d’un simple câlin ou d’un baiser inoffensif pour déclencher un résultat des plus spectaculaires. Une réelle différence sur la levée, mais aucune sur la force de l’orgasme ou la texture du sperme. Du moins, chez moi. »
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Témoin C, 27 ans, Epimedyumla Macun.
« Je croyais au départ être victime d’une expérience avec un témoin placebo. Les douze premières heures, j’étais au travail et je n’ai pas ressenti le moindre effet, mais le soir venu, dès que ma copine a posé sa main sur moi, sans même m’en rendre compte, une érection est apparue. S’en est suivi une fin de semaine d’hyperstimulation où nous avons beaucoup fait l’amour. Ce qui est étonnant c’est qu’après l’orgasme, l’érection demeurait présente pendant de longues minutes. Je n’avais jamais connu cela auparavant. »
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Témoin D, 39 ans, X Max Tripleshot.
Le dernier témoin s’est retrouvé dans un plan à plusieurs.
« J’ai pris un demi sachet en fin d’après-midi. Le goût était délicieux. Vers 23h, l’action du miel était à son plein effet malgré l’alcool. Dans un threesome, il y a un stress de performance et beaucoup de pression, parce que ne pas bander avec plusieurs partenaires relèverait de la catastrophe. Mais avec le miel, ta conscience n’a plus besoin de s’en faire, tu peux te détacher de ce souci, ça apporte une belle confiance. »
Aucun n’a rencontré d’effets secondaires associés au tadalafil. Les cas témoins ont toutefois jugé difficile de confirmer quand les effets se noient, attestant d’érections spontanées plusieurs jours après l’expérience. Deux participants ont révélé avoir connu une perte d’appétit sexuel la semaine suivante.
L’appel
Avide d’en savoir plus sur le petit business québécois, j’envoie un message détaillant ma démarche à tous les vendeurs en ligne du territoire montréalais. Sans grande surprise, les jours passent sans que nul daigne répondre à mes avances journalistiques, lorsque tard dans la nuit, bien après minuit, un numéro masqué s’affiche sur mon cellulaire. Je réponds. Le droit du public à l’information ne dort jamais.
Une voix grave et hésitante accepte timidement de se livrer.
– La clientèle qui t’achète du miel ressemble à quoi?
– Des gars ben normaux, entre 20 pis 40 ans.
– Et pourquoi en achètent-ils?
– …
Silence au bout du fil.
– Le miel, il entre par où à Montréal?
– Un gars qui passe les frontières en char et…
La voix s’arrête, la ligne coupe. Il a raccroché.
Pendant un instant, j’ai cru à un bootycall digne de Deep Throat.
Un phénomène physique dans le monde numérique
À défaut d’obtenir des confessions plus exhaustives, je me réfère aux commentaires récoltés sur divers forums en ligne, lieux nourrissant un réel engouement avec d’innombrables vidéos d’adeptes passant en revue les différentes marques et commentant leurs expériences. Bien rares sont les usagers croyant aux vertus du Tongkat ali, l’ajout de tadalafil y est connu, voire glorifié.
« Shit these meds got me fucking like a young stud again. »
« I got the honey dick and it was insane. »
Le miel aphrodisiaque semble souvent ingéré en prévision d’une première expérience sexuelle avec un nouveau ou une nouvelle partenaire. Il est donc pris dans une perspective récréative, voire facilitatrice, ou lors de festivités où l’alcool et la drogue peuvent mettre en péril la vitalité érectile.
« I was drunk last night and it worked wonders!!! »
Encore selon l’internet, le miel aphrodisiaque servirait à pallier l’angoisse de la performance et, accessoirement, l’effroi d’un BDR (ou Bad Dick Report), lorsque les qualités sexuelles d’un homme sont ridiculisées par un.e partenaire auprès de son groupe d’ami.e.s.
En novembre 2020, la rappeuse Cardi B tweetait d’ailleurs l’une des premières traces du miel sur la toile.
Deux ans plus tard, c’est au tour du controversé personnage 6ix9ine de verser le miel dans sa bouche en direct sur TikTok. Sur cette même plateforme, le hashtag #royalhoneyVIP compte près de 30,8 millions de vues.
Tout porte à croire que le phénomène s’éloigne donc de l’autodiagnostic et s’articule autour de son caractère ludique.
L’avis d’un pharmacien
Intéressé par les répercussions possibles du miel aphrodisiaque sur notre métabolisme, j’ai sollicité l’avis du pharmacien Anis Ouyahia.
Le professionnel de la santé comprend d’entrée de jeu la frivolité qui peut habiter la jeunesse. « Nous vivons une époque où la sexualité est démocratisée, où l’on promeut la diversité des activités sexuelles, mais en cas de problème, tu appelles qui? Les garanties de sécurité avec les produits non homologués que l’on retrouve sur internet ou sur le marché noir sont absentes. »
Il avance que, sans précision, on nage en plein inconnu : « On ne connaît pas la vraie composition du produit. 20 mg de tadalafil peut causer une hypotension, des étourdissements, des bouffées de chaleur et, dans de plus rares cas, le priapisme, soit le maintien douloureux d’une érection sur plusieurs heures. »
« Si un sachet contient 44 mg de tadalafil, c’est assez inquiétant. »
Souffrant d’un problème de transparence, le miel aphrodisiaque est en effet commercialisé tel un élixir tonifiant fait à partir de plantes exotiques. « Si l’on se fie à l’emballage, on consomme un produit 100 % naturel et non une double dose d’un médicament disponible uniquement sous ordonnance. C’est une dissimulation sérieuse qui peut résulter à une prise en charge hospitalière. »
Le pharmacien termine sans équivoque : « Le miel aphrodisiaque est une roulette russe. Un risque qui peut conclure une soirée à l’urgence, plutôt que dans de grands plaisirs. »
L’avis d’une sexologue
La prise de miel aphrodisiaque étant intimement liée à la vie sexuelle, j’ai aussi recueilli les propos de Michelle Tomei, sexologue et psychothérapeute, avec qui j’ai longuement discuté du sujet.
D’emblée, la spécialiste reconnaît l’attrait thérapeutique du produit et sa valeur potentielle comme allié dans une relation. Par contre, elle émet de grandes réserves sur son aspect récréatif et les ramifications qui en découlent : « Il peut certes agir comme un diachylon efficace pour contrer l’angoisse, mais un profond malaise m’habite à l’idée de passer par l’interlope plutôt qu’une autorité médicale. »
D’après Michelle Tomei, son usage immisce un voile trompeur dans la chambre à coucher :
« L’érection, maintenant autosuffisante, éloigne nécessairement l’autre, car le ou la partenaire n’a plus la même incidence. »
« Cette sexualité performative peut potentiellement contribuer à une déconnexion de son propre désir et réduire l’investissement dans la tension érotique. »
De plus, la sexologue précise que ce genre de substance contribue inévitablement au mythe de l’homme-soldat à la libido unidimensionnelle. « Je trouve dommage que ce marché noir engendre des profits en renforçant des stéréotypes de genres et sexuels nocifs en véhiculant le message que la virilité, exprimée par la pénétration, est le but ultime de l’érotisme. Un scénario qui maintient à distance toute variation alors que l’expérience sexuelle humaine est si vaste! »
Le miel de la clandestinité
Sous l’onglet produits de santé non homologués du site web de Santé Canada, aucune des 166 entrées ne présente une base de miel comme ceux achetés et testés dans le cadre dans cet article. La majorité prennent plutôt la forme de cachets au branding animal contenant du sildénafil, offrandes populaires au tournant des années 2010. Preuve que le marché informel des stimulants évolue au fil du temps.
Plusieurs questions demeurent néanmoins sans réponse. Le Far West de sa chaîne d’approvisionnement, tant locale que mondiale, l’ampleur du phénomène économique et ce que le futur réserve à sa clandestinité.
L’objectif de ce tour d’horizon était d’abord de braquer un éclairage sur cette culture aux contours abstraits. L’intention n’était pas d’en faire son apologie ni son procès, mais de réfléchir sur les enjeux qu’elle soulève.
Au temps de l’obsession performative et de l’influence déformante de la pornosphère, est-ce que l’érection est devenue si cruciale ou même taboue, qu’il faille la travestir en invincible? N’y-a-t’il pas quelque chose de plus profond à gratter en dessous de tout ce miel collant, autant chez l’individu que dans la société.
Si les témoignages sont dithyrambiques sur les qualités érectiles du produit testé, aucun des volontaires qui se sont prêtés à l’expérience ne serait prêts à dire qu’une sexualité en santé passe par le triomphe des stimulants.