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Le maire qui n’aimait pas les tapettes

Rob Ford a le droit d’être un gros cave.

Par
Judith Lussier
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Rob Ford n’est pas allé au défilé de la fierté gaie de Toronto. Honnêtement, je le comprends. Moi non plus je ne fréquente pas ce genre de célébration. Je ne suis jamais allée à celle de Toronto, mais les parades de fierté gaie, on a franchement le droit de ne pas aimer ça.

Le maire de la grande métropole canadienne a préféré célébrer la confédération en famille à la maison de campagne. Il a sûrement regardé sur la télé câblée du chalet une autre parade, celle du prince et de la princesse: eux au moins ne défilent pas les fesses à l’air. Paraîtrait que le maire Ford est prude et que les chaps de cuir le rendent mal à l’aise lorsqu’elles ne sont pas portées dans un contexte de rodéo.

Entouré de sa famille, il a dû regarder son homologue de Québec serrer la main du prince et l’envier un peu : comme une maison de banlieue, le maire Labeaume a les avantages de la grande ville (rencontrer des dignitaires et des monarques) sans ses inconvénients (devoir se pointer à la maudite parade des Village people), et peut-être bientôt une équipe de hockey.

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Le connaissez-vous, Rob Ford? Ce n’est vraiment pas mon genre de porter des jugements rapides sur des gens que je connais à peine, mais comme ce n’est pas mon maire et qu’à Toronto, ils ne comprennent pas le français, allons-y d’un simple énoncé pour résumer : il s’agit de quelque chose comme un gros cave.

«Gros» comme dans «je devrais faire du vélo plus souvent», et «cave» comme dans «je suis contre le mariage gai», «je promets si je suis élu de retirer tous ces tramways qui nuisent au passage de nos VUS», et «ceux qui ne se piquent pas et ne sont pas homos n’ont pas le SIDA». J’aurais pu ajouter «ignorant».

C’est à peu près ça, le maire de Toronto, avec en plus quelques déclarations contre les immigrants.

Alors imaginez s’il avait le goût d’aller à la parade gaie. Rob Ford, c’est un peu comme Stephen Harper, mais avec moins d’excuses pour skipper le défilé. Dimitri Soudas a déjà invoqué la préparation d’un voyage en Arctique pour expliquer l’absence de son premier ministre à la fierté gaie de Montréal.

Voyage en Arctique mon œil. Contrairement à Jack Layton, ces gars-là n’ont aucun avantage à se pointer dans un festival revendiquant les privilèges des hétérosexuels (le droit au mariage et à ne pas se faire niaiser à l’école) et ceux des homosexuels (le sexe anal et les débardeurs de cuir). Non seulement sont-ils inconfortables à la vue des sosies du capitaine Hadock, mais en plus ils sont peu susceptibles de rencontrer l’âme sœur ou de se faire des amis, comme tout le monde ils détestent les parades à 35oC sous le soleil, et surtout, qu’ils y aillent ou non, cela n’aura aucune incidence sur leurs votes.

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Alors pourquoi on leur tordrait le bras? Y a-t-il quelqu’un dans la foule qui y croirait vraiment de toute façon? Y a-t-il quelqu’un qui n’a pas compris que Rob Ford n’aime pas les gais, avec une légère discrimination pour leur pendant féminin? Le message est clair : «Si vous aimez les homosexuels ou que vous en êtes un, ne votez pas pour moi. Pour le reste, foutez-moi la paix.»

C’est son problème.

En plus, s’ils ont une peur, ces gens-là, c’est qu’on leur impose notre mode de vie dépravé. Évidemment, le maire de Toronto gagnerait à savoir que certains couples homosexuels ont une vie plus rangée que la sienne et qu’ils passent, eux aussi, la longue fin de semaine en famille au chalet.

Mais comme je l’ai dit précédemment, Rob Ford est un gros cave.

Personnellement, je n’ai pas besoin de parade pour frencher ma blonde dans la rue et me promener les seins nus. Et je doute que cette célébration toute en plumes et en paillettes convainque les gros cave comme Rob Ford qu’être gai, c’est ben correct. Mais là n’est pas le débat. Parce que si le défilé a un avantage, c’est celui de démontrer que tout n’est pas gagné : il y a encore des gros caves qui ne pensent pas comme nous.

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Évidemment, la communauté gaie de Toronto s’est révoltée que son maire ne participe pas, comme l’ont fait ses prédécesseurs depuis 16 ans, à la fameuse parade. Plusieurs participants ont défilé avec des masques à l’effigie du maire homophobe.

Rob Ford restera donc sous l’impression que non seulement les gais sont le genre de personnes qui défilent les fesses à l’air avec des boas arc-en-ciel, mais qu’en plus, les mautadines, ils vous forcent à penser comme eux.

Rob Ford restera donc un gros cave. Un gros cave homophobe. Et il a complètement le droit d’être gros et cave comme il l’est. Ça lui vaudra sûrement un cancer, une crise cardiaque, du diabète et/ou un fils gai.

La réelle question, c’est pourquoi les Torontois l’ont-ils élu? Mais là, vraiment, je me sentirais mal placée (géographiquement, je parle), pour donner des leçons de vote municipal à qui que ce soit.