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Le jour où j’ai réalisé que je cuisinais mieux que mes parents

Un grand moment d’émancipation!

Par
Guglielmo Scrittore
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URBANIA et Recettes d’ici sont fiers de s’associer pour transmettre des histoires et les plats qui les accompagnent!

Quand on quitte le nid familial, il y a des moments qu’on n’attend pas et qui changent notre perspective sur certaines choses. Recevoir sa première facture d’électricité en février en est un, et devoir appeler ses parents en panique à 4 h du matin parce qu’un tuyau a brisé et que de l’eau coule dans notre nouvel appartement en est un autre.

Un moment particulièrement marquant pour celles et ceux qui ont eu la chance de le vivre est celui où on se rend compte qu’on cuisine dorénavant certains plats mieux que ses parents. C’est là où l’indépendance culinaire se fait sentir.

On a demandé à des gens de nous parler de ce moment formateur et des recettes familiales qui se sont inscrites dans leurs menus!

Guillaume : « Pour moi, les pâtes, c’était du spagat! »

Je viens d’une famille de banlieue presque trop typique. Notre relation à la bouffe était distante et fonctionnelle. Mon frère et moi jouions au hockey, ma sœur faisait de la gymnastique, et nos parents travaillaient beaucoup. Ma mère nous préparait des plats simples, avec très peu de technique et de moyens. Une cuisine rudimentaire, mais remplie d’amour.

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Comme beaucoup d’enfants au Québec, nous adorions le spaghetti – le « spagat », comme on l’appelait chez nous. Ce n’était pas le meilleur, mais ma mère le préparait suffisamment bien, assez fréquemment et en énormes quantités. Ça a été, jusqu’à ce que je parte pour le cégep, un pilier de mon alimentation.

Naturellement, j’ai découvert tout un monde de saveurs en partant de chez mes parents. En quelques mois, j’étais reconnu par mes amis pour mes mijotés indiens, la parfaite cuisson de mes steaks et mon gâteau au chocolat.

« j’ai découvert tout un monde de saveurs en partant de chez mes parents. »

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Un jour, pour l’anniversaire d’un ami, on est allés manger dans un restaurant de la Petite Italie, et j’ai commandé une pasta al ragú. Les pâtes ne s’offraient pas mollement, elles résistaient un peu sous la dent. La sauce était mélangée aux pâtes, plutôt que d’être dompée dessus. Ça a été une révélation, j’ai même appelé ma mère pour lui en parler!

Je me suis mis à vraiment m’intéresser aux pâtes, c’est même ce que je prépare généralement, lors de dates. Pourtant, même si je les prépare beaucoup mieux que ma mère maintenant, il m’arrive encore de lui demander de me faire son « spagat » quand je vais la voir, et elle me fait toujours plaisir avec ses Tupperware de sauce congelée. Et malgré les années, elle n’oublie jamais de me servir mon verre de lait pour l’accompagner!

Bill : redécouvrir un plat par accident

Ma grand-mère était sénégalaise, et je n’ai malheureusement jamais eu la chance de la rencontrer. Ma mère me parlait peu de sa mère, et notre vie au Canada était essentiellement dépourvue de quelque attachement que ce soit au Sénégal, outre les plats africains cuisinés de temps à autre.

Ma mère déteste cuisiner et n’a pas vraiment de recettes. Elle a quand même des techniques et des gestes qui lui permettent de réaliser un certain nombre de plats différents, mais dans une palette de goûts peu étendue. Anyway, étant Africains, tant qu’il y a du riz sur la table, nous sommes contents.

« J’ai toujours été l’enfant qui traînait dans la cuisine et qui ouvrait constamment le frigo pour essayer de penser à quoi pourrait ressembler le souper du soir. »

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J’ai toujours été l’enfant qui traînait dans la cuisine et qui ouvrait constamment le frigo pour essayer de penser à quoi pourrait ressembler le souper du soir. Je me suis mis à cuisiner très jeune, toutes sortes de recettes que je trouvais dans des livres ou à la télé. Ma mère était très heureuse de me déléguer la préparation du souper. Je n’ai jamais vraiment tenté de reproduire ses plats africains, il me fallait essayer autre chose, maîtriser des techniques différentes.

Durant la pandémie, lors d’une tempête de neige particulièrement froide et violente, j’étais trop paresseux pour me rendre au marché et faire des courses. Je ne voulais pas non plus faire souffrir un pauvre livreur à vélo en commandant quelque chose.

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J’ai sorti un poulet entier du frigo, je l’ai débité en 10 morceaux, que j’ai fricassés avec quelques morceaux d’oignons, de l’ail, du gingembre, de la moutarde, un peu de citron. Je ne savais pas ce que ça donnerait, je n’avais jamais fait un truc du genre. Machinalement, mes mains effectuaient les gestes, assaisonnaient comme si elles savaient ce qu’elles faisaient; je leur ai fait confiance.

Je me suis assis pour manger et, à la première bouchée, je me suis mis à pleurer à chaudes larmes. J’ai appelé ma mère et je lui ai dit ce qui était arrivé, ce que j’avais mis dans la marmite, et elle m’a expliqué que c’était, à quelques olives vertes près, une recette que ma grand-mère lui préparait lorsqu’elle était jeune. Elle m’a expliqué qu’elle avait tenté de la recréer après ma naissance, mais qu’elle n’était pas parvenue à la maîtriser.

Après quelques recherches, j’ai appris que c’était le poulet yassa, une recette traditionnelle sénégalaise, et j’en prépare souvent maintenant!

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Helena : « T’aimes même pas la salade! »

Je suis quelqu’un d’assez conscient dans la vie, et j’aime m’informer pour faire les meilleurs choix pour moi, mais aussi pour les autres et pour la planète. Ça fait partie de l’éducation et des valeurs que mes parents m’ont transmises.

J’étais donc assez surprise de leur objection quand j’ai pris la décision d’être végétarienne, il y a quelques années, pour des raisons éthiques et environnementales. Pour ma famille, qui vient de Croatie, la viande et les salaisons sont d’une importance capitale. Et c’est vrai que ça me manque, parfois, un festin traditionnel.

Je n’oublierai jamais ce que mon père m’a dit : « Comment tu vas faire pour être végétarienne? Tu n’aimes même pas la salade! »

Petite, il est vrai que je m’aventurais rarement vers les bols de salade de laitue, tomates et oignons que mon père adorait préparer pour accompagner la plupart des repas. Encore aujourd’hui, la salade ne fait pas trop partie de ma vie. Mais j’aime plein d’autres choses!

« Il y a un dessert en particulier, que j’ai appris de ma mère, mais que même mon père concède que je fais mieux qu’elle. »

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Pour les rassurer, je leur ai expliqué que notre héritage culinaire est riche en recettes végétariennes, qui comprennent du yogourt, du fromage, et que ce changement de régime alimentaire n’affecte pas mon attachement à notre culture.

Il y a un dessert en particulier, que j’ai appris de ma mère, mais que même mon père concède que je fais mieux qu’elle. C’est le sutlijas, qui est essentiellement la version balkanique d’un riz au lait. Dans le mien, je mets moins de sucre, et je rajoute un peu de crème liquide et de yogourt grec. Pas de cannelle, par contre : ma mère me déshériterait si elle le savait!

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J’essaie toujours d’en préparer un grand plat quand je retourne les voir, ça nous ramène tous en enfance et, pendant quelque temps, on n’a pas à parler de mon végétarisme!

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Et vous, quelles sont les recettes qui vous ont fait prendre conscience de votre indépendance culinaire? Pour retrouver les recettes mentionnées par Guillaume, Bill et Helena et pour ajouter d’autres recettes familiales (ou pas!) à vos menus, visitez le site de Recettes d’ici!