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Le grand retour en force du crochet

On discute de ce phénomène de mode avec la cofondatrice de la marque Mamé, Mélanie Loubert.

Par
Malia Kounkou
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Vous le voyez dans votre fil personnalisé TikTok, en suggestion de cadeaux de Noël sur YouTube ou encore entre les mains méticuleuses de votre voisine de métro : le crochet est officiellement de retour.

Autrefois connu comme l’activité préférée de nos grands-mamans, ce travail méticuleux de la maille est désormais le loisir favori de la génération Z et des milléniaux qui y insufflent une nouvelle vie. Chandail, sac, écharpe, étui à lunettes, porte-clé, peluche : nommez l’objet et, dans les prochaines 24 heures, vous l’aurez tricoté entre les mains.

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C’est de cette nouvelle vague créative qu’est née Mamé, une entreprise québécoise de vêtements en crochet fondée par Magalie Billardon et Mélanie Loubert, deux anciennes amies du cégep passionnées par le beau. Cette aventure nous est contée par Mélanie pour qui le renouveau du crochet est aussi circonstanciel qu’essentiel.

Magalie Billardon & Mélanie Loubert / Source : vetementsmame.com
Magalie Billardon & Mélanie Loubert / Source : vetementsmame.com

La COVID, mère des talents

Tout commence durant la pandémie, lorsque le monde entier est à l’arrêt. Tandis que chacun.e cherche un bon passe-temps, Mélanie, qui pratiquait déjà le tricot depuis ses 16 ans, se découvre une passion voisine.

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« Mon coloc de l’époque m’a demandé de faire une couverture comme celle de sa grand-mère, se souvient-elle. Et en faisant mes recherches, j’ai remarqué que ce n’était pas du tricot, mais du crochet. »

Pour mener ce projet à bien, elle visionne alors une infinité de tutoriels sur YouTube et ressort avec une maîtrise des rudiments du crochet ainsi qu’une envie de créer d’autres morceaux.

Dans la foulée, Mélanie apprend à crocheter à Magalie et toutes deux unissent leurs énergies pour produire des créations qu’elles partagent ensuite en ligne. Bien que leur public ne dépasse pas leur cercle amical, le succès est immédiat.

« On voyait vraiment qu’il y avait un engouement pour les choses qu’on fabriquait et nous, on trippait de les faire, donc on s’est dit : “Ok, si on le fait, on le fait sérieusement” », relate Mélanie.

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Plusieurs séances photos, quelques campagnes promotionnelles et un site web plus tard, Mamé (mélange de leurs deux prénoms) tient non seulement sur ses jambes, mais s’inscrit aussi dans le paysage émergent de la mode montréalaise. L’équipe autrefois composée de quatre mains seulement s’agrandit et leurs créations en maille sont désormais appréciées et portées par des grands noms de la scène culturelle, tels que Charlotte Cardin ou encore Jay Du Temple.

« On se voit vraiment comme une marque et une entreprise, appuie en ce sens Mélanie Loubert. Pas comme deux filles qui font du crochet dans leur salon. »

Une formule anti-stress

Mamé est toutefois la conséquence d’un regain d’intérêt d’échelle globale que les réseaux sociaux ont accéléré. Et cet engouement ne semble pas faiblir, même après la pandémie.

Pourtant, travailler la maille n’a pas toujours été un favori parmi les activités de jeunesse, beaucoup considérant ce loisir comme passé de mode. Mais avec le confinement, l’urgence était de trouver comment s’occuper et maintenir allumée sa flamme créative, le tout sans que cela ne devienne un casse-tête. Un défi délicat que relève le crochet, qui s’apprend plus vite que la couture, se pratique plus aisément que le tricot et ne nécessite que trois outils : une aiguille, de la maille et ses propres doigts.

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Sans compter les bienfaits relaxants que l’acte de crocheter procure. Le rythme répétitif, voire hypnotique, permet à l’esprit de s’immerger tout entier dans la tâche et aux pensées anxieuses de se mettre sur pause, juste le temps d’un motif. Même dans les conditions les plus extrêmes, l’activité peut se révéler cathartique, comme le prouve ce témoignage d’un ex-membre des Crips devenu adepte du crochet derrière les barreaux.

« Avec le recul, me tourner vers le crochet a été la première étape d’un changement de vie, écrit-il. [Ça] m’apprend la patience, le contrôle, l’humilité et la compassion, et ça me permet de méditer sur ma vie. Lorsque je termine un projet qu’un codétenu donnera à un être cher, cela ressemble à un accomplissement. »

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Des valeurs écoresponsables

À travers le bonheur d’accomplir une œuvre de ses propres mains, Mélanie voit ce qu’elle appelle « un mouvement ». Car ce renouveau n’est pas un simple symptôme de la COVID : c’est aussi la célébration de valeurs plus grandes tournées vers une planète plus durable.

« On s’intéresse plus au fait local, au fait à la main, constate-t-elle. Tout l’artisanat est vraiment mis de l’avant et on se rend compte qu’on ne pourra peut-être pas toujours compter sur la main-d’œuvre internationale et qu’il faudrait se tourner vers celle locale. »

Toutefois, et comme toutes les modes, Mélanie sait que le destin du crochet est cyclique.

À l’échelle québécoise, crocheter représente un moyen de soutenir aussi bien l’artisanat que l’économie locale. Et au sein de la petite communauté de crocheteuses et crocheteurs montréalais, Mélanie se réjouit qu’une solidarité règne, les artisan.e.s se serrant les coudes. « On comprend tous la réalité des uns et des autres, puis on s’entraide, explique-t-elle. C’est vraiment merveilleux. »

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Toutefois, et comme toutes les modes, Mélanie sait que le destin du crochet est cyclique. L’histoire nous l’a appris lorsque cet art fut en vogue vers la fin du vingtième siècle, avant de disparaître puis de pointer le bout de son nez dans les années 2010, s’éclipsant de nouveau et signant son grand retour dix ans plus tard, en temps de pandémie.

Tout cela, Magalie et Mélanie l’anticipent déjà en apprenant d’autres manières de réinventer Mamé en dehors du crochet, à travers la couture ou encore le tricot fin. Mais quand bien même la technique changerait, l’esprit derrière demeurerait à tout jamais le même, tout comme l’énonce Mélanie : « Créer des vêtements qui durent dans le temps et qui traversent les années. »