C’est bientôt la fin pour Avant le crash, une série aussi inconfortable qu’innovante dans le paysage somme toute assez conservateur de la télévision québécoise. Mettant en vedette une bande d’amis d’université qui pourraient chacun être le méchant de leur propre histoire, les scénaristes Kim Lévesque-Lizotte et Éric Bruneau nous ont fait travailler fort pendant trois saisons pour voir le bon caché en chacun d’eux, mais ils ont réussi.
Pour célébrer la grande finale et entamer notre deuil collectif, je vous offre mon grand classement des personnages d’Avant le crash, du moins au plus haïssable. Une petite précision s’impose toutefois : je me suis concentré sur les personnages encore présents dans la troisième saison, sinon le diabolique bonhomme Lecomte – joué par un Normand Chouinard qui semblait un peu trop aimer son rôle – aurait été couronné grande calamité en chef de la série.
J’ai aussi laissé de côté le Bernard Dupond de Guy Nadon parce qu’il s’agit trop évidemment d’un hybride machiavélique de Donald Trump et PKP.
Pour faire ma sélection, je me suis basé sur trois critères :
– Insensibilité aux besoins des autres : on s’entend que c’est la base de l’haïssabilité. Invalider les besoins des autres pour mettre de l’avant ses propres désirs, c’est pas mal l’ultime évolution Pokémon de l’insensibilité.
– Insensibilité à ses propres besoins : l’autosabotage est un thème récurrent dans Avant le crash. Avoir une situation de vie parfaite et tout foutre en l’air parce que c’était pas encore assez, c’est haïssable au possible.
– Contrôle de ses pulsions : est-ce que le personnage impose ses bassesses aux autres ou est–il capable de read the room avant de faire un fou de lui (ou d’elle)?
En toute transparence, j’ai déjà eu la chance de regarder la finale et mon jugement s’en trouve forcément teinté. Je vous avertis d’avance : j’ai ri, j’ai été ému, j’ai dit yessss très fort à quelques reprises, et j’ai même maudit Kim Lévesque-Lizotte et Éric Bruneau (vous comprendrez pourquoi après l’épisode). Bref, c’est excellent.
Sans plus tarder :
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15) Florence Martin
Que j’en voie pas un dire du mal de Florence! C’est une ado privilégiée, oui (c’est toujours pratique d’avoir un beau-père riche en tabarnak), mais obscènement mal conseillée qui fait son possible. En plus de gérer ses hormones, elle gère aussi les adultes censés prendre soin d’elle et la guider à travers ce foutoir qu’est l’école secondaire. Florence est zéro haïssable et je refuse d’entendre le contraire.
Si quelqu’un avait eu le moindrement de considération pour elle, il l’aurait convaincue de commencer la thérapie de bonne heure parce qu’en fin de compte, la personne qui risque le plus de s’enrichir, ce sont les psys que cette bande de bozos de la finance devront payer à leur progéniture. Pauvre Florence!
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14) Charlie
Techniquement, Charlie fait encore plus pitié que Florence : elle n’a pas de beau-père riche qui lui prête sa carte de crédit pour l’aider à endormir ses émotions, le temps d’une session de magasinage. Elle joue un peu du violon avec ses histoires d’inégalités sociales, mais c’est une ado et les ados ont le droit d’être mélodramatiques, bon! Ça fait partie du plaisir de vivre toutes les affaires plates la première fois.
Non, Charlie n’est pas haïssable. Peut-être un peu gossante sur les bords, mais c’est parce qu’elle refuse de porter le poids de la bullshit des adultes qui l’entourent. Le « bel accueil » de Vincent et Stéphanie dans leur famille reconstituée ne l’a certes pas aidé à aller mieux, mais disons-le : elle complique un peu les choses avec Florence. La seule chose que Florence veut, c’est l’aimer.
Elle est géniale, Charlie. Mais un peu lourde.
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13) Clara Kosinski
La woke en chef d’Avant le crash s’en sort presque intègre. En plus d’avoir fait avaler à des requins de la finance les bienfaits du développement durable, Clara fait entrer un de nos finance bros dans son trouple avec le beau Robin et ses foufounes bien lisses. Même si elle aime clairement faire du cash, Clara a des principes qui lui sont plus importants que sa petite personne.
Son sang-froid est ce qui la démarque du lot. Elle est constamment entourée d’australopithèques en costumes trois-pièces, et parvient malgré tout à ne presque jamais perdre le nord… Sauf si on lui demande de faire une entorse à ses principes. Bref, Clara perd quelques points en raison de cette tendance qu’elle a à soumettre tout le monde à des standards éthiques super élevés tout en se servant de ses privilèges pour échapper à ces mêmes principes.
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12) Sabrina
Pauvre Sabrina! Elle serait parfaitement inoffensive si son entreprise de yoga n’avait pas autant l’air d’une secte nouvel âge. Elle fait visiblement du bien à François et ses petites tendances contrôlantes nourrissent son besoin de domination féminine. Sabrina semble aussi avoir un don quasi surnaturel pour flairer la bullshit et sait intuitivement quand l’énergie d’une pièce n’est pas alignée.
J’aurais placé Sabrina dans le camp des non haïssables si ce n’était de son endoctrinement de la pauvre Marie-Michèle à coup de cristaux à 50 $ et son insistance à faire porter à François son maudit collier comme si c’était une laisse. Une chance qu’elle est tombée sur quelqu’un qui aimait ça parce que c’est clair que si Avant le crash se rendait à la saison 5 mettons, elle aurait droit à une série documentaire Netflix sur son scam.
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11) Robin
Pour paraphraser le très cancellé Louis C.K. : Robin n’est pas nécessairement haïssable, mais il n’est pas tant aimable, non plus. Il est juste le chum woke, mais un peu anxieux de Clara. Si ses motivations sont floues, il a les foufounes lisses et est une personne très respectueuse. Il communique ses besoins avec Clara qui elle ne prend pas le temps de le valider dans sa masculinité nouvel âge.
Robin ne prend pas beaucoup de place, mais il en prend quand même plus qu’il ne le devrait. Il prend aussi pas mal de plaisir à coucher avec son autre blonde, tout en s’assurant d’être là pour Clara quand ça compte. Le polyamour, c’est compliqué, et c’est ce qui le rend quand même un peu haïssable. Clara, c’est clairement ton golden ticket, Robinou ; deviens son homme au foyer, élève ses enfants, pis arrête de niaiser.
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10) Dominique Després
Elle est hot, Dominique. Non seulement elle arrive dans le décor comme vieille louve et met presque immédiatement Marc-André dans son lit, madame se tape le premier ministre! On parle ici d’un tableau de chasse impressionnant : Dominique est tout aussi redoutable à la job qu’au lit. Malheureusement, ses patrons sont trop horny et occupés à s’autodétruire pour écouter ce qu’elle a à dire.
D’abord introduite comme une rivale pour Évelyne et un personnage aux motivations mystérieuses potentiellement assoiffé de pouvoir, elle s’impose comme voix de la raison dans la saison finale. Dominique a beau ne pas être trop passionnée par le bien-être des autres, elle est toujours de bon conseil et sait choisir ses batailles. On n’irait pas jusqu’à la qualifier d’alliée, elle sait malgré tout tirer son épingle du jeu quand Olstrom s’enfonce dans une situation foireuse.
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9) Daniel Tremblay
La seule manœuvre tactique du boss de Solara, c’est d’avoir engagé François après qu’il se soit fait montrer la porte chez Olstrom parce que sa tête ne revenait pas au bonhomme Taschereau. Ce qui rend Daniel haïssable, c’est qu’il est avant tout un gars de finance qui a toujours tout cru dans le bec. Ça, et le fait qu’il est toujours à un cheveu de péter sa coche.
Tremblay n’est que de passage dans la série, mais son niveau de stress constant et ses habitudes de patron toxique l’ont fait grimper l’échelle de l’haïssabilité comme seuls les vrais sont capables de le faire.
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8) Stéphanie Martin
On arrive dans l’essentiel des personnages haïssables. D’entrée de jeu, Stéphanie ne va pas bien. Interprétée par une Mylène Mackay au sommet de son art, elle est incapable de se soigner et encore moins de se gérer. Tout d’abord, elle dompe Vincent pour le très sexy Chad (qui porte bien son nom), et lorsqu’elle perd son restaurant, elle tombe dans l’alcool et traite Florence, sa propre fille, comme une coloc fatigante.
Stéphanie est en déficit dans les trois critères, mais ses transgressions sont toujours plus pittoresques que graves, comme la fois où elle a conduit saoule et stationné sa voiture à moitié sur le gazon de son bungalow. Par chance, elle n’a fait aucune victime autre que son estime d’elle-même. En fait, on pourrait la considérer comme une simple amie divertissante dans sa manière d’être tout croche si ça n’était de son incapacité à s’occuper de sa fille.
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7) Marie-Michèle
À mi-chemin entre victime et haïssable, d’épisode en épisode, le karma de la blonde de Pat glisse d’un bord comme de l’autre de la balance cosmique. Elle sacrifie beaucoup pour sa famille et Patrick est responsable d’une bonne partie de ses malheurs, mais Marie-Michèle prend aussi son mari pour une banque à pitons et ses enfants pour l’extension de ses désirs.
Le mariage de Marie-Michèle et Patrick a des airs d’accident de char filmé au ralenti et la nouvelle vocation de cette dernière comme guide de méditation est le mur de briques vers lequel il se dirige. Marie-Michèle figurerait moins loin sur cette liste si elle n’avait pas décidé du jour au lendemain d’acheter des cristaux, d’empêcher ses filles de se faire vacciner et de leur faire croire que la crème solaire est cancérigène.
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6) Évelyne Ste-Marie
Le personnage le plus âprement débattu de la série. Est-ce qu’Évelyne est la girlboss la plus extraordinaire de la Belle Province ou une psychopathe contrôlante? Les deux? Évelyne ne score pas très fort dans le rayon de la sensibilité à ses propres besoins et essaie constamment d’enrôler tout le monde dans son plan diabolique.
Le facteur d’haïssabilité d’Évelyne varie, mais je l’ai fait reculer sur l’échiquier après cette transcendante scène de l’avant-dernier épisode où elle rappelle à François qu’un homme, ça pense avec sa graine. Encore là, était-ce une tentative de faire la bonne chose pour son ex ou une autre de ses machinations visant à le garder sous son contrôle?
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5) Michel Taschereau
Le bonhomme Taschereau est vite passé de vieux loup fatigué à vieux crisse d’opportuniste qui recherche la seule chose que l’argent ne pourra jamais lui acheter : un héritage culturel. Son insensibilité aux besoins des autres s’immisce discrètement dans la série comme un voleur qui rentre par la fenêtre du sous-sol. Taschereau veut laisser sa marque sur le Québec au point de perdre de vue tous les gens qui ont fait le succès de son entreprise.
Ce qui rend Taschereau profondément haïssable, c’est à quel point il se pense au-dessus de la game et s’efforce de contrôler Évelyne, même après lui avoir cédé la direction d’Olstrom. C’est comme si le plus gros requin de l’aquarium était devenu un saumon et qu’il essayait quand même de mordre les autres.
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4) François Lecompte
Confortablement en tête de ce classement à la fin de la deuxième saison, François a remis sa vie sur les rails grâce à l’aide de la belle Sabrina et d’une séparation douloureuse (mais nécessaire) avec Olstrom. Ça, c’était jusqu’à ce que ce salaud de Marc-André décide de se servir de lui pour essayer de clancher Évelyne. L’appel de la vengeance est trop fort pour le pauvre François.
On s’entend que malgré tout le travail qu’il a fait sur lui, François demeure une belle marde carnassière et volatile.
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3) Patrick Moradi
Maudit que Patrick m’a déçu dans les derniers épisodes. Si je l’ai longtemps considéré comme le membre le plus inoffensif du quatuor, il s’est révélé être incapable d’accepter que tout ne tourne pas autour de lui. Incapable de demeurer chez lui et accro à la porno en réalité virtuelle (encore une fois, merci Marc-André), il n’hésite pas à hurler, insulter et rabaisser les autres.
Patrick a beau vouloir être bienveillant, tant dans sa job qu’à la maison, il n’a simplement pas l’intégrité nécessaire pour y arriver. C’est un bel emballage vide, joué à la perfection par Mani Soleymanlou qui a su donner à son personnage un air à la fois lourd et sympathique. Ceci dit, la scène finale de la famille Moradi est, à mon avis, la seule fausse note de la finale d’Avant le crash. C’est complètement sorti de nulle part.
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2) Vincent Paquette
Mes respects à son interprète Benoît Drouin-Germain, mais j’ai toujours trouvé que ce personnage avait une sale gueule. Avec sa vibe de petit gars insécure d’école privée jaloux de ses amis parce qu’ils sont plus grands et beaux que lui, il partait avec le karma dans le rouge. Le temps et les saisons m’auront donné raison.
Humanisé par son rapport à Florence, Vincent s’est malgré tout laissé bouffer par son besoin de prouver qu’il est le plus fort. Acheter un ami pour des pinottes et ruiner des terres agricoles pour prouver qu’il fait partie de la gang, c’est bas, tant en théorie qu’en pratique.
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1) Marc-André Lévesque
On arrive finalement au Rocky Balboa des écœurants. La révélation que Marc-André est un narcissique fini m’aurait beaucoup plus fâché si elle n’avait pas été aussi bien écrite. Elle l’est tellement que plusieurs téléspectateurs se rangeront derrière l’image de petit oiseau à l’aile cassée qu’il projette, mais la vérité à propos de Marc-André, c’est qu’il perd complètement le contrôle lorsqu’il n’obtient pas ce qu’il veut.
Prenez par exemple ce moment, quand Évelyne lui révèle qu’elle ne veut pas avoir un deuxième enfant : il se sent immédiatement inférieur à François, et même si elle souligne que c’est pas à elle de combler le vide qu’il ressent, Marc-André essaie de la détruire sur le plan professionnel. Dire qu’après ça, il ose se demander pourquoi elle ne répond plus à ses textos.
Une fin plus qu’appropriée pour le personnage.

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