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Le gouvernement chinois utilise le rap pour faire de la propagande

Ou bien il le censure.

Par
Pier-Luc Ouellet
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Le rap, fondamentalement, est une musique de contestation. Ça ne paraît peut-être plus autant aujourd’hui depuis que les Lil Pump de ce monde nous régalent de paroles comme « Gucci gang Gucci gang Gucci gang Gucci gang / Gucci gang Gucci gang Gucci gang Gucci gang », mais à la base, le rap a été créé par des jeunes issus de communautés afro-américaines qui cherchaient une façon d’exprimer leur mécontentement et de dénoncer leur situation.

Et depuis quelques années, les jeunes Chinois raffolent de ce genre musical.

Mais comment une musique fondamentalement contestataire peut-elle survivre dans un système totalitaire?

Avec beaucoup de difficultés et de compromis.

The Rap of China

Si le hip-hop est le genre musical dominant presque partout sur le globe, son adoption a été beaucoup plus longue sur la terre de Mao Zedong.

Bien que des films comme 8 Mile ont contribué à populariser le style en Chine (même si, de façon étonnante, les rappers chinois avaient tendance à préférer faire des covers de chansons déjà existantes), ce n’est qu’en 2017 que la scène s’impose auprès du grand public, grâce à l’émission web The Rap of China.

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Émission de téléréalité disponible en ligne, The Rap of China présentait de jeunes rappers s’affrontant dans une série d’épreuves, menant au couronnement des artistes PG One et GAI.

Là, vous vous dites : « Ok, mais ça reste une web-série, à quel point ça peut être populaire? » La réponse : pas mal. Dans le premier mois, l’émission avait accumulé 1,3 milliard de visionnements, soit 7000 fois le public de XOXO.

On estime que l’émission est à elle seule responsable de l’explosion en popularité du rap en Chine.

Par contre, le gouvernement chinois n’a pas nécessairement vu d’un bon œil cette explosion en popularité. Dans l’année qui a suivi, le gouvernement chinois a banni de nombreuses chansons hip-hop des ondes, GAI a été interdit de spectacles parce que ses chansons ne « correspondent pas aux valeurs du parti », et PG One a dû s’excuser de ses paroles qui, selon l’appareil étatique, glorifieraient le sexe et les drogues.

https://www.youtube.com/watch?v=qdA32j7_U6U

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Cette vague de censures s’inscrit dans une initiative plus large de bâillonnement médiatique qui a également touché les jeux vidéo, la publicité et même le langage utilisé par les journalistes.

Mais le coup a été particulièrement dur pour la scène rap émergente en Chine.

Rap et propagande

Dites ce que vous voulez des gouvernements, mais s’il y a une chose dans laquelle ils excellent, c’est bien de récupérer les choses à la mode pour leur faire servir leur dessein (tout en les rendant aussi lames que possible).

C’est ce que l’État chinois s’est dépêché de faire avec le hip-hop, depuis qu’il lui a imposé la ligne dure l’an dernier.

Et c’est ici que je vous présente CD Rev (Chengdu Revolution), un collectif de rap commandité par l’État chinois. Formé de quatre artistes, Chuckie, Pissy, N.O.G. et Roy, le groupe prétend avoir été fondé le 1er octobre, jour de la fondation de la République populaire de Chine.

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Le groupe se considère lui-même comme une modernisation de « l’éducation patriotique chinoise », et traite de sujets politiques, toujours en défendant la Chine et son gouvernement.

De façon assez étonnante, CD Rev rappe régulièrement en anglais, et produit des chansons s’adressant directement aux autres nations du monde, soit pour tenter de rehausser l’image de la Chine outre-mer, ou alors carrément pour s’attaquer aux nations occidentales, comme dans ce freestyle où Prissy de CD Rev appelle au boycottage des compagnies suédoises pour protester contre une auberge ayant refusé à des touristes chinois le droit de dormir dans leur lobby.

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Et cette tendance du gouvernement de Xi Jinping à utiliser le rap comme outil de propagande pour les jeunes Chinois n’est pas en voie de ralentir.

Il y a trois semaines, le gouvernement chinois présentait la chanson Two Sessions pour faire la promotion de leur congrès annuel (le fameux Two sessions) et célébrait les accomplissements de la Chine dans la dernière année.

Et le texte est pour le moins étonnant. Avec des lignes comme :

« We’ve got “two sessions,” w-we’ve got “two sessions.” For the fragrance we’re blessing, to the world we show our affection. See we’ve got “two sessions” let me show you Chinese manners. Tramp the bygone cession we’re the fortitude presence. »

et

« See the Larch rolling miles upon miles when we meet satisfied Popeye. »

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Je ne sais pas si les jeunes Chinois vont être brainwashés, mais ils vont certainement être confus.