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Le goût de l’eau

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Hier, à Montréal, la population jouait dans un remake de «Panique au robinet». C’est l’occasion de se rappeler la vulnérabilité de notre confort et la fragilité de notre vie.

Si vous ne faites pas partie de nos milliers de lecteurs d’outre-mer, de nos fidèles de Paris, Bruxelles ou Harchéchamp, si vous n’êtes pas en croisière aux Bermudes, en balade dans les Andes ou en camping dans le désert de Gobi, vous savez que les habitants de Montréal doivent, depuis hier, faire bouillir l’eau de la distribution publique avant de la consommer.

À moins d’habiter à côté de Vittel, d’Évian ou de San Pellegrino, nos parents, nos grands-parents et, avant eux, des générations de Henrard devaient faire bouillir leur eau avant de la consommer.

La civilisation du Centre d’achat et l’avènement du 2 litres de Coke nous ont fait oublier que l’homme et la femme devaient leur survie à leur travail acharné contre les forces de la nature. Il faut dire qu’avant, ils avaient les intestins un peu plus solides…

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Il suffit aujourd’hui de tourner un robinet pour avoir dans notre verre de l’eau aussi bonne que de l’Aquafina (on m’informe que l’Aquafina est de l’eau du robinet mise en bouteille et vendue bien chère par une multinationale de la boisson gazeuse…).

C’est tellement facile d’avoir de l’eau potable et saine dans un monde entouré de béton qu’il n’est pas rare de voir des gens arroser à grande eau leur driveway sans se soucier des millions d’assoiffés à travers notre planète qui s’assèche.

Alors que le président de Nestlé voulait, il n’y a pas si longtemps, privatiser l’eau du monde pour pouvoir mieux la vendre, les pauvres quidams que nous sommes se sentent démunis parce que les autorités leur demandent de se brosser les dents à l’eau chaude.

Après avoir pris d’assaut les commerces pour les dévaliser de leurs réserves d’eau emplastiquée, les Montréalais ont donc repris leurs doléances envers la ville, le maire, les élus, les cols bleus, les entrepreneurs en déconstruction, les multinationales du tuyau d’égoût, l’entraîneur du Canadien…

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J’ai lu ce matin dans un journal sur tablette une chroniqueuse rouge de colère contre le maire Applebaum qui écrivait : « ne pas avoir accès librement à l’eau potable a quelque chose de profondément déstabilisant. »

Savez-vous que, selon les statistiques des Nations Unies, près d’un milliard de personnes dans le monde n’ont pas accès à l’eau potable? Et elles ne peuvent même pas déverser leur colère contre les guignols qui défilent à la commission Charbonneau.

Notre confort est précieux. C’est normal de vouloir le préserver. Mais n’oublions jamais d’où nous venons.

Chronique à lire en sirotant « De l’eau » du Collectif Bass Ma Boom.

Le bon tuyau pour me suivre sur Twitter: @pascalhenrard