Logo

Le film «Réalité mordante» est plus vieux que ses personnages

Le classique a 25 ans cette année.

Par
Mélanie Leblanc
Publicité

En roulant au beau milieu de la jungle du Bélize, je pige dans mes vieux cartables de disques compacts pour trouver ce qu’on va écouter. Oui. On est bien en 2019. Mon truck datant de 1997, il arbore encore fièrement son lecteur CD et nous on l’utilise comme si on avait 20 ans de moins pis on se trouve ben drôles.

Alanis Morissette et Our Lady Peace ont jamais autant joué au Belize que depuis qu’on y est. Bref, je pige le cd de Reality Bites, que je connais par cœur. Je chante allègrement « tempted by the fruit of an other” en faisant les mêmes moves que Janeane Garofalo dans le film.

Mon chum me regarde, comprend rien et me demande c’est quoi qu’on écoute. Paaaaaaaaaaaardon ? Tu ne connais pas cette trame sonore ? Non seulement il ne la connait pas, mais le film ne lui dit rien non plus. J’ai vite chassé cette idée de rupture (blague) et j’ai entrepris son éducation.

Publicité

Et là j’ai réalisé que c’était la fête de mon film de jeune adulte pref. 25 ans ! Bonne fête Reality Bites (qui, ici, disait le titre en anglais, mais l’a toujours regardé en français?) Je l’avoue, j’ai essayé de le regarder en anglais et la voix de Ethan Hawke ne fittait juste pas avec son personnage dans ma tête ! Combien sommes-nous à s’être identifiés à ces quatre amis : Lelaina (Winona Ryder), Troy (Ethan Hawke), Vickie (Janeane Garofalo) et Sammy (Steve Zahn). Ils étaient tellement “adultes”, “libres” et perdus! Ce quatuor qui vient de graduer au collège, est forcé de sauter dans la vie d’adulte, ils doivent faire des choix et “faire carrière”, mais comment? Dans quel domaine? Dans quel but? Avec sa cinévidéo (dans le temps, on ne disait pas “caméra”) Leleina capte les moments représentatifs de sa génération X, en documentant sa propre vie et celle de ses amis.

Publicité

Le film tourné avec un petit budget a connu un box-office semi lucratif, mais pas le WOW escompté. Ça ne l’a pas empêché de devenir culte avec les années. Encore aujourd’hui, je réalise à quel point j’ai des points en commun avec ces quatre amis qui sont rapidement devenus les miens. Quand le film est sorti j’avais 15 ans et j’étais sans doute aussi perdue, mais j’avais quand même neuf ans de moins qu’eux. Pour les biens de cet article j’ai réécouté le film (en anglais !) et PAF, dans ma face: je me suis servie de Leleina comme orientatrice professionnelle ET personnelle. Comme elle, boire de la liqueur diète en fontaine (on ne le savait pas qu’un verre en plastique avec une paille c’était méchant pour la planète) me remplit d’un bonheur indescriptible.

Je travaille au contenu de shows télé comme elle. Moi aussi j’ai déjà eu un vieil animateur cave sur un show du matin à qui je devais rédiger des questions d’entrevue et qui me traitait comme une totale idiote (ça c’est quand il n’avait pas sa main “maladroitement” égarée dans mon chandail, mais c’est un autre dossier). Moi aussi, dans mon premier appart j’avais un sofa acheté au Club Price et une coloc avec un toupet (comme Vicky). Ma vie et celle du personnage de Winona Ryder : P.A.R.E.I.L.L.E.S.

Publicité

En hommage à ces merveilleux personnages écrits par Helen Childress (qui n’avait que 19 ans au moment d’écrire le scénario), voici des petits highlights style “t’en rappelles-tu?”.

TROY

Il avait les cheveux gras en permanence, cheveux gras qui tombaient sur son col de chemise brune. Tout ça c’est wrong. On le savait pourtant, mais c’était grunge, faque ça passait. Pis Kurt Cobain vivait encore faque le grunge, c’était la vie.

Il cachait ses boxers sales (de pépé vraiment pas sexy) dans les poches de jeans des filles pour qu’elles les lavent à leur insu. Si j’avais été sa coloc j’aurais chialé, mais dans ma chambre de sous-sol de Joliette, je trouvais ça pas pire cute.

Il était cultivé, il lisait tout le temps et utilisait des mots que je comprenais semi (et que j’ai semi compris en anglais). Ça me faisait fantasmer sur mon premier chum pour qui je mettais la barre ben haute.

Il fumait la clope et buvait du café en même temps. Avec cette haleine meurtrière, il a frenché Lelaina pour la première fois (qui, au moins, partageait les mêmes habitudes anti-listerine). J’avoue que j’avais du mal à embarquer dans cette magnifique scène, m’imaginant ce que ça devait goûter…

Publicité

VICKY

Son look était fabuleux. Toupet coupé franc, mais pas au niveau, grosses semelles compensées (avant les Spice Girls), collants jaunes serin et robes courtes à motifs tapisserie de salon des années ’70, elle était unique. On n’en connaissait pas ou peu des comme elle et on aurait pas toutes assumées le style, mais on enviait sa confiance et son estime personnelle.

On lui doit la super réplique : « Tada, on va carburer à l’essence ! » (ou Tadam, we’re going to eat gas), quand Lelaina décide de faire un P.O. Beaudoin en utilisant la carte de station-service (cadeau de son père) pour assouvir leurs munchies.

Publicité

On lui doit aussi la célèbre scène de danse dans la même station-service sur « My Sharona » de The Knack. Et The Knack lui doivent un regain de popularité instantané.

LELAINA

Elles et Vickie avaient un téléphone à fil si long qu’il faisait le tour de l’appartement. C’était fuckin cool ! Elle a inventé le vintage sans le savoir. Nos parents comprenaient rien à notre engouement, tous fiers de se promener avec leurs téléphones sans fil (avec antenne).

Ses cheveux : combien de filles sont arrivées chez le coiffeur avec une photo de Winona Ryder en disant à son coiffeur : je veux sa coupe !!!!! Surtout quand elle est à la station d’essence et qu’elle paie le plein des clients avec la carte de son père, en échange d’argent comptant.

Publicité

Winona sortait avec le chanteur de Soul Asylum, il a un caméo dans le film et on était ben énervés de le reconnaître et on faisait « pause » à chaque fois pour dire « check, c’est le chanteur de Soul Asylum ».

Elle était très avant gardiste dans cette scène où elle vient rejoindre Michael et Troy dans le salon, avant de partir en date avec Michael. D’abord sa robe qui me faisait un peu monter les sourcils en « ? » sans savoir qu’elle aurait pu être nommée reine de Coachella 2016 et aussi parce qu’elle y va « free the boobies » (et possiblement commando après vérification), au diable la brassière.

Publicité

Aujourd’hui, ils auraient tous 48-50 ans. Ça fesse. Seraient-ils devenus yuppies, comme ils le craignaient tant ? Seraient-ils heureux ? On en voudrait une suite, ou pas ?