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Un jour, quand on aura finit de saccager les budgets fédéraux et provinciaux consacrés à la culture, on se souviendra de l’époque bénie où des gens comme ceux qui organisent le Festif de Baie St-Paul faisaient vibrer une ville au complet au son des guitares électriques, des synths et des cuivres le temps d’un week-end, juste pour le kick.
Difficile de résumer le talent, la passion et l’énergie que ça prend pour faire vivre quelque chose d’aussi trippant, et la pléthore de bénévoles serviables, pros et super excités d’avoir la chance d’assister au show qu’ils attendent depuis l’an passé qu’on a pu croiser. Imagine : le cadre bucolique de Charlevoix, le fleuve, les montagnes, l’air pur, un gros paquet de beau monde et le top de la crème de ce qui se chante au Québec. Je suis encore surpris d’être revenu à Montréal; c’est simple, ça donne envie de se trouver une maison dans le coin et de réapprendre à regarder le ciel.
On est arrivés le jeudi dans la pluie, suivit depuis Québec par un nuage qui semblait aller à la même vitesse que le char surchargé. Il nous a lâché juste avant de descendre la périlleuse côte de la Baie, question qu’on débarque au camping au sec. Premiers contacts avec l’organisation du festival : tentez-vous où vous voulez, pouvez faire un feu et du bruit jusqu’à 2h, tout le magnifique terrain du camping du Gouffre est pour vous. Ok, c’est relax. On a croisé deux chevreuils de la SQ de toute la fin de semaine, et ils sont venus se présenter tout souriants et distribuer des poignées de mains. Un choc culturel pour tout Montréalais habitué au bullying de la sécurité des Francos, mettons.
On a attrapé la fin du show de Charlebois. Le fameux moment où Garou (le VRAI là, pas l’autre) lève son t-shirt et jogge sur le stage du haut de ses 71 ans en gueulant “ch’t’aime comme un fou”. Juste le temps de me dire que si j’ai ce genre de drive-là en 2051 j’aurai accompli quelque chose et on est devant l’église avec la gang du Bernard Adamus Band en train de comparer le weed de Montréal aux produits locaux. Pas la dernière fois du week-end où ça va arriver, étant donné qu’ici TOUT est local, de la bière vendue sur le site (microbrasserie et verres réutilisables, juste ça) aux toasts du resto où on déjeune (pain du village, fromage de Charlevoix, confitures d’Abitibi pis toute). Bravo pour le souci du détail gang, et surtout savoir résister à la tentation du gros cash qu’une bannière “coulée dans le rock” vous offrirait pour écouler sa bouette… Bernard a visiblement peu dormi la veille, mais dès les premières notes le gros moshpit et le bodysurfing sont de la partie. L’idée de programmer des groupes qu’on voit autrement sur d’énormes stages dans la petite salle de 250 places prend tout son sens, l’ambiance est bonne, tout le monde se sens privilégié d’être là et ça lève. Bernie a même pas besoin de chanter “2176”, la foule s’en charge dès les premières notes. Deux morceaux de robots au band pour les reprises de Faire des enfants de Leloup et l’horrible toune de Pierre Harel au rappel. Un gros smile gratuit.
Si on retient quelque chose de ce week-end, outre l’organisation de feu, c’est que l’été 2015 en musique au Québec est celui de la maturité. Les bands qu’on a vu défiler sont, chacun à leur manière, au sommet de leur art.
Moments forts en vrac :
– Galaxie quasi-chamanique, qui a su trouver l’équilibre parfait entre le mur mélodique de Langevin et une section rythmique où Fred Fortin se trouve amplifié de deux percussionnistes. Bien franchement, j’avais un peu décroché de leur trip électro mais en live c’est une machine de guerre, certainement une des plus puissantes qu’on ait connu ici, et les avoir pour nous tous seuls dans un sous-sol d’église deux semaines après les Plaines et les Rolling Stones devant 90 000 personnes ça fait feeler spécial.
– Mara Tremblay dans l’émotion pure, plus fragile et en même temps plus forte et vraie que jamais. Gros flashbacks de mon premier appart montréalais et de mes colocs hippies qui ont usé son album “Papillon” au point où je me souviens encore de chaque note.
– Philippe B orné d’un solide duo de choristes/multi-instrumentistes, qui raconte encore autant d’affaires qu’il chante de tounes réarrangées, sous un minuscule chapiteau un après-midi de lendemain de veille avec le public qui se met spontanément à fredonner “Calorifère”, enfants inclus.
– TOUS les concerts-surprises annoncés à 30min d’avis : Fred Fortin solo dans le petit sous-sol du dépanneur qui cherche les accords de ses propres tounes tant il fait plus jamais ce genre de show, Louis-Philippe Gingras sur le comptoir du même dépanneur le lendemain pendant que le caissier vend de la bière, Karim Ouellet, Mara, Caltar-Bâteau, Dylan Perron qui fait sauter le kit de son avec son banjo.
– La fanfare What Cheer? Brigade, un brass-band du Rhode Island (encore une surprise) qui a improvisé un set de musique des Balkans en pleine nuit dans le parking de l’église et beaucoup d’autres tout au long du festival, au plus grand plaisir des hippies de la place et de tous les chanceux qui allaient jamais se coucher.
– Les Trois Accords dont on a bien dû se rendre compte qu’on est capables de chanter TOUTES les tounes (fallait voir Alex Nevsky en coulisse essayer de pas fredonner) et qui voient se créer une chaîne humaine de quelques centaines de fans au hystériques au milieu du concert avant de finir par faire monter tous les scèneux de coulisses sur scène pendant “Je m’en retourne à l’institut”, ce qui nous donne droit à un solo de flûte de Marc-Étienne Mongrain, photographe émérite et tout-terrain, et à un solo de selfie de Philippe Fehmiu (un peu moins excitant mettons).
– Notre seul vrai working-class hero Dany Placard, qui joue les Springsteen du Saguenay avec émotion et bonne humeur lors d’un des concerts gratuits du festival, parce que oui, ils offrent aussi gracieusement des après-midi all-access aux habitants de la ville, tsé.
– Radio Radio qui provoquent quasiment une émeute sur la grosse scène avant même que le soleil se couche, la foule se pouvant plus de sauter dans les airs en s’époumonant. (Je savais pas que Baie St-Paul trippait tant sur le beat du New-Brunswick)
– Le doublé Chocolat/We are Wolves, qui se résumerait de la meilleure manière par l’image de cette fille qui s’est déshabillée à trois pieds de Jimmy Hunt pour finir par perdre connaissance pendant les Loups. Le set le plus inspiré et garroché qu’il m’a été donné de voir cette année de la bande à Jimmy : props à Christophe Lamarche aux textures analogues, aux lignes de bass complètement hypnotisantes d’Isaël Pépin et au sac de mush très approprié. We are Wolves à la hauteur des attentes du public, qui les réclamaient semble-t-il depuis des années. Costumes et mise en scène sans faille (c’est avant tout de l’art performatif WAW, tsé), énergie de malade, Alex Ortiz qui se tape un solo en équilibre sur les épaules du géant de la Taverne St-Casimir, body surfing et psychédélisme fâché en vrac qui finissent d’achever en beauté les festivaliers après trois grosses journées et nuits de débauche. BTW Jimmy : t’es parti avec ma bouteille de Jameson.
Après tout ça, comme on est concept, on s’est ramassés dans une van direction le Motel avec Qualité Motel, on a réveillé la gang de Placard et surement pas mal d’autres (désolé) et je me souviens vaguement avoir traversé la Baie St-Paul endormie aux premières lueurs pourpres et orangées du matin, avoir marché sans la rivière du Gouffre et erré dans le cimetière avant de perdre connaissance quelques heures en essayant d’oublier qu’il fallait rentrer en ville le lendemain. Le ménage semblait déjà fait (est-ce que je vous ai parlé de l’organisation?), et paraitrait que le concert de Guillaume Beauregard était mémorable le lendemain midi mais moi je dormais, bon.
Il y aura une 7e édition du Festif de Baie St-Paul l’été prochain c’est confirmé, et je te suggère fortement, ami mélomane à la recherche de moments parfaits, de mettre ça à ton agenda au plus sacrant.
En attendant on va essayer d’apprécier Osheaga quand même après ça…
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