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Le design d’intérieur, ce n’est pas juste de la décoration

La Faculté de l'aménagement de l'Université de Montréal et URBANIA s’associent pour démystifier le design d'intérieur.

Par
Camille Dauphinais-Pelletier
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Le design d’intérieur. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, ce métier évoquait jusqu’à tout récemment un épisode de Décore ta vie (ou autre émission de décoration du genre). Étant peu douée pour harmoniser une pièce (je n’ai pas Pinterest), je comprends l’idée de recourir à des professionnels pour aménager un espace, mais en même temps, je me demandais vaguement ce qu’ils apprenaient au cours de leur formation. Comment harmoniser des coussins? Quelle couleur était appropriée pour une cuisine? Il me semblait que ces choses relevaient plus de l’instinct que des connaissances…

Ne sous-estimons pas l’ampleur de la tâche d’un designer d’intérieur.

Eh bien j’étais complètement dans le champ par rapport à ce que c’est que le design d’intérieur.

Heureusement, Jean de Lessard, designer principal pour la compagnie du même nom, et Virginie LaSalle, professeure au programme de design d’intérieur de l’Université de Montréal, ont accepté de m’éclairer et de déconstruire quelques mythes…

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Mythe 1: Le design d’intérieur, en gros, c’est de la décoration.

Disons simplement que j’avais sous-estimé l’ampleur de la tâche d’un designer d’intérieur.

Jean de Lessard: «Le décorateur va conserver une pièce telle qu’elle est, avec sa structure, ses murs. Il va créer une nouvelle peau à l’intérieur, ajouter des matériaux, des accessoires. Mais le designer, lui, il est assez fou pour faire tomber les murs ou reconstruire la circulation dans le bâtiment, par exemple. Notre équipe travaille surtout dans le commercial, et on touche à tout dans un projet: du premier mur à démolir jusqu’au dernier coussin qu’on va installer.»

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Les bureaux de Bicom Communications à Montréal, réalisés par l’équipe de Jean de Lessard.
(Photo Adrien Williams)

Virginie LaSalle: «Quand on parle de décorer une pièce, c’est en grande partie relatif à l’esthétisme d’un espace. On pense souvent à une ambiance qu’on veut ajouter, à un effet recherché. C’est là qu’on va parler de décors champêtres ou industriels, par exemple. Le design d’intérieur, c’est réellement une discipline qui s’intéresse à la conception de l’environnement bâti. Sur l’échelle d’intervention, on se situe entre l’architecture et le design industriel.»

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Mythe 2: L’important en design, c’est de suivre les tendances.

Suivre les tendances, à la vitesse où elles vont et viennent, c’est tout un projet, même pour les pros. Et bien que l’esthétique soit très importante, ce n’est vraiment pas la seule chose à prendre en considération.

L’idée importante, c’est de réaliser un espace qui va être flexible au fil des années.

Jean de Lessard: «La pérennité, dans le monde du design, j’ai de la misère à y croire, à moins de vraiment utiliser des ambiances classiques avec lesquels les gens sont plus à l’aise. Je suis chanceux: la majorité de mes clients réussissent à être toujours en affaires après plusieurs années d’existence. L’idée importante, c’est de réaliser un espace qui va être flexible au fil des années, ce dont on va tenir compte dans la conception. Par exemple, dans un espace de bureaux, il faut se demander ce qui va arriver si l’entreprise prend de l’expansion. Ou si un restaurant veut aussi à un moment pouvoir servir de salle de spectacle ou de mariage. On a même eu une demande récemment pour réaliser une boutique qui devient presque un espace de rencontre et aussi un bureau en même temps… Là, c’est à nous de nous creuser la tête pour réussir à faire marcher tout ça!»

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Virginie souligne pour sa part que de bien comprendre les besoins des usagers, c’est plus important que de saisir une mode éphémère.

Chaque projet doit avant tout faire l’objet d’une réflexion sur sa vocation.

Virginie LaSalle: «Dans beaucoup projets, au-delà des tendances, c’est surtout important d’ancrer le concept dans des besoins plus essentiels, fondamentaux. Si on comprend les besoins de l’usager, on n’aura pas ce besoin de s’accrocher à des tendances, à être à la dernière mode. Dans le cas d’une bibliothèque, par exemple, il faut commencer par comprendre le rapport entre ce lieu particulier et chacun de ses usagers. Dans ce contexte, l’activité de lecture prendra un sens différent pour les enfants qui assistent aux histoires racontées et pour une personne âgée qui ira lire tous les jours son journal. On concevra un environnement qui offre un cadre confortable et accueillant pour ces activités, tout en demeurant flexible, souple et propice au changement comme l’insertion de nouvelles technologies, l’introduction d’aires de jeux, de musique, de rencontre.»

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Chaque projet doit avant tout faire l’objet d’une réflexion sur sa vocation : on s’entend pour dire qu’on n’aménage pas un bar comme une clinique médicale; le rapport entre les clients est légèrement différent…

Gang, ceci est une poissonnerie à Lévis. On ne niaise pas.
(Grand prix de du Design 2016 canadien, réalisé par l’équipe de Jean de Lessard.)

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Mythe 3: Le design, c’est un art, suffit d’avoir un bon instinct.

Cette idée va de pair avec celle voulant que «Tout le monde peut faire ça, du design d’intérieur.» Eh bien non, comme vous vous en doutez peut-être depuis qu’on a parlé de détruire des murs, ça prend tout un paquet de savoirs pour exercer ce métier…

Virginie LaSalle: «Il est possible que des gens arrivent avec un excellent instinct, mais il doit obligatoirement être alimenté par des connaissances qui sont avérées, que ce soit en lien avec les usagers ou des connaissances techniques (construction de bâtiment, dessins techniques de construction, matériaux et éclairage, coordination avec les autres professionnels du bâtiment, etc.)»

Le baccalauréat en design d’intérieur qui dure trois ans et qui mène à la pratique, est fondé sur une approche qui favorise la créativité, l’exploration et la réflexion critique. Le programme contient des cours permettant d’acquérir des connaissances théoriques et des cours d’apprentissage par projet en atelier.

Aborder des enjeux contemporains en design d’intérieur.

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Dès l’automne 2017, l’Université de Montréal offrira un diplôme de deuxième cycle: le DESS en design d’intérieur. Pourquoi ajouter un nouveau palier de formation?

Virginie LaSalle: «Le DESS a été conçu dans la continuité du bac existant, c’est comme la quatrième année de la formation. Ailleurs au Canada, ainsi qu’aux États-Unis et en Europe, les formations universitaires en design d’intérieur durent habituellement quatre ou cinq ans. En ajoutant cette quatrième année, on rattrape un important retard de la formation offerte au Québec. Dans leur pratique professionnelle, les designers d’intérieur collaborent avec des architectes et des ingénieurs, dont la formation universitaire se rend au deuxième cycle. On fait donc une mise à niveau avec ce diplôme, qui va faciliter le dialogue avec les autres professionnels.»

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Il s’agira aussi pour les étudiants d’une occasion d’aborder des enjeux contemporains en design d’intérieur. Par exemple: quelle approche doit-on privilégier quand on conçoit un projet de design dans un intérieur patrimonial? Comment adapter les milieux de vie à une population vieillissante sans toutefois en faire des environnements médicalisés?

Pour plus d’information sur le DESS en design d’intérieur ou pour faire une demande d’admission, rendez-vous sur le site du programme.

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