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Lui et moi, on fait équipe dans plusieurs sphères d’expertise. On se rejoint d’ailleurs souvent derrière la butte du Rossy. Par jours de novembre où le cœur se fait grichou, on se drape de nos plus beaux habits. On se met swell et on se sent mieux, ensemble.
Parce qu’avec déni, tout est possible.
• Cette enveloppe de Revenu Québec que je n’ai pas encore ouverte, c’est une bonne idée.
• Cet appel que je n’ai toujours pas retourné à mon père, il n’existe pas.
• Et ces jeans que je viens d’acheter ne sont pas trop petits. Ils sont AJUSTÉS. Faut juste donner le temps au denim de s’étirer. D’abdiquer un peu. De s’acheter une corde et un tabourette par empathie parce que j’ai réussi à m’insérer le jambonneau dans la taille jeune fille avec succès.
Avec déni, je suis fantastique.
Je mène une vie résolument saine (tâtez-moi les gencives pour vous en convaincre. ELLES SONT EN ORDRE). Les canisses vides de peinture de l’appartement que j’habitais en 2003 traînent dans mon portique? Vous faites erreur. Il s’agit là d’une table d’appoint furieusement fonctionnelle et qui ne se trouve surtout pas trop près du calorifère.
J’ai pensé à tout.
Eh bien hier soir, j’ai un peu frappé mon Waterloo.
Une personne, un saltimbanco, dis-je, pratiquerait le déni avec encore plus d’assiduité et de ferveur que moi. Un expert. Lui, le mont de l’évitement, il le dévale dans les moggles. Pas de mitaines.
Et cette grande âme se love en la petite casquette de travailleur social de mon voisin du dessous, qui, à ce que je sache, n’est pas travailleur social, mais en embrasse jalousement le look. J’ai jamais vraiment su ce qu’il faisait. Juste qu’il est étrange. Qu’il part toujours sa douche en même temps que la mienne. Une communion hygiénique qui m’a toujours donné froid à la coupe bikini. Mais sans plus.
Mais hier soir, alors que je rentrais au penthouse (doux, doux déni), il s’est sorti le casse du cadre de sa porte (uniquement la tête. C’est dans cet esprit qu’il cultive le malaise. À moins qu’on ne me prouve le contraire, ce gars-là a juste pas de corps) pour me demander quelque chose qui avait l’air de faire mal, avec un fort accent. Après avoir demandé à la tête flottante de répéter quatre fois, j’ai fini par comprendre, lorsqu’il s’est mis à miauler en Slave, qu’il était question d’un chat. Un chat que j’entendis aussitôt.
Non, voisin étrange, ce chat n’est pas à moi.
Fin de la franche camaraderie. La tête se réinsère dans sa hutte.
Il a trouvé un chaton. Il veut lui venir en aide. Il est peut être pas si tant pire, finalement.
Quelques instants plus tard, on frappe à ma porte.
– Avez-vous du lait? (il me vouvoie toujours. Il a mon âge. C’EST ÉTRANGE)
– Shite de shite, j’en n’ai plus. Je suis désolée. Battements de cils.
Il quitte, bredouille. Je m’inquiète pour le mine. Mais j’ai la mémoire à court terme d’une plante grasse (le propre des gens heureux). Je réalise alors que j’ai moi-même une bête (en apercevant le caniche de grain qui se traîne élégamment le rond de cuir sur mes draps propres dont l’odeur de Fleecy appartient désormais au passé) et que c’est l’heure d’aller se lancer le poulet dans le parc.
Je mets donc mon coat. Je sors avec enthousiasme, chien au bout de sa laisse un peu trop fleurie pour la saison et c’est à cet instant précis que j’évite de débouler les marches de justesse en me heurtant le chouclaque contre cet objet tiède qui ne devrait pas être là.
Le cœur me fait trois tours. Calvaire.
LE PETIT CHAT EST ASSIS DANS LA CAGE D’ESCALIER. PIS Y ME REGARDE.
L’autre coucou avait pas de lait. Pas de lait = PAS DE CHAT.
C’est donc avec le naturel le plus désarmant qu’il te sera jamais donné de tâter qu’il a éliminé le problème en sortant le minou de chezeux.
Pu de chat, pu de problème.
Je ne le vois plus, IL N’EXISTE PLUS. TU MENS.
Après avoir proféré quelques grivoiseries à l’endroit de la tarte qui habite en dessous, j’ai fait promenade express en me promettant de m’occuper du mine, au retour. Pauvre mine. Je suis allergique jusqu’à la moelle, mais je le chérirai sans compter, le temps d’une nuitée.
Après une marche de quatre secondes, je rentrai, essoufflée rare, prête à m’improviser Fancy Feast.
Stupeur. No more kitty.
Le silence total, comme au fond du puits de Buffalo Bill.
Pas de farce, y’est rendu où, baptême? Je n’ai pourtant fait que le tour du bloc. J’aurais donc pas dû.
*Il n’a probablement jamais existé*
Et là, je m’apprête sans l’ombre d’un doute à me réveiller et découvrir que tout ça n’était en fait qu’un rêve animalier funky-complexe, que je m’appelle Kevin Parent et que je joue dans un thriller pis que je ferais mieux d’apprendre mes lignes pour percer l’écran comme je l’ai jamais percé.
Déni, sweet sweet déni. La bise.
PS tendresse :: je vais tâcher de rappeler mon père. Promis.