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Le démon des nationalistes québécois

Par
Étienne Côté-Paluck
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Le Parti québécois n’a jamais sorti sa plateforme en anglais. Ni en atikamekw, d’ailleurs. Une langue unique au Québec.

Pauline Marois a aussi esquivé toutes les entrevues avec le seul quotidien anglophone du Québec pendant la campagne électorale. L’élite nationaliste québécoise n’a rien compris.

J’ai grandi à Montréal, terreau fertile des luttes linguistiques de la Révolution tranquille. Depuis cette époque, notre langue commune nous définit et un outil comme la loi 101 est une victoire de l’affirmation de la culture québécoise longtemps dépréciée. Aujourd’hui, partout dans la métropole, les magasins récalcitrants ont dû s’y conformer. Le français est devenu prédominant sur la façade de la presque totalité des commerces. Si ce n’est de quelques rétrogrades, plus personne n’est engagé pour faire du service à Montréal s’il ne connait pas le français. Même si une réflexion et un travail sérieux restent à faire à certains niveaux, se faire servir dans la langue commune du Québec n’est maintenant plus contesté.

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Quand, pendant la campagne, on affirme qu’il est courant de ne pas pouvoir se faire servir en français à Montréal, c’est de la démagogie. Quand le PQ utilise la laïcité de l’État pour l’opposer au religieux, il polarise les Québécois, au même titre que Jean Charest avec ses mesures impopulaires, en jouant sur la crainte entourant un projet pourtant louable et mobilise un sentiment de peur autant chez les francophones que dans les minorités de tout acabit.

Les Anglais

Ce que les nationalistes de la première heure n’ont peut-être pas compris est que les Anglo-québécois habitent maintenant le Québec par choix. Les nouvelles générations d’Anglos qui ont grandi au Québec parlent maintenant couramment le français. Cette deuxième langue fait aussi partie de leur identité. Ils sont généralement fiers d’être d’où ils sont, souvent pour des raisons similaires à ceux des francophones (social-démocratie, liberté, égalité, vivacité culturelle, langue française). Ils se disent encore souvent Montréalais avant d’être Québécois, mais Montréal est aussi l’un des joyeux ethno-culturel de la planète et devrait faire la fierté de tout un peuple. D’ailleurs, la majorité de ces Anglos ne pleureront probablement pas très longtemps le départ de leurs comparses, très conservateurs, qui menacent de quitter la Belle province. Mais ils ne se reconnaissent pas non plus dans le langage du mouvement nationaliste québécois actuel. Pourtant, plusieurs voudraient se sentir inclus dans un projet de société propre à notre culture, mais le registre crispé des mots utilisés braquent encore les positions.

Nier l’existence de l’anglais dans l’identité québécoise, n’y accorder aucune importance dans une campagne ou dans les discours, c’est nier une partie de soi-même. C’est nier la moitié de la population montréalaise. Les Anglos ont beau comprendre le français, au même titre que les francophones comprennent l’anglais dans le « Rest of Canada » (ROC), si on ne leur parle pas, si on ne s’adresse pas à eux comme tel, ils ne se sentiront pas, avec raison, pris en compte. Et la langue d’expression de ce dialogue importe peu, en fait. Il peut très bien se faire en français.

Xénophobie

La majorité du mouvement nationaliste québécois porte flanc depuis trop longtemps aux accusations xénophobes en n’incluant pas les minorités québécoises dans leurs discours et campagnes. On répète ainsi le même pattern reproché si farouchement au ROC envers le Québec.

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Nous avons des lois, mises en place suite à de longues luttes sociales qui ont permis l’émancipation de toute une population qui se croyait née pour un petit pain. Il faut en être fier, le célébrer et les perfectionner. Sauf qu’il est maintenant temps, aussi, de sortir du climat de méfiance et de crainte qui nous habite. Il faut enfin sortir de notre malaise identitaire. Si nous nous assumons comme culture majoritaire, il faut au contraire être tout aussi fier d’être ce que nous sommes, avec notre part réelle d’ouverture à l’autre. Il faut arrêter de se sentir menacé et célébrer aussi la force culturelle et sociale de nos minorités. Malgré un système politique toujours imparfait, le Québec est inclusif, ouvert et fort.

Plusieurs minorités du Québec ont par contre toujours peur d’être contraintes dans leur quotidien par des nouvelles lois qui, considèrent-ils, pourraient brimer leur liberté.

Que leurs craintes soient justifiées ou non, là n’est pas la question. Par contre, l’erreur du Parti québécois, particulièrement, a été encore plus probante dans les dernières semaines. Il s’en est tenu à sa base électorale, ne s’investissant presque jamais à démonter ces craintes exposées si abondamment dans les médias traditionnels anglophones et les réseaux sociaux.

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Si les accusations de xénophobie ont souvent été exagérées et parfois même insultantes, il a été tout aussi insultant que les leaders nationalistes les ignorent la plupart du temps. Comment peut-on accepter qu’une partie des Québécois perçoit le mouvement nationaliste moderne comme tel?

Les gens affluent d’Europe, des États-Unis et d’ailleurs pour venir vivre dans cet espace unique de rencontres qu’est le Québec, un ilot francophone dans une Amérique du Nord si anglophone. Ne pas célébrer qui nous sommes, un pays français aux influences nord-américaines multiples, c’est aussi une preuve d’immaturité.

Contrairement à ce qu’on peut penser, les communautés allophones et anglophones sont «parlables», s’amusait à me raconter après la campagne électorale le candidat d’Option nationale dans Laurier-Dorion, Miguel Tremblay. Malgré des positions politiques souvent différentes, les allophones et anglophones ont toujours été très ouverts à la discussion, selon son expérience sur le terrain de cette circonscription montréalaise fortement multi-ethnique.

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Québec solidaire a diffusé sa plateforme en anglais à trois semaines du scrutin, alors qu’Option nationale l’a traduite en huit langues, sans jamais les rendre disponibles sur Internet. La question n’est pas la langue d’usage, mais le projet qui est derrière, un projet francophone et inclusif.

Québec solidaire et Option nationale ont fait d’autres efforts louables, malgré leur peu de moyens, pour discuter avec les hispanophones, les anglophones et d’autres communautés. Comment alors expliquer l’incapacité du parti au pouvoir à s’ouvrir à la différence? Ce parti a d’ailleurs été fondé par un homme, René Lévesque, dont les discours ont toujours été très loin du discours identitaire obtus.

À ce propos, que Pauline Marois parle ou non l’anglais importe peu, puisque la langue commune du Québec est désormais acceptée de tous et toutes. L’absence de dialogue avec les minorités québécoises est par contre beaucoup plus inquiétante.

On ne peut pas faire de grands reproches à ces minorités, comme l’a fait la Société Saint-Jean-Baptiste, si le respect ne s’exprime pas tout d’abord à travers un discours qui les intègre dans un projet de société francophone et proprement québécois. Il est primordial d’insister sur le fait qu’ils font partie de la même communauté que nous.

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Si le PQ n’évolue pas rapidement, il se dirige à sa perte. Suite aux immenses acquis politiques des cinquante dernières, loin d’un sentiment d’infériorité, une nouvelle génération de Québécois ne définit plus son identité par rapport aux autres, mais par rapport à elle-même. Conscient de la force culturelle et sociale d’un projet collectif commun, elle est maintenant impatiente d’ouvrir enfin ce dialogue et chercher à trouver des nouveaux termes pour définir et réfléchir ensemble notre société.