.jpg)
Depuis le dĂ©but de la crise, la partisanerie a pris une pause. Fini les guĂ©guerres Ă lâAssemblĂ©e nationale (pour lâinstant!), on est concentrĂ©s Ă vaincre ensemble lâennemi invisible qui nous paralyse depuis les 9 derniĂšres semaines.
Ce vent de solidaritĂ© qui a Ă©galement soufflĂ© sur des membres influents de diffĂ©rentes confessions religieuses. Assis Ă une table de concertation virtuelle sur Zoom, LâĂvĂȘque anglican Monseigneur Bruce Myers, le rabbin Reuben Poupko, lâimam Hassan Guillet et le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral des ĂvĂȘques du QuĂ©bec Monseigneur Pierre Murray, prĂ©parent un scĂ©nario de dĂ©confinement quâils prĂ©senteront au gouvernement du QuĂ©bec dâune seule et mĂȘme voix.
Un avant-midi Ă faire le tour de certains lieux de cultes suffit pour rĂ©aliser que plusieurs groupes religieux ont suivi Ă la lettre les consignes du gouvernement. FenĂȘtres placardĂ©es, stationnements dĂ©serts, portes verrouillĂ©es, aucun signe de vie nâest perceptible Ă lâĂglise baptiste de Rosemont, Ă lâĂglise de Scientologie de la rue Papineau, Ă la Salle du royaume des TĂ©moins de JĂ©hovah ou Ă la MosquĂ©e Tawuba de la rue Ontario.
.jpg)
Ă lâoratoire Saint-Joseph, le directeur des ressources matĂ©rielles Louis PrĂ©vost rĂ©pond lorsque je sonne. Par lâentrebĂąillement de la porte, il explique quâil est justement au bureau ce matin pour une rĂ©union qui abordera la question du dĂ©confinement.
Les stationnements sont vides, comme ceux des centres commerciaux.
Pour lâinstant, tout reste hypothĂ©tique puisque les lieux de culte ne figurent pas sur la liste des endroits qui rouvriront leurs portes dans les prochaines semaines. «On se doute bien quâil nây aura pas de rassemblements avant un bout. La seule action quâil y aura sur le terrain, câest la reprise des travaux dâamĂ©nagement», fait-il savoir, soulignant la gravitĂ© de la situation et lâimportance du confinement.
Ici comme ailleurs, les fidĂšles se font rares. Les temps frisquets de ce dĂ©but mai ne sont pas propices Ă une ascension des cĂ©lĂšbres marches de lâOratoire. «Il y en a un peu sur le terrain, mais ils nâessaient pas de secouer les portes», rigole-t-il.
.jpg)
La Sainte-Trinité
«On Ă©tait en dialogue avec nos amis des autres confessions depuis plusieurs annĂ©es, mais câest rare dâavoir des enjeux aussi communs comme la reprise du culte», explique Monseigneur Murray qui croit que cette union fera partie des acquis de cette crise.
Monseigneur Myers espĂšre que cette table de concertation soit le dĂ©but de quelque chose de plus permanent. «Il nâexiste pas de regroupement entre religions ici au QuĂ©bec, comme on peut voir ailleurs. Peut-ĂȘtre que ça prenait une pandĂ©mie pour voir nos besoins et nos points communs, pour travailler ensemble.»
«Ceux qui frĂ©quentent nos Ăglises sont, pour la plupart, des aĂźnĂ©s de 70 ans et plus et câest la dĂ©mographie la plus vulnĂ©rable Ă la COVID-19.»
Pour lâimam Guillet, cette union prend tout son sens dans les valeurs de sa religion. «Les mots clĂ©s dans tout ça, câest le respect et lâacceptation de lâautre. Accepter la diffĂ©rence, et respecter la diffĂ©rence.» Câest la consultation au sein mĂȘme des personnes de confession musulmane qui peut parfois ĂȘtre plus ardue. Lâimam nâest pas une autoritĂ© suprĂȘme comme le sont les ĂvĂȘques ou le Pape, Ă plus grande Ă©chelle. Il agit plutĂŽt comme guide spirituel et se doit donc de consulter dâautres mosquĂ©es et regroupements musulmans pour ĂȘtre certain que les dĂ©cisions prises Ă cette table respectent la vision de lâensemble de sa communautĂ©. «Je suis au milieu de tout ça pour ĂȘtre le porte-parole Ă la table de concertation», explique-t-il au bout du fil partageant sa fiertĂ© de faire partie de ce regroupement religieux.
Autour de la table virtuelle, un mĂȘme son de cloche : rouvrir les lieux de cultes nâest pas pressant. Tout doit se faire conformĂ©ment aux directives de la SantĂ© publique. Les membres de la table ne veulent pas que les lieux de cultes deviennent des vecteurs de contamination chez leurs fidĂšles et dans la population en gĂ©nĂ©ral. «Ceux qui frĂ©quentent nos Ăglises sont, pour la plupart, des aĂźnĂ©s de 70 ans et plus et câest la dĂ©mographie la plus vulnĂ©rable Ă la COVID-19», prĂ©cise Monseigneur Myers.
Un déconfinement semblable⊠et différent
Sâils ne parleront que dâune seule et mĂȘme voix lors de leurs discussions avec le gouvernement, aprĂšs avoir fait approuver leur plan dâaction par des experts, le retour Ă la normale ne se fera pas de la mĂȘme maniĂšre pour tous les lieux de culte.
«Nous, on suggĂšre de rouvrir nos synagogues Ă 25% de leur capacitĂ©, par exemple, et de prendre les rĂ©servations au prĂ©alable. Des gardiens de sĂ©curitĂ© Ă lâentrĂ©e vĂ©rifieraient si la personne qui se prĂ©sente Ă lâentrĂ©e est bel et bien sur la liste», image le rabbin Reuben Poupko. Les portes ne seraient plus ouvertes Ă tous, comme câĂ©tait le cas avant. «Câest un deuil», soupire-t-il en rappelant quâil faut y aller graduellement si on veut avancer dans cette situation exceptionnelle.
«On nâa pas les moyens de nettoyer au complet nos Ăglises qui sont immenses. Il faudra probablement dĂ©signer des places oĂč s’asseoir et sâassurer que ces endroits soient toujours conformes aux directives de santĂ© publique.»
Lâimam Guillet ne cache pas sa crainte dâavoir Ă maintenir certains musulmans Ă la maison si une rĂ©ouverture des mosquĂ©es survenait. Surtout Ă la suite dâun Ramadan en confinement oĂč lâaspect social, hyper important pendant ce mois sacrĂ©, a Ă©tĂ© complĂštement Ă©vincĂ©. « Il va falloir Ă©duquer la communautĂ© et leur expliquer que ce nâest plus comme avant. On va demander leur collaboration pour rouvrir Ă 50%, mais il sera difficile de dĂ©cider qui refuser Ă lâentrĂ©e», imagine-t-il.
Pour les catholiques et les anglicans, le retour Ă la normale pourrait se faire plus facilement. « On voyait dĂ©jĂ une distanciation sociale avant la pandĂ©mie», rigole Monseigneur Myers sous-entendant la faible frĂ©quentation des Ăglises chrĂ©tiennes. Le plus gros dĂ©fi pour eux sera de dĂ©sinfecter les Ă©tablissements. «On nâa pas les moyens de nettoyer au complet nos Ăglises qui sont immenses. Il faudra probablement dĂ©signer des places oĂč sâasseoir et sâassurer que ces endroits soient toujours conformes aux directives de santĂ© publique», ajoute Monseigneur Murray.
Des rites «sur pause», pour lâinstant
La façon dont rouvriront les lieux de cultes nâest pas encore parfaitement dĂ©finie dans la tĂȘte des quatre reprĂ©sentants des religions. Ils attendront lâaval du gouvernement et de la SantĂ© publique avant de mettre en place un protocole concret. Mais une chose est claire : certains rites traditionnels ne survivront pas, du moins pour le moment, Ă la pandĂ©mie.
«On aime se coller nous, dans notre religion. On a besoin de ça Ă la mosquĂ©e», rigole Hassan Guillet expliquant que dans la priĂšre musulmane, il est important dâĂȘtre prĂšs les uns des autres. Revenir avec des mesures de distanciation sera tout un dĂ©fi Ă lâintĂ©rieur des murs.
«On va continuer dâoffrir des liturgies de la parole en ligne, lance lâĂvĂȘque anglican. Ăa rĂ©pond Ă des besoins rĂ©els, spĂ©cialement dans les rĂ©gions Ă©loignĂ©es qui voient un prĂȘtre anglican une fois par 6 mois. Avec la pandĂ©mie, ils peuvent en voir un chaque dimanche dans leur foyer.»
Chez les anglicans et les catholiques, câest la tradition de lâeucharistie quâil faudra revoir. «On ne peut pas sâimaginer les fidĂšles recevoir le pain et le vin dĂšs le retour du confinement», note Monseigneur Myers prĂ©cisant quâen ce moment dans les messes virtuelles, cette tradition est dĂ©jĂ mise de cĂŽtĂ©. «Les chorales et les chants de groupes non plus ne pourront pas revenir de sitĂŽt», ajoute Pierre Murray expliquant quâil y a plus de sĂ©crĂ©tions qui proviennent de cette pratique.
MalgrĂ© tout, les hommes de foi semblent tirer du positif de cette situation exceptionnelle. «On va continuer dâoffrir des liturgies de la parole en ligne, lance lâĂvĂȘque anglican. Ăa rĂ©pond Ă des besoins rĂ©els, spĂ©cialement dans les rĂ©gions Ă©loignĂ©es qui voient un prĂȘtre anglican une fois par 6 mois. Avec la pandĂ©mie, ils peuvent en voir un chaque dimanche dans leur foyer.»
Ces rencontres virtuelles crĂ©ent chez plusieurs fidĂšles, toutes religions confondues, un sentiment dâĂȘtre connectĂ© avec leur communautĂ© religieuse. Peut-ĂȘtre mĂȘme plus quâavant, dans certains cas. Les messes du dimanche prĂ©sentĂ©es Ă Radio-Canada ont vu leurs cotes dâĂ©coute bondir depuis la fermeture des Ăglises, fait valoir Monseigneur Murray.
En attendant que la vie reprenne son cours, les religions sâadaptent, comme le reste des QuĂ©bĂ©cois.