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Le créateur du mois : Simon Bossé, créateur d’étiquettes de bière
La BD, Simon Bossé est tombé dedans quand il était petit, mais depuis quelques années, ce créateur bien connu de la scène fanzine carbure… à la bière. Illustrateur, c’est lui qui se cache derrière les étiquettes de plusieurs produits de la Brasserie Dunham où il est artiste en résidence. Entrevue avec celui qui travaille entouré de bouteilles aussi bonnes à boire que belles à regarder.
Sur le web, on te décrit comme un « maître » et un « pilier » de la bd québécoise. Es-tu à l’aise avec ça? C’est quand même lourd à porter!
Ha ha! C’est correct. En même temps ça fait tellement longtemps que je trippe sur la BD, ça fait partie de ma vie depuis toujours. À la maison, mon père lisait Métal Hurlant, Charlie Hebdo, des trucs du genre, alors j’ai vite abandonné mes Boule et Bill. Je me suis mis bouquiner à Montréal dans des places « fanzine friendly ». J’aimais beaucoup aller au Marché du livre où j’achetais tous les fanzines de Julie Doucet! À force d’en voir, je me suis dit : pourquoi je ne ferais pas les miens? C’est comme ça qu’en 1990, j’ai publié mon premier fanzine et par la suite lancé Mille Putois avec Alexandre Lafleur.
1990, grosse année pour Jean Leloup, grosse année pour Simon Bossé?!
Il y avait toute une scène pour les fanzines à Montréal à l’époque, mais quand même. Il fallait travailler fort pour se faire connaître! Ça fonctionnait beaucoup par correspondance. J’étais très friand du Factsheet Five, un magazine américain de critiques de fanzines. Quand je trouvais un artiste intéressant, je lui envoyais un fanzine par la poste en espérant en avoir un des siens en retour. On développait sa communauté comme ça. 30 ans plus tard, je suis encore en contact avec des artistes que j’ai connus de cette façon!
Et la sérigraphie? C’est rare qu’un enfant va dire à ses parents : « quand je vais être grand, je veux faire de la sérigraphie. »
Longtemps, j’ai travaillé à la manufacture de mon père. On fabriquait de l’équipement de hockey et il y avait un atelier de sérigraphie pour imprimer les logos sur les pièces. Un jour, j’ai vu des fanzines avec des couvertures sérigraphiées, ça m’a scié les jambes! Je trouvais ça tellement beau que j’ai demandé au gars de l’atelier de mon père de me former. Comme j’avais les clés de la shop, le soir ça devenait mon atelier. J’étais à fond dans la culture DIY et j’ai commencé à faire des couvertures de fanzines en montant éventuellement un atelier chez moi. À travers ça, j’ai travaillé 15 ans au Cheval Blanc et j’ai fini par aboutir à la Brasserie Dunham…
Raconte!
Mon aventure ici, c’est un peu un hasard. Il y a 4-5 ans, la Brasserie Dunham a eu besoin de bras pour un événement, j’ai donné un coup de main et je ne suis plus jamais reparti! Gentiment, je me plaignais souvent à propos des étiquettes : elles sont pas laides, mais pas belles non plus! Ils ont fini par me dire « As-tu quelque chose à proposer? » J’ai répondu « Mets-en! » À partir de là, chaque nouvelle bière allait être liée à un projet d’étiquette.
Tu es devenu l’artiste en résidence de la place…
Exact. Je fais des étiquettes, mais c’est aussi moi qui coordonne le travail des illustrateurs avec qui on fait affaire. Souvent, ce sont des artistes issus de la BD parce que c’est du monde qui travaille fort et qui ont une imagination débordante. Dès 2014, on a commencé à passer des commandes : Benoit Tardif, Julie Doucet, Stéphane Blanquet (un illustrateur français) ont fait partie de la première mouture des étiquettes. Et ça a été super bien reçu par les amateurs de bière, qui sont généralement des trippeux, des gens motivés, curieux, qui vont remarquer tous les détails entourant la bière.
Quel est ton point de départ quand tu crées une étiquette?
Ça dépend. Par exemple, je viens de terminer l’étiquette de la Duel, une bière faite en collaboration avec la Microbrasserie À la fût, un assemblage de bières barriquées. Ces temps-ci, je suis dans une phase squelette, alors je suis parti de là pour l’inspiration. Et comme À la fût est une micro de St-Tite, j’ai donné un petit côté western à l’illustration! Souvent, on ne se casse pas le bécyk : faut juste que ce soit beau! On a fait une autre collabo avec Naparbier, une microbrasserie de Barcelone qui habituellement travaille avec un illustrateur qui fait beaucoup de gravures dans un style un peu métal. J’ai voulu coller à leur esthétique et ça a donné… un autre squelette!
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Mais on te bois/vois beaucoup!
Toute la série des Berliner Weisse (la Berliner Passion Weisse, la Berliner Melon Weisse, etc.) ce sont mes illustrations. Il y a une autre série que j’aime beaucoup, la Jane Doe qui sont des assemblages ponctuels exceptionnels qu’on ne sort qu’une seule fois parce qu’impossible à reproduire. Ce sont toujours des produits excitants parce que tu ne sais jamais comment ça va sortir. Les étiquettes pour ce genre de produit sont souvent plus simples, créées un peu plus dans l’urgence.
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C’est un genre d’accord étiquette-bière…
Et dans ce sens-là, je fais parfois de la recherche avant de plancher sur une étiquette. On envisage de travailler avec de l’épeautre pour un produit. Je suis en train de découvrir cette céréale, qu’on connaît un peu sous forme de farine, mais qui était beaucoup utilisée à une certaine époque. On verra où ça nous mène côté création, à la fois pour le nom de la bière, que pour l’étiquette. Peut-être aussi que c’est un autre artiste qui s’occupera de l’illustration. À suivre…
Chaque étape de la création semble t’enthousiasmer. Est-ce facile pour toi de laisser aller la conception d’une étiquette à un. e autre artiste?
Bien sûr! Il faut dire que je travaille beaucoup par coup de cœur. Aujourd’hui, grâce aux réseaux sociaux, je découvre tous les jours de nouveaux artistes, que ce soit à travers Tumblr ou Instagram. Je me sers beaucoup des suggestions que font les plateformes pour te faire découvrir des comptes similaires en fonction de tes intérêts. Quand je trippe sur un ou une artiste, je me fais plaisir. J’ai une petite wish list de gens avec qui j’aimerais qu’on travaille et quand on a un projet d’étiquette à confier, je vois si ça l’intéresse.
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Au téléphone tu sonnes plutôt relax, mais on ne se connaît pas beaucoup. Dirais-tu que tu es très directif avec les artistes qui créent vos étiquettes?
C’est vraiment fait dans l’idée de célébrer le travail de l’artiste. Si je t’approche, c’est parce que j’endosse ton style. Je donne des indications de base sur la bière en question et je te laisse carte blanche. Il y a quand même des contraintes à respecter. Par exemple, il faut garder un espace pour le logo de la brasserie, mais sinon disons qu’on est pas dans le « on aime ce que tu fais, mais on va te dire quoi faire. » Là-dessus, je dois donner le crédit à mes patrons chez Brasserie Dunham, ils m’ont donné les clés et c’est moi qui chauffe. Je fais la même chose avec ceux avec qui je travaille.
Disons que je te promets de ne boire que de la Dunham pour la prochaine année, peux-tu me dire qui se trouve sur ta wish list en ce moment?
Ha! Je peux te dire que plusieurs artistes dont j’aime le travail vont se retrouver dans le prochain numéro du Journal l’Étiquette, un journal graphique d’images et de BD inspirées par la bière qui sera disponible dans plusieurs dépanneurs au mois d’avril. On peut aussi venir au pub et au restaurant de la Brasserie Dunham, j’y organise des expos avec des artistes que j’aime. Et il y a aussi mon atelier-boutique Mille Putois au même endroit où on retrouve des fanzines et des illustrations de gens que j’aime. Et sur les bières de la brasserie qui vont sortir bientôt.
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Merci Simon, j’ai soif! À boire!
On suit Simon Bossé sur…
…Instagram : @bossesimon
…Tumblr : milleputois.tumblr.com