.jpg)
Le côté sombre du masque: une crise environnementale annoncée?
NDLR: Pour des raisons de pure rébellion, le mot « masque » ne sera pas remplacé par « couvre-visage» dans le présent article. Appelons un chat un chat, un piment un piment (pas un %&*$ de poivron) et un masque un masque. Nous vaincrons. Merci.
À l’heure où l’on suggère «fortement» l’usage du masque et que la Société de transport de Montréal (STM) amorce leur distribution intensive dans son réseau, une question demeure: va-t-on remplacer un problème sanitaire par un de pollution?
On l’observe depuis quelques semaines déjà, les masques jetables et les gants de latex commencent à se fondre dans le décor, abandonnés un peu partout sur les trottoirs, coins de rue et édicules.
L’ambitieux projet de distribuer gratuitement 300 000 masques (1,5 million d’ici l’automne) dans le réseau de la STM inquiète déjà les organismes environnementaux et certains usagers interrogés à ce sujet.
.jpg)
« C’est justement pour ça qu’on distribue des masques réutilisables. On ne veut pas créer un nouveau problème », assure cependant la mairesse de Montréal Valérie Plante, croisée lundi matin au métro Langelier en pleine opération « port du masque ».
Des employés de la STM étaient postés au bas des escaliers et tendaient des masques bleus lavables aux rares usagers qui se pointaient. Mme Plante portait pour l’occasion un masque rose, sans doute un clin d’oeil subtil pour nous rappeler ce lointain projet de « ligne rose » remontant à l’ancienne société.
«C’est justement pour ça qu’on distribue des masques réutilisables. On ne veut pas créer un nouveau problème», assure cependant la mairesse de Montréal Valérie Plante
Comme il y avait sur place dix fois plus de médias que d’usagers (ironiquement, il s’agissait du plus gros rassemblement vécu depuis mars), l’idée était d’envoyer un message, en réunissant la mairesse, le président du CA de la STM Philippe Schnobb et d’autres personnes super bien habillées. Une opération similaire se déroulait simultanément à Laval avec le maire Marc Demers.
.jpg)
Une descente d’escalier mécanique très agréable pour l’ego
Les autorités avaient ciblé une station stratégique pour leur stunt, puisque plusieurs autobus partent de la station Langelier pour se rendre à Montréal-Nord, une zone chaude de contagion à la COVID-19.
Mais à première vue (quelques trajets, rien de scientifique), le port du masque semble loin d’être acquis dans les transports en commun. Même chose sur les trottoirs et dans les commerces de la Ville d’ailleurs, dont la plupart ouvraient leurs portes lundi. Insérez ici le statut FB fâché de quelqu’un qui le porte en solitaire dans sa voiture après avoir roulé devant le parc Laurier en fin de semaine.
.jpg)
Valérie Plante: la seule personne au monde qui réussit son sourire masqué
« On mise sur la pression sociale. Il faut que ceux qui n’en portent pas aient l’air étrange et pas le contraire »
Philippe Schnobb estime pour sa part que la moitié des usagers le porte environ et que c’est déjà mieux que la semaine dernière. « On mise sur la pression sociale. Il faut que ceux qui n’en portent pas aient l’air étrange et pas le contraire », illustre le président de la STM, ajoutant que la distribution de masques réutilisables s’inscrit d’ailleurs dans une démarche de développement durable. « On n’a même pas voulu les mettre dans des enveloppes en plastique avec des consignes pour limiter le gaspillage », souligne M. Schnobb, qui recommande pour sa part « très» fortement le port du masque.
Même chose pour la mairesse, qui suit cependant les recommandations de la santé publique là-dessus et refuse de le rendre obligatoire.
Oui, on est le genre à se donner le droit d’imaginer ici une directive en faveur du port du masque obligatoire émise en mode de communication épicène.
Ça donnerait : «population doit porter masque partout dehors maison » ou quelque chose du genre (mais sans genre).
.jpg)
Enfin, le dilemme shakespearien demeure : porter le masque ou ne pas porter le masque?
« ON PORTE TOUS DES MASQUES! », est évidemment la bonne réponse, mais disons que quand vos parents vous suggéraient « fortement » ou « très fortement » de manger des brocolis avant de sortir de table, ça voulait dire: « mange tes estis de brocolis ».
Obligatoire ou non, reste que le risque de « crissage de masque par terre sur la voie publique » est plus élevé que jamais, avec la pression des autorités à confiner nos postillons et nous donner des looks de ninjas.
Croisée à la station Langelier, Lise Bouchard en parlait justement hier soir avec sa soeur. « Il y en a partout par terre (des masques), ça a remplacé les bouteilles en plastique », constate Mme Bouchard, qui porte religieusement le sien – réutilisable – pour prendre le transport en commun et magasiner.
.jpg)
Mme Bouchard….ou une NINJA?!!?
Un employé de la STM interrogé sur place abonde également dans le même sens que Lise. « On a remarqué que les masques et les gants avaient remplacé les sacs de chips par terre », illustre l’homme, pendant que le président de la STM dealait avec un monsieur fâché par la présence des témoins de Jéhovah dans certaines stations de métro à une distance de COVID de lui. « Pourquoi c’est toléré! Ils font du harcèlement! », pestait le monsieur, à qui Philippe Schnobb a répondu d’un calme olympien. « Ils sont censés être low profile, mais on ne peut pas les chasser », souligne-t-il.
«On a remarqué que les masques et les gants avaient remplacé les sacs de chips par terre.»
Soyons honnêtes, les édicules et les rames de métro sont plus propres que jamais, probablement en raison du faible achalandage. Même les abords des stations visitées étaient immaculés, à part pour cette étrange boîte de patates (!).
.jpg)
L’image de la tristesse: des patates abandonnées
Mais pas besoin d’être Indiana Jones dans le temple maudit pour trouver des cadavres de masques et de gants en latex un peu partout en Ville.
La vue de ces masques abandonnés sur le bitume rivalise d’ailleurs de tristesse avec la vue de cette longue file s’étirant devant une succursale Rona de la rue Ontario en ce gris lundi matin.
.jpg)
« Tombent les masques! »
Dans leur photoreportage « Tombent les masques! » publié il y a quelques jours dans L’agence de presse 21, les jeunes journalistes Marc Boulanger et Léonie Rosée Choquette ont voulu rendre en quelque sorte «hommage» à ces artéfacts pandémiques abandonnés, en les immortalisant dans leur état naturel.
Les deux finissants au DESS en journalisme à l’Université de Montréal ont eu cette idée en se promenant en Ville. « Et ça a été très facile de les trouver », note Marc, au sujet de la quarantaine de clichés que renferme leur reportage.
Leur travail met aussi en lumière les craintes formulées récemment par l’organisme Greenpeace sur l’impact environnemental et la pollution générée par les masques jetables.
« Ces objets, non biodégradables et potentiellement contaminés, risquent de se retrouver en grande partie dans les sites d’enfouissement, mais aussi dans les égouts puis dans les différents cours d’eau », déplorait la semaine dernière à la Presse canadienne Agnès Le Rouzic, responsable de la campagne Océans et plastique chez Greenpeace Canada.
La porte-parole ajoutait que les masques jetables sont typiquement faits d’un mélange de fibres synthétiques et de cellulose, d’un élastique et d’un bout de métal, susceptibles de « mettre en danger la faune sauvage et boucher des canalisations dans les réseaux de traitement des eaux usées des villes. »
«Ces objets, non biodégradables et potentiellement contaminés, risquent de se retrouver en grande partie dans les sites d’enfouissement, mais aussi dans les égouts puis dans les différents cours d’eau.»
Même inquiétude du côté d’Équiterre devant l’inévitable prolifération des masques dans notre quotidien. «Clairement, les produits à usage unique connaissent un regain de popularité en ce moment. Ça nous inquiète passablement, mais on sait qu’il existe des alternatives de matériel réutilisable autant pour les institutions que les individus et qui ne sacrifient pas l’aspect sanitaire du tout», a fait savoir lundi le porte-parole de l’organisme Anthony Côté-Leduc.
.jpg)
Qu’on soit pour ou contre, le masque semble là pour rester encore quelques mois. Tant qu’à passer l’été avec lui au ciné-parc (seule activité un peu amusante jusqu’ici permise, avec le BBQ à trois familles, la pétanque et la délation citoyenne ), aussi bien préconiser les couvre-visages (j’ai flanché) réutilisables et pourquoi pas locaux, tant qu’à y être. L’histoire dira ensuite si ces masques lavables distribués en grand nombre gratuitement finiront aussi dans le caniveau ou s’ils seront dûment nettoyés et réutilisés.
Mais en plus de générer un maximum de « likes solidarité » sur Facebook avec votre masque trendy, vous pourrez au moins faire votre part pour sauver les baleines à bosse et freiner la fonte des glaciers.
Bon peut-être pas tant que ça, mais vous empêcherez au moins les masques de détrôner les mégots de cigarette en tête du non-prestigieux palmarès des cochonneries les plus répandues sur le sol Montréalais.