Logo
Entrevue Basia Bulat

Le coeur bohème de Basia Bulat

À l’ombre de Charlotte Cardin, une autre chanteuse pop montréalaise anglophone s’illustre sur la scène internationale.

Par
Benoît Lelièvre
Publicité

« J’ai longtemps rêvé de Montréal. Plusieurs années avant que je vienne y vivre. »

Il existe deux types de Montréalais. Ceux et celles qui y sont nés et ceux et celles qui l’ont choisie. Pour ces derniers, la métropole a toujours revêtu un caractère magique, poétique et bohème, à la fois sophistiquée et teigneuse. Une contradiction qui la rend inimitable.

Originaire de Toronto, Basia Bulat a mis les pieds à Montréal pour la première fois en 2005 grâce au programme gouvernemental Explore, qui permet aux jeunes Canadiens de venir parfaire leur français sur le campus de l’Université de Montréal le temps d’un été. Puis, elle n’est jamais vraiment repartie.

Photo : Jean Bourbeau
Photo : Jean Bourbeau
Publicité

Vingt ans plus tard, elle compte sept albums, près de 160 000 auditeurs sur Spotify et une carrière qui l’a fait voyager aux quatre coins de la planète.

Bulat a lancé son nouvel album, Basia’s Palace, le 21 février, suite à une série d’importants changements dans sa vie. Si vous ne la connaissiez pas encore, vous risquez de la voir pas mal plus au fil des prochains mois.

Devenir maman et retomber en enfance

Basia’s Palace est un album charnière pour l’autrice-compositrice-interprète. Il s’agit de son troisième en cinq ans, mais le premier depuis la naissance de ses filles, qui ont aujourd’hui quatre et deux ans.

« C’est drôle, parce que Basia’s Palace ne traite pas du tout de maternité. C’est moi qui y retombe en enfance, en quelque sorte », raconte la musicienne, aujourd’hui résidente du Mile-End. « C’est l’effet que ça m’a fait de devenir mère. Je passe beaucoup de temps à regarder des vieux albums photo. J’ai l’impression d’avoir une nouvelle perspective sur ma jeunesse. »

Photo : Jean Bourbeau
Photo : Jean Bourbeau
Publicité

Autrefois entièrement dévouée à sa carrière, Basia Bulat cherche désormais un équilibre de vie qui lui permettra de demeurer plus près de sa famille. Elle a ainsi pu compter sur l’aide de sa mère pendant l’écriture et l’enregistrement de l’album.

« Je suis en train de redéfinir qui je suis en tant que femme et en tant qu’artiste. Cet album incarne ces changements. Du moins, je l’espère », explique-t-elle en précisant que ce mystérieux palais ayant donné son nom à son dernier album se trouve à la fois dans son sous-sol, au studio et à l’intérieur d’elle-même.

« Au début, je voulais appeler ça Bobo’s Palace. Bobo, c’est mon chat et le sous-sol, c’est son palais. C’est là que j’ai composé une bonne partie de l’album toute seul, sur l’ordinateur, en format MIDI. »

Publicité

Le premier extrait, Baby, disponible sur les plateformes d’écoute depuis le 1er octobre dernier, est au cœur de cette transformation créative qui s’opère en la chanteuse. Elle y a travaillé pendant près de dix ans avant de réussir à enregistrer une interprétation qui la satisfasse. « Il n’y a pas tant de paroles, pourtant. C’est le ton et la cadence que je n’arrivais pas à enregistrer à mon goût », précise-t-elle avec un petit rire gêné.

Montréal comme muse

Inspirée par Leonard Cohen, Rufus et Martha Wainwright, Basia Bulat est venue s’installer à Montréal quelques mois après le programme d’échange avec comme idée de faire de la musique et de guérir une peine d’amour.

N’en déplaise à Charles Aznavour, c’était le début d’une vie de bohème tout à fait accessible aux moins de vingt ans.

« J’ai toujours trouvé qu’il y avait une poésie et un amour véritable pour l’art ici. À ma connaissance, Montréal est la seule ville au Canada qui a une Place des Arts. D’habitude, tous les endroits publics portent le nom de quelqu’un et servent à un paquet de trucs, mais ici, on a un endroit dédié aux arts. C’est tellement unique », lance-t-elle.

Photo : Jean Bourbeau
Photo : Jean Bourbeau
Publicité

Bulat commence à se produire en spectacle au Dépanneur Café, sur Bernard. Sa voix atypique et ses arrangements musicaux riches lui ouvrent rapidement des portes et, en 2007, elle se retrouve en studio avec Howard Bilerman, l’ancien batteur d’Arcade Fire et réalisateur reconnu, pour enregistrer son premier album, Oh, My Darling. Sa carrière décolle, l’univers créatif qui l’a nourrie pendant toutes ces années remplit ses promesses.

Le son de l’autoharpe, un instrument rare, et les arrangements complexes, mais harmonieux, d’instruments à cordes ont fait la réputation de Basia Bulat. Cette oreille pour les cordes, elle l’a héritée de sa mère et de son amour pour la musique de chambre du compositeur hongrois Béla Bartók.

« Tu vas peut-être trouver ça bizarre, mais les cordes, pour moi, c’est comme le vent ou parfois même la terre. Elles ont un quelque chose d’organique. »

Publicité

D’album en album, ses univers sont aussi foisonnants que cohésifs, un peu comme s’ils étaient les différents chapitres d’un seul et même roman. Ces univers lui ont d’ailleurs valu des mises en nomination aux prix Juno et Polaris.

« Toutes mes chansons me sont venues ici. J’ai rencontré mon mari ici. Montréal m’inspire. Mes voisins m’inspirent. Mes amis musiciens m’inspirent aussi. C’est encore plus intense depuis la pandémie parce que j’ai dû m’arrêter et prendre le temps de bien connaître tout le monde », raconte-t-elle. Comme quoi, les chemins de Basia Bulat l’ont d’abord menée vers Montréal et ensuite vers son palais. Allez écouter Basia’s Palace en vous promenant dans les rues de la grand’ ville. La voix fantasmatique de la chanteuse ajoutera un peu de magie à chacun de vos pas.

Photo : Jean Bourbeau
Photo : Jean Bourbeau
Publicité