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Voilà maintenant près d’une semaine que l’Écosse a voté à 55 % contre son indépendance. La vie ici a repris son cours et le référendum est désormais un vague souvenir pour les uns, un rendez-vous manqué avec l’histoire pour les autres.
Pour faire court, je dirais même que l’après-référendum est un peu à l’image de la campagne, c’est-à-dire calme et serein. J’ai parfois l’impression que les nombreux Québécois sur place ont eu davantage de mal à digérer cette défaite que les Écossais eux-mêmes, un peu comme si cette défaite était aussi un peu la leur.
Longtemps avons-nous affirmé que nous étions, au Québec, le seul peuple à avoir refusé l’indépendance. Désormais, nous serons deux! Je vous présente donc ici mes impressions des derniers jours de la campagne référendaire et des suivants.
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Une promenade dans les rues d’Édimbourg en ce 18 septembre, jour du vote, ne laissait en rien présager une défaite du OUI par près de 10 %. Même dans la capitale écossaise où 61 % des gens ont voté contre l’indépendance, on sentait que le OUI profitait d’un vent favorable.
Il est vrai que les partisans du NON furent bien discrets tout au long de la campagne, ce qui a fort certainement faussé notre perception. Il y eut certes des sondages nous rappelant quotidiennement que le NON disposait d’une légère avance, mais celle-ci tendait à s’effriter petit à petit plus la campagne progressait.
Le momentum dont disposait le OUI dans les dernières semaines n’aura donc pas été suffisant pour renverser la vapeur. Pour utiliser une expression bien en vogue chez nous depuis 2012, disons que la majorité silencieuse a parlé !
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D’un point de vue québécois, ce fut, il faut se le dire, une bien drôle de campagne. Il était fréquent de voir des kiosques du OUI et du NON côte à côte dans la rue sans que jamais cela ne cause de friction. À Glasgow, j’ai assisté à un rassemblement du OUI où des gens drapés de l’Union Jack parvenaient à se faufiler dans la foule sans que cela cause la moindre flammèche. Loin d’être perçues comme de la provocation, ces intrusions étaient au contraire source de moquerie entre les deux camps.
La tension entre certains indépendantistes et unionistes a bien monté à Glasgow au lendemain du vote, mais en tenant compte du reste de la campagne, cela relève du cas isolé.
Comme je le mentionnais dans mon texte précédent, la question identitaire étant absente, cette campagne fut nettement moins émotive que celle que mènent actuellement les Catalans* ou celles que nous avons vécues en 1980 et 1995 au Québec. Ici, point de langue à défendre ou de tort historique à venger. L’essentiel de la campagne portait sur l’économie et l’avenir de l’Écosse.
D’ailleurs, il convient ici de le mentionner, l’indépendance n’a jamais été la première option des Écossais, y compris chez certaines personnes ayant voté OUI. Une majorité d’Écossais se seraient satisfaits dès le départ d’une plus grande autonomie au sein du Royaume-Uni.
Conséquemment, le référendum était perçu chez plusieurs comme un moyen de négocier ce qu’on nomme en Écosse la devolution max, c’est-à-dire une plus grande autonomie fiscale. Les promesses faites par Londres dans les derniers jours de la campagne et visant à octroyer plus de pouvoirs à l’Écosse ont donc, de toute évidence, porté leurs fruits.
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Mais revenons aux heures précédant et suivant le vote historique des Écossais. La veille du vote, soit le 17 septembre au soir, un rassemblement populaire était organisé à Édimbourg sous le thème « Yes Hope-Global Solidarity », où se trouvaient environ 1500 militants pour le OUI, dont plusieurs issus de régions indépendantistes venues donner leur appui aux Écossais**.
Voyant que le rassemblement tournait à sa fin, plusieurs manifestants ont alors senti qu’il devait se passer quelque chose. Fort de leur expérience du Printemps érable, les nombreux Québécois sur place*** ont bien tenté d’amener les Écossais et les autres manifestants présents à prendre la rue, mais cette marche spontanée s’est rapidement soldée par une… manifestation de trottoir! Autre pays, autres mœurs!
Quoi qu’il en soit, la table était mise pour la soirée référendaire. En fait, disons plutôt la nuit référendaire! Car en Écosse, on n’écoute pas religieusement la soirée électorale entre amis autour d’une bière et d’un bol de ringolos. On attend généralement le matin pour savoir qui a gagné.
Toutefois, vu l’importance de l’événement, certains bars avaient décidé de rester ouverts toute la nuit pour l’occasion. Trop peu cependant. Quiconque n’avait pas prévu de plan B courait le risque de se heurter à un bar plein à craquer et conséquemment, de devoir rebrousser chemin. Ce fut notre cas!
Heureusement, un bon samaritain a croisé notre route. Un Catalan de surcroît. Il nous a gentiment offert le salon de son appartement pour suivre ce qui restait de la nuit référendaire. Il était alors près de quatre heures du matin. Déjà à cet instant, bien qu’il restait plusieurs boîtes de scrutin à dépouiller, l’issue du vote ne faisait plus de doute. Le NON allait remporter ce référendum.
Il régnait alors dans ce salon occupé par des Écossais, des Catalans et des Québécois, un mélange de fatigue et de déception. C’est un peu comme si l’adrénaline des derniers jours s’éteignait soudainement, nous rappelant qu’en Occident, les solutions de rechange au statu quo font rarement l’unanimité.
Bref, peu de temps après que la BBC eut confirmé que le NON gagnait ce référendum, nous quittions l’appartement pour aller nous coucher. Il était alors six heures du matin, cette heure fatidique où les couche-tard côtoient généralement les lève-tôt dans les rues encore sombres et lugubres.
Tout en marchant, je scrutais bien attentivement les visages des passants, croyant y voir ici et là des mines dépitées, mais plus encore, des visages heureux. Après tout, Édimbourg avait voté à plus de 60 % pour demeurer au sein du Royaume-Uni.
Cependant, rien dans le visage des gens ne laissait présager qu’un quelconque événement historique s’était déroulé quelques heures auparavant. Même impression quelques heures plus tard en allant ingurgiter mon premier repas de la journée. J’écoutais ici et là les conversations des gens, mais déjà, le référendum semblait derrière eux.
Au cours de la journée du 19 septembre, beaucoup de gens avaient déjà retiré les affiches dans leurs fenêtres ainsi que les macarons qui ornaient leurs blousons. Le référendum était désormais chose du passé. Vrai qu’il est sans doute plus facile de tourner la page lorsqu’on perd avec 45 % des voix qu’avec 49,5 %. Nous sommes évidemment bien placés pour le savoir!
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J’aurai donc passé un peu plus de deux semaines en Écosse. Beaucoup d’amis du Québec m’ont demandé ce que je retenais du référendum en Écosse ainsi que les parallèles que l’on pouvait faire avec notre situation. J’avoue que je n’en sais rien.
Ici, en Écosse, la page semble être tournée pour une majorité, ce qui, on en conviendra, est loin d’être le cas chez nous. Le discours d’Alex Salmond le matin de la défaite ne laissait d’ailleurs pas entrevoir de prochain rendez-vous. Sa démission n’avait rien de plus rassurant!
Et pourtant, l’option du OUI est passée de 35 % à 45 % en l’espace de quelques semaines. Je suis bien curieux de savoir qui sera le prochain politicien québécois à pouvoir revendiquer un tel succès!
En somme, les promesses faites par Londres dans la dernière ligne droite de la campagne en auront donc convaincu plusieurs de rester au sein du Royaume-Uni. Reste à voir maintenant s’ils sauront les honorer. Si les jeux politiques à prévoir d’ici l’élection britannique de 2015 n’aboutissent à rien de concret pour les Écossais, l’hypothétique prochaine fois pourrait venir plus rapidement qu’on le pense…
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Je quitte maintenant l’Écosse pour me diriger en Bretagne. Le mouvement indépendantiste breton est somme toute assez marginal, mais non moins existant. Il sera donc intéressant de voir ce qui anime les indépendantistes bretons! Dans tous les cas, rien ne permet d’envisager un repos pour mon foie!
* Le référendum en Catalogne aura lieu le 9 novembre prochain.
** Outre des Québécois, il y avait aussi des Catalans, des Basques, des Palestiniens et des Corses.
*** Outre les 50 Québécois présents avec le Réseau Québec-Monde, j’ai rencontré une trentaine de Québécois qui avaient fait le voyage pour Édimbourg.
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