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Le chevalier en gougounes

Par
Jonathan Roberge
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Je déteste qu’on “m’oblige” à faire quelque chose. Oui, tout le monde est peu comme ça je sais. Par contre chez moi, c’est un gros défaut qui me nuit. Depuis ma tendre enfance, on me reproche de ne pas respecter l’autorité. Ce n’est pas l’autorité que je ne respecte pas, c’est plutôt la personne qui jouit à l’utiliser sur les autres qui me répugne. Je ne suis pas cave non plus, je ne mettrai jamais personne en danger, car je dois respecter des limites qui m’ont été imposées. C’est juste que je déteste me faire dire: “Fais le, tu n’as pas le choix. Tu es obligé.”

Carcassonne, sud de la France, mi-août 2014

Un autre matin magique sur le vieux continent avec Fiston pour notre périple en duo. Nous sommes venu voir le château de Carcassonne pour faire plaisir à mon petit chevalier… pis à moi aussi. J’aime bien le Moyen Âge. Pas dans le sens « Hey bro je porte une cotte de mailles dans un centre d’achats de St-Jean-sur-Richelieu », mais plus dans le genre “Hey bro j’adore Mel Gibson quand il pète des anglais avec sa face toute bleue”.

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Les châteaux, les chevaliers, les reines, c’était bien beau, mais gardons-les dans leur époque. Cessons de nous marier avec un look de porteur de variole et vivons tous ensemble dans notre ère moderne. Merci!

Plus nous approchions des remparts, plus les yeux de mon fils s’illuminaient. Après 5 minutes dans la cité, on s’est vite rendu compte que nous n’allions pas voir grand chose de médiéval à l’exception de la grosse allemande poilue qui portait un t-shirt de Merlin l’enchanteur qui annonçait un spectacle de chevaliers qui allait avoir lieu non loin du kiosque du gars qui écrit ton nom sur un grain de riz à deux pas d’une des 400 boutiques qui vendent des souvenirs. Nous décidons alors d’acheter nos billets à un moine franciscain qui fume une clope et qui a des écouteurs de iPod dans le cou.

Une heure de file d’attente à entendre le même ostie de solo de pipeau joué par un monsieur qui, ensuite essayait de nous vendre son CD de pipeau. Sérieux? Je respecte toute forme de création, mais un CD de solo de pipeau? Really?

Qui dit dans un souper d’amis :

Gang! Le dernier album d’Arcade Fire, du génie! Mais j’aurais mis plus de pipeau!

Personne! Faque imaginez quelqu’un qui dit :

Man! Je me suis acheté un CD de 50 minutes de solo de pipeau!

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Ma vie est tellement plus relaxe… je te jure, écouter ça, c’est comme une heure de yoga chaud!

Nous étions 200 spectateurs à être guidés vers l’agora extérieure par des comédiens so-so qui nous piquaient les fesses avec leurs épées. Une fois assis, je dois avouer que le spectacle était bien. Mon fils trippait de voir des chevaliers se battre. Les enfants dans l’assistance tapaient des mains, les parents aimaient. Nous apprenions pleins de trucs intéressants sur les chevaliers.

Tout s’est gâté quand ils nous ont dit que se battre avec l’équipement était beaucoup plus dur que ça ne paraissait et qu’ils choisiraient quelqu’un dans l’assistance pour venir combattre… devant tout le monde.

La veille, pour endormir mon fils, je lui avais fait croire qu’étant jeune, j’avais combattu pour libérer l’Écosse… aux côtés de William Wallace… que j’avais déjà été un genre de chevalier. Je raconte toujours ce genre de conneries à mon fils, un peu comme dans le film Big Fish, que j’adore.

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Quand le chevalier m’a pointé avec son épée, devant 200 personnes et a dit:

Vous êtes obligé! Je vous ai choisi! Battez-vous, chevalier!

J’ai pensé trois choses:

1- Je ne suis pas obligé!

2- J’ai pas le goût d’aller me battre et me faire ridiculiser avec un suit trop pesant!

3- Je suis en gougounes!

Puis, j’ai vu le regard de mon fils, il m’a regardé et a dit : “C’était vrai…? Tu es un chevalier?”

CALISSE!!!!!!!!!!!!!!!! J’ÉTAIS OBLIGÉ!!!!!!!!!! Pas le choix! Fiston comptait sur moi!

Je me suis levé sous les applaudissements, j’ai enfilé l’armure. Sérieux, c’était impressionnant combien c’était lourd. Les hommes de cette époque n’était pas des faibles, croyez-moi!

Après 2-3 coups d’épées (non affilée), le petit smatte contre qui je me battais dit : “Un peu de sport ne fera pas de tort à ce chevalier bedonnant!”

La foule hurle de rire.

Bon! Toé t’es mort mon estie de clown en chemise à lacet!

Vous n’avez jamais vu un dodu se battre comme un spartiate de même!

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Je pense que le p’tit monsieur ne s’attendait pas à ce que le bedonnant chevalier se donne de même! Quelques coups d’épée BEAUCOUP trop forts pour un spectacle l’ont fait tomber par terre. Il a tenté de se relever et je lui ai donné une généreuse jambette. Il est retombé sur le sol. J’ai pu voir la fierté de mon fils entre les deux trous de mon gros casque de métal.

J’ai encouragé la foule à m’applaudir. Ils ont hurlé! J’ai reçu une jambette à mon tour; je suis tombé sur le cul et j’avais de la misère à me relever… Comme une tortue prise sur le dos. Il a mis la lame sous mon cou et a dit :

Vous demandez grâce?

Ce à quoi j’ai répondu : « Non! »

Il s’est penché vers moi et m’a chuchoté : « Monsieur, pour le spectacle, il serait plus logique de demander grâce… Je ne peux quand même pas vous tuer… hahahahah! »

Chevalier! Vous demandez grâce?

Moi : « Non! »

Je me suis relevé avec l’aide de deux paysannes comédiennes. J’ai retiré fièrement mon casque en souriant et je suis allé rejoindre mon fils dans l’estrade. Le spectacle a continué pendant 30 minutes. J’ai gardé mon armure pesante. Mon fils était fier de moi… surtout quand je lui ai expliqué qu’il ne m’avait pas tué car ils savaient que mes chums de l’Écosse allait venir leur botter les fesses si ils me tuaient.

Il m’a regardé perplexe et m’a demandé :

Quand est-ce qu’on va en Écosse voir tes amis chevaliers?

Un jour, mon homme, un jour…

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PS : Dans 10 ans si vous voyez que je cherche une chiée de comédiens pour partir en Écosse, vous saurez pourquoi!